La Lumière de l'Espoir - Acte 1 - Partie 4

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Le lendemain matin, Beckett se leva à l'aube pour contempler l'aurore. Chaque jour, regarder le soleil se lever sur le monde lui offrait, pensait-il, un aperçu de l'infini.

Ce matin, il ne pouvait s'empêcher de penser à la princesse en sentant les rayons du soleil d'hiver sur sa peau. Même si le vent était frais, il se sentait parfaitement bien.

Sa contemplation finie, il partit faire sa toilette et alluma le four de l'atelier. Il était étonnamment calme, pour quelqu'un qui allait devoir rivaliser avec deux garçons plus forts que lui et bien plus expérimentés. Mais, quelque chose s'était produit pendant la nuit. Il se sentait totalement différent du petit garçon qui pleurait la tête entre les mains, sur le perron de l'atelier la veille au soir.

Maitre Rinpo descendit bientôt à son tour, l'air mal réveillé et vaporeux comme à son habitude.

- Je vous ai préparé votre café, Maitre Rinpo, dit Beckett lorsqu'il l'aperçut.

Le vieux forgeron tourna vers lui un regard hagard.

- Oh... merci, mon garçon ! lui répondit-il, avant de s'attabler et de boire silencieusement sa boisson en se tenant la tête.

Il ne semblait pas lui tenir rigueur de son intrusion de la veille, et n'y fit aucune référence pendant les préparatifs du concours.

Ils passèrent ainsi la matinée à installer trois établis, sur lesquels les compétiteurs allaient s'installer. Beckett suppléa son maître, du mieux qu'il pouvait, installant les tables, allumant les fourneaux, déplaçant les enclumes. C'était la première fois qu'il allait travailler seul sur un établi, et il ressentait un profond sentiment d'excitation.

Le soleil était déjà haut dans le ciel, lorsque Gino et Budo se levèrent. Ils s'attablèrent aussitôt pour manger, tandis que Maitre Rinpo et Beckett achevaient les préparatifs.

- On commence quand ? dit Gino d'une voix pâteuse. Avec Budo on s'est mis d'accord, comme je suis le plus fort, ce serait mieux que je sois le seul à participer.

Budo ajouta :

- Et puis moi, j'ai pas tellement envie de faire que ça de forger toute ma vie, en fait, c'est trop de boulot !

Les lunettes de Maître Rinpo semblèrent près de voler en éclats.

- Comment ? Tu ne veux pas participer, Budo ? Mais pourquoi ? Tu te débrouilles bien, pourtant ! Allez, mon fils, tu ne peux pas abandonner comme ça.

Pour toute réponse, celui-ci haussa les épaules.

- Bof. Je pense aller à Ulmia faire un vrai travail, quelque chose qui rapporte, plutôt que de me casser les reins à taper du marteau toute la journée.

Maitre Rinpo n'eut pas le temps de se lancer dans une des tirades remplies d'insultes fleuries, dont il avait le secret, car une voix retentit.

- Qu'il en soit ainsi !

C'était Alys.

Elle franchissait le seuil de la porte du fond de l'atelier, d'un pas assuré. Ses yeux brillaient d'une lueur intense. Elle portait une robe magnifiquement ouvragée, son pendentif mettant en valeur sa gorge et la délicatesse de son cou. Comme la veille, il battait à un rythme régulier.

Beckett eut le souffle coupé de la voir apparaitre ainsi, et il ressentit en même temps une légère crainte.

Maitre Rinpo semblait effondré.

- Mais, Dame Alys, vous vouliez qu'une compétition ait lieu entre mes trois apprentis...

- Merci, Maitre Rinpo, je sais ce que j'ai dit. Mais à l'évidence, cet apprenti-là n'est pas digne d'acquérir le secret de l'acier. La Famille Royale d'U-Topos a besoin d'un forgeron qui sache où va sa loyauté.

Maitre Rinpo s'inclina devant la voix impérieuse de la princesse.

- Il sera fait comme vous le souhaitez, dame Alys.

La princesse pencha alors majestueusement la tête, et sourit. La lumière qui émanait de son pendentif sembla se radoucir.

- Bien, où en sommes-nous des préparatifs ?

Maitre Rinpo se gratta le menton en regardant autour de lui.

- Et bien, je crois que nous avons terminé... J'imagine que nous pouvons y aller.

Alys tapa dans ses mains.

- Très bien, dans ce cas il n'y a pas une minute à perdre ! Que les deux participants aillent s'installer !

Gino se leva nonchalamment et alla s'installer derrière son établi, vérifiant mollement ses outils. Beckett s'installa également, Budo à sa suite. Il le regarda d'un air mauvais et lui dit entre ses dents :

- Ne t'avise surtout pas d'essayer de gagner, le gamin. Gino et moi on a prévu de se transmettre le secret du vieux quand on l'aura, et on te le transmettra aussi si tu veux. Mais pour ça, sois un bon garçon, qui fait ce qu'on lui dit, d'accord ?

Beckett le regarda d'un regard qu'il n'avait jamais eu jusqu'à présent.

- Je ferai ce qu'il faut pour servir les intérêts de la Princesse, Budo.

Les joues de celui-ci s'empourprèrent. Il s'apprêtait à le frapper quand la princesse apparut derrière eux.

- Budo, que fais-tu encore là ? Je croyais que la forge ne t'intéressait plus.

Sa voix était calme mais son ton inflexible.

Budo sembla aussitôt se dégonfler comme un ballon de baudruche.

- Oui votre Sérénissime Imperialité, vous avez raison !

Il s'esquiva maladroitement, non sans adresser un regard entendu à Beckett.

Alys tapa à nouveau dans ses mains.

- Bien ! Laissez-moi donc vous présenter les règles pour cette compétition. Vous disposez de vingt-quatre heures complètes pour réaliser votre ouvrage. Maitre Rinpo a veillé à ce que tous les outils et matériaux dont vous aurez besoin soient disposés sur votre établi. Vous n'avez besoin de rien d'autre, et vous n'aurez de toute façon rien d'autre. Le choix de l'ouvrage à réaliser est libre, vous serez avant tout évalués sur le caractère parfaitement fonctionnel de celui-ci. Maitre Rinpo et moi-même nous chargerons d'évaluer vos travaux.

Il est interdit de discuter avec quiconque pendant l'épreuve, vous êtes donc seul avec vos outils.

Le vainqueur sera désigné comme héritier de Maitre Rinpo, et sera initié à tous ses secrets.

Elle marqua un temps d'arrêt.

- Avez-vous des questions ?

Le silence lui répondit. Beckett hocha la tête de droite à gauche. Un jour complet ? Il n'avait jamais fait cela ! D'ordinaire il travaillait seulement de jour avec Maitre Rinpo, et ne s'occupait pas d'ouvrages dans leur intégralité.

Il avait la sensation d'être poussé dans un torrent en ayant appris à nager dans un lac.

Gino gémit alors :

- 24h ? Mais c'est beaucoup trop ! On n'a encore jamais fait ça !

Alys le regarda et dit d'une voix indifférente :

-Et bien il est temps d'apprendre. Une autre question ?

Cette fois, un silence total lui répondit.

- Bien, dans ce cas, commencez immédiatement. Tenez-vous prêts ... C'est parti !

Beckett attrapa ses outils, inspira profondément, et se mit à l'ouvrage.

- Voyons... d'abord, il faut préparer l'acier, murmura-t-il pour lui-même.

Les Chroniques de l'Intermonde I : La Lumière de l'EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant