Tu vas me tuer

50 2 0
                                    


 A 7h du matin, je lui ai envoyé un message.

Je suis en bas de chez toi.

                                                          J'arrive dans 10 min, bouge pas. T'es venue pour ?

Passer la journée avec toi.

                                                         Putain, j'arrive. Pars pas, hein !

Bouge, sinon je m'enfuis.

J'ai posé mon sac à mes pieds et j'ai souri. Il faisait encore sombre, et le soleil jouait avec les nuages. la lumière s'est allumée dans sa chambre, puis il a ouvert sa fenêtre, j'ai vu son visage se pencher pour vérifier que j'étais bien là. Quand il m'a vue, il a souri, puis il a refermé la fenêtre. Son regard m'a fait sourire à mon tour. J'ai sorti une cigarette, je l'ai allumée et j'ai ajouté un peu de nuages au ciel, doucement. Il est sorti, un tshirt blanc et sa veste noire sur les épaules, ses chaussures à la main. Il a froncé les sourcils en me voyant.

- J'aime pas quand tu fais ça.

- Je suis pas là pour faire ce qui te plaît, encore une fois.

- Tu changeras jamais.

- Peut être que si, le jour où on s'oubliera, je changerai.

- Mais je t'oublierai jamais, tu le sais.

- On dit toujours ça. Moi, je peux t'affirmer que je vais t'oublier un jour. On peut pas se supporter

- C'est ton mauvais côté que je peux pas supporter, pas toi.

- Mon mauvais coté, c'est en grande partie moi, non ?

- Non.

- Bon, on y va ? Le jour va bientôt se lever.

- On va où ?

- Au bout du monde. Mais mets tes chaussures d'abord, le bout du monde a autant envie que moi d'être épargné par tes pieds.

- Quel humour.

- Tu aimes mon humour.

- J'aime tout.

- Sauf mon caractère.

- Je l'aime quand même, idiote.

Il s'est penché et a posé ses lèvres sur les miennes. Bon dieu, qu'est ce que je l'aimais. Ce jour là, j'aurai du sentir que c'était la dernière fois que je le voyais me sourire. J'aurai du m'éloigner avant que ça soit trop tard, mais je n'ai rien fait. Il me fascinait, littéralement.

Je lui ai murmuré suis moi au creux de l'oreille et il m'a suivie là où je voulais aller. Tout le long du trajet, il s'est tu. Et moi aussi. Je me retournais parfois pour voir si il me suivait, il était à quelques pas de moi, les yeux baissés sur ses pieds. A un moment je me suis arrêtée. On était au pied de la vieille tour, abandonnée depuis des années.

- Pourquoi ici ? a t'il demandé.

- Pourquoi pas ?

- Parce que c'est vieux, et que ça menace de s'écrouler.

- On menace tous de s'écrouler, hein.

- T'as toujours réponse à tout.

- T'es jamais content.

- Ouais, mais je t'aime.

- Si tu le dis. Bon, on y va ?

- Oui, on y va.

J'ai ouvert la porte et monté les escaliers quatre à quatre. Il me suivait à toute vitesse. Je suis arrivée en haut et j'ai contemplé la vue qui s'offrait à nous. Le soleil se levait et peignait une aquarelle dans le ciel d'été. Il est arrivé quelques secondes après et est venu à coté de moi sans un mot. Des minutes après, il a murmuré.

- C'est beau.

- Mmh.

- Ça te fait penser à quoi ?

- A une bagarre de couleurs. Toi ?

- A une glace de tous les parfums.

- Chacun son point de vue.

- On est trop différents.

- On est jamais trop différents.

- Si quand même, là c'est un peu beaucoup pour moi.

- Désolée.

- De quoi ? d'être toi ? C'est moi qui sait pas t'aimer, c'est tout.

- Et moi alors ? J'ai fait quoi ?

- Justement, rien, t'es juste toi.

- Je te plais pas, c'est mon visage que t'aimes.

- J'en sais rien, ça a pas d'importance. Tu m'aimes pas non plus, fais pas comme si je venais de te blesser.

Il ne s'est pas retourné. Si il s'était retourné, il aurait vu qu'une larme avait roulé sur ma joue, une puis deux. il aurait vu mon regard braqué sur son dos et mes remords plein les yeux. J'ai tourné les talons et j'ai commencé a descendre les escaliers. Il m'a entendue.

- Tu pars ?

- A quoi ça sert de rester ?

- Tu vas où ?

- J'en sais rien.

- Tu vas où ?

- Je vais prendre l'air, loin.

- Tu pars toujours, et j'arrive jamais à te suivre.

- Parce qu'au fond, t'en a pas vraiment envie.

- Pourquoi j'en aurai pas envie ?

- Je suis plus la seule dans ton cœur, j'étais juste de passage, je te l'avais dit.

- Comment tu pourrais le savoir ?

- C'est tellement simple de savoir quand on pense à quelqu'un d'autre. Plus simple de savoir quand on pense à nous, tellement plus simple.

- Je t'aime.

- Tu connais rien de moi !

- Je connais tes caprices et tes folies.

- Ça fait pas tout.

- Je t'aime, et j'y peux rien. Dis moi que tu m'aimes aussi, je le sais.

- Dans ce cas ça sert à rien que je te le dise.

- Continue comme ça. Tu vas me tuer.

J'ai mis mes mains en forme de pistolet et j'ai tiré. Une fois et deux. Il a fait mine d'être touché, la main sur le cœur. Il avait son demi sourire, je savais que je lui faisais du mal. Je lui ai pris la main et je l'ai embrassé. Une fois, douloureusement.

La nuit, une main sur sa joue, j'ai enfilé ma veste et je suis sortie de la chambre. J'ai sorti une cigarette et je l'ai mise dans ma bouche sans l'allumer. A travers la vitre, je le voyais. "J'aime pas quand tu fais ça." Cette phrase résonnait dans mon esprit. J'ai remis la cigarette dans son paquet. J'ai remis le paquet dans ma poche.

J'ai chuchoté "c'est toi qui va me tuer." sans savoir que j'avais raison.





Mensonges.Where stories live. Discover now