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[The Razors Edge – ACDC]

Lucy me dévisage, les lèvres entre ouverte et tremblantes. Je ravale cette bile dans ma gorge alors que le bleu de ses yeux m'enfonce dans un abime profond. Son regard me juge tout de suite mais j'ai le sentiment qu'elle sait tout.

La honte, la peur ou encore la résignation.

Mon numéro n'est pas le plus glorieux, c'est bien certain. Mais pourtant, j'ai le sentiment que ce n'est pas le cas. Qu'il y a une vérité plus sombre dans ce monde et je crois que nous passons tous à côté de cette évidence. Un changement, ou une direction différente de ce que l'on nous dit. J'ai assez discuté avec le Mal pour savoir de quoi il est capable, mais il y a quelque chose qui m'échappe à chaque fois dans leurs paroles. Je baisse mon regard et souffle. Je ne vois même quoi dire de plus. Ce n'est pas pour rien que le six est le signe du mal dans la bible et je sais aussi d'une certaine façon, pourquoi il s'agit du mien.

- Quel est la signification du cinq ?

Je relève mon regard sur elle, ses yeux bleus me sondent et appréhendent ma réponse. Je crois qu'elle a peur mais elle ne le montre absolument pas. Je ne peux rien lui révéler. Je ne connais pas la signification de son nombre.

- Je ne sais pas. J'ai uniquement cherché à connaitre le six.

- Le cinq est le chiffre de l'homme et de la grâce divine.

Je me retourne vers Maria qui nous sourit simplement.

- La perfection et l'imperfection. Le cinq et le six.

Je redresse mon regard vers Lucy et elle en fait de même. Elle n'est qu'à quelques centimètre et ça me contracte le ventre d'avoir une telle proximité. Je sens presque son souffle sur mes lèvres. Elle maintient son regard dans le mien, quelques secondes encore, mais penche la tête vers Maria.

- Et le sept ?

La vieille femme s'approche d'elle et hausse les épaules. Son regard est doux à son égard et Lucy lui rend bien sauf que pour moi, ce n'est pas le cas. Elle me lance un coup d'œil furtif et fronce légèrement les sourcils. Lucy l'observe mais elle baisse ses yeux sur son bras, que la vieille femme vient de saisir.

- Maria, tu sais que je n'aime pas...

Elle retire aussitôt sa main et grimace.

- Désolé Lucy...

- Maria, est -ce que tu es le sept ?

Maria éclate de rire en un instant et penche la tête en arrière, mais c'est vrai que je n'avais pas envisagé cette possibilité. Le cinq et le six doivent bien trouver le sept après tout.

- Doux Jésus non !

Son rire résonne complétement dans ce petit salon. Il est communicatif mais la déception que je lis dans les yeux de Lucy m'arrache le cœur. Je crois qu'elle cherche des explications depuis plus longtemps que moi.

- Je suis désolé Lucy, mais je ne suis pas le sept. C'est à vous deux de le trouver.

Elle nous octroie un sourire compatissant mais j'ai le sentiment qu'elle en sait plus sur ce nombre. Ça m'agace tout de suite en pensant qu'elle se joue de nous.

- Vous ne nous dites pas tout. Je suis peut-être au service de Dieu mais je ne suis pas dupe.

Ses yeux s'assombrissent et ses lèvres tremblent sue mes paroles.

- Oh oui que vous êtes à son service. Ça, on le sait déjà, mais je ne dis que ce que je sais et pour le reste, priez mon père, vous savez faire.

Elle me foudroie du regard et je ne peux empêcher ma mâchoire de se crisper. Comment peut-elle oser prendre ce ton ?

- Vous m'insultez Maria ?

Je bouillonne intérieurement et son regard pétille. Elle me cherche. Cette femme ne m'aime pas pour des raisons que j'ignore mais la main de Lucy s'abat sur ma joue m'obligeant à croiser son regard.

- S'il vous plait mon père... Laissez-nous seul quelques instants.

Je l'observe et ferme les yeux sur les images floues qui se révèlent à moi sur ce toucher. Elle retire sa main rapidement me coupant de ce lien étrange. Mais j'ai un sentiment de vide qui s'installe dans ma poitrine alors que je sens encore la chaleur de sa main sur ma joue. J'admets, bizarrement, qu'elle a réussi à me calmer. Maria me tape un peu sur les nerfs et j'aimerai bien lui faire comprendre le respect mais je me retourne, pour les laisser un instant seul. Je lance un dernier regard à Lucy avant marcher vers l'entrée. Je ne quitte pas des yeux la vieille femme en sortant. Elle me sourit, fière d'elle mais je n'arrive pas à comprendre son amusement. Les deux femmes me regardent m'avancer et quitter la pièce en silence, tandis que je referme la porte derrière moi. Une fois dans le couloir, je me retrouve face à mon reflet dans un miroir. J'ai les traits du visage tendus et fatigués mais je regarde comme toujours, par curiosité, et crainte en même temps. Je déglutis avant de fixer derrière mon épaule dans la glace et retrouve ce que j'ai déjà vu plus d'une fois. Mais la voix de Lucy qui monte d'un ton m'oblige à tendre l'oreille, ôtant ma vue de ce spectacle.

- Vingt-cinq ans Maria... et tu me mens... Tu sais très bien que je connais les menteurs.

- Je ne mens pas ! Je ne vous dit pas tout...

Je tourne le visage et fronce les sourcils. Si la vielle femme lève une fois encore le ton contre elle, je jure que j'entre pour lui apprendre le respect.

- Pourquoi... ?

- Parce qu'il y a des choses que tu dois trouver toute seule. Vous êtes deux à devoir découvrir les réponses, ce n'est pas à moi de dire quoi que ce soit. Tout simplement parce que comme vous, tout cela m'échappe.

Un silence règne dans la pièce d'à côté et je m'apprête à entrer pour prendre part à la conversation lorsque Lucy agrippe la poignée

- Dis-moi au moins qui il est.

- Ta perte et ton salut à la fois.

Lucy souffle de l'autre côté de la porte et je grimace sur les paroles de la vieille femme parce que c'est bien ce qui me définit le mieux. Je redresse mon regard sur mon reflet et cherche à voir une fois encore. Je n'en ai pas peur et c'est ce qui est le plus étrange. J'observe simplement les silhouettes dans mon dos. J'ai l'impression qu'ils sont des centaines derrière moi et pourtant, ce couloir n'est pas plus large que de deux mètres. Mais je les vois tous. Comme si ma vision allait au-delà de ce qui m'entoure et que je pouvais voir un monde caché, abritant une armée d'ombres. Je n'ose même pas révéler cela tellement ça me prend au trippes.

Je suis un homme de Dieu. Un prêtre qui prêche la bonne parole et qui combat les ténèbres. C'est la lumière du seigneur que je devrais voir et non l'obscurité. Et pourtant, j'observe ces silhouettes noires dans mon dos à travers le miroir. J'ai l'impression d'être sur le fil d'un rasoir. Aucune ne bouge mais je sais qu'elles me regardent toute.

Attendant quelque chose de ma part.

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LUCYWhere stories live. Discover now