3. Rencontre.

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Zilar observa le garçon pendant plusieurs jours. Ses craintes se confirmèrent : le gamin remplissait toutes les conditions du souffre-douleur désigné. Il ne se plaignait jamais, souriait à longueur de temps. Eut-il été blond et il aurait incarné tous les critères de candeur et d'innocence. En somme, il y avait là tout le potentiel pour le transformer en parfait petit Jedi, s'était résumé Zilar.

La bande des "persécuteurs" régnait d'une main de fer sur l'école locale. Ils récupéraient les goûters, parfois des jouets, plus rarement des crédits, n'hésitant pas à distribuer quelques coups dès qu'une velléité de rébellion apparaissait. Le garçonnet était pourtant le seul à subir autant leur acharnement.

Evidemment, il y avait une histoire de fille là-dedans, observa Zilar à force de patience. Une gamine épargnée par les séances de racket quotidien, grâce au "sacrifice" de son ami. Il se demanda si elle lui avait promis quelque chose en échange de sa protection, ou s'il agissait par pure abnégation - trait typique des Jedi. La Force se moquait-elle de lui ?

Il devait cependant reconnaitre que la perspective de transformer ce garçon à l'attitude si noble en un retors Seigneur Sith ne manquait pas d'intérêt. N'avait-il pas rêvé d'un terrain vierge pour ses plans ? Un esprit si jeune et si naïf serait délicieusement modelable. Oui, il y avait là un certain défi qui pourrait être amusant.

Le cinquième jour, il décida qu'il était temps d'agir. Après la séance de bastonnade rituelle, il s'approcha de l'enfant qui se relevait en reniflant, essuyant ses larmes de ses mains sales.

–Eh bien, mon garçon, on dirait que ça ne va pas fort ?

–Ce... ce n'est rien, monsieur.

–Vraiment ? Ils t'ont bien amoché.

–Je préfère que ce soit moi, plutôt que Cinabre.

Le prénom de la fille, donc. Zilar classa l'information, elle pourrait s'avérer utile.

–Pourquoi ne te défends-tu pas ?

–Maman... elle dit que je ne dois pas. C'est dangereux.

–Je vois, marmonna le Sith. Permets-tu que je te raccompagne jusqu'à chez toi, mon petit... ?

–Chloan, monsieur. Mais je peux rentrer tout seul, j'ai l'habitude, vous savez.

–Il se trouve que j'ai justement à parler avec ta mère. Rien de grave, n'aie crainte, ajouta Zilar en avisant l'air soucieux du garçon.

Le gamin ne répondit pas, mais le Sith le devinait sur la défensive. Une aura de peur mêlée de fureur l'entourait désormais.

Ils marchèrent longtemps, le Sith rongeant son impatience, guidé par les petites foulées de l'enfant.

–C'est là, fit enfin Chloan. Maman, annonça-t-il en franchissant le seuil, y'a un monsieur qui veut ...

–Jamais vous ne m'enlèverez mon fils ! hurla alors une femme d'une trentaine d'années qui attrapa Chloan illico pour le serrer possessivement, son regard haineux braqué sur Zilar.

–Du calme, madame, fit posément le Maître Sith pour temporiser. D'où vous vient cette idée folle ?

–Vous êtes un Jedi, non ? Vous vous habillez comme eux, en tout cas. Vous allez me prendre mon petit Chloan, et je ne le reverrais jamais !

Ainsi donc, on le prenait pour un Jedi ? Zilar ne releva pas l'insulte. Ekéros était-il un monde si éloigné pour que les souvenirs des antiques coutumes Jedi y soient encore si profondément ancrées ? Encore une fois, ses ennemis de toujours allaient servir ses plans.

–Je ne me suis même pas présenté. Je m'appelle Zilar.

–Mélane Skarn, fit-elle à son tour, réticente.

–Voyez mon grand âge. Je ne suis pas un Jedi kidnappeur d'enfant, juste un vieil homme venu finir tranquillement ses jours sur cette paisible planète, dans la méditation et la contemplation.

–Oh... je suis confuse, s'excusa-t-elle. Je croyais que...

–Vous avez cependant raison sur un point. Cet enfant a un potentiel incroyable. Pourquoi ne pas l'envoyer au Temple ?

–Hors de question. Il est tout ce qu'il me reste.

–Je vois. Non conscient de ses pouvoirs, cet enfant reste livré à lui-même... N'a-t-il pas encore provoqué de catastrophe ?

Contrite, Mélane avoua d'une voix brisée :

–Si... Il a déjà blessé un camarade de classe.

–C'était une simple gifle ! protesta Chloan.

–Qui lui a fracassé la mâchoire, continua Mélane en le foudroyant du regard. Je l'ai changé d'école, et depuis que je lui ai interdit de se battre, tout se passe bien.

–Voyez le résultat, commenta Zilar, sarcastique. Combien de temps avant qu'il ne succombe sous un coup mal dosé ? Combien de temps supportera-t-il cette vie misérable d'humiliations permanentes ? Ne craignez-vous donc pas, susurra-t-il à voix basse, qu'il bascule dans le Côté Obscur, devienne un monstre dirigé par la haine, jusqu'à ne plus reconnaitre...sa propre mère ?

Le Sith laissa planer le silence, intérieurement ravi de son petit effet. Il vit Mélane perdre graduellement ses couleurs comme elle passait de la colère à l'indignation, puis à la résignation.

–Cet enfant est un danger public, une véritable bombe à retardement, continua-t-il pour pousser son avantage. Regardez-le, voyez son visage tuméfié, ses ecchymoses...à cause de votre lâcheté, vous le condamnez à une vie de souffrances !

Brisée, anéantie, cherchant ses mots, Mélane se laissa tomber sur une chaise.

–Je... ne... je ne ...

Ses balbutiements se perdirent dans un sanglot. Satisfait, Zilar compta mentalement jusqu'à dix. Elle était ferrée.

–Je comprends votre douleur, fit-il en pressant ses mains, un air de profonde compassion sur le visage. Chloan me rappelle tellement...

Son regard se perdit dans le lointain et il s'interrompit, comme peu désireux de partager un passé douloureux.

–Et si vous... vous pourriez lui... apprendre ? hasarda Mélane, tandis qu'une lueur d'espoir renaissait dans ses yeux rougis.

–Je ne sais pas... c'est une si grande... responsabilité... soupira Zilar.

–Juste quelques heures de temps à autre, oh, je vous en prie, ne m'obligez pas à l'envoyer loin de moi !

–Je pourrais supposer que si la Force a guidé mes pas ici, c'était pour me confier une dernière mission. Je crains cependant que le Conseil ne voit cette incartade d'un mauvais œil.

–Nul ne le saura, je vous le promets. Vous êtes d'accord ? insista-t-elle.

Si le discours de Zilar l'avait abattue dans un premier temps, entrevoir cette perspective avait ravivé sa flamme de combattante. La tristesse et la douleur du vieil homme avaient été si poignantes... elle ne pouvait le laisser dépérir seul sans rien tenter. Une jeune compagnie lui ferait le plus grand bien, l'aiderait à chasser ses idées moroses.

–Laissons le choix au principal intéressé. Alors, Chloan, que désires-tu ? demanda Zilar.

–Je veux apprendre, Maître ! répondit le jeune garçon avec enthousiasme.

Le Sith sourit largement. Voilà qui récompensait sa précédente déconvenue. Ne restait plus qu'à orienter ce jeune esprit sur la voie de l'obscurité.


L'Apprenti SithOù les histoires vivent. Découvrez maintenant