Chapitre V : La visite à l'hôpital

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Le soir je me rendis de nouveau à l'hôpital, accompagnée de mon frère. Il poussa la porte de l'hôpital, se rendit à l'accueil et demanda l'autorisation de voir Léna.

Une infirmière accepta et nous guida jusqu'à la chambre 413. En pénétrant dans la chambre, l'odeur de renfermé me saisit à plein nez.

Sans demander l'avis de l'infirmière j'ouvrai sans plus attendre la fenêtre et laissai l'air frais s'engouffrer dans la pièce exigüe.

Léna ne supportait pas dêtre enfermée et ouvrait sa fenêtre chaque matin, même en hiver.

La chambre était meublée d'une commode vétuste sur laquelle était déposé un bouquet de fleurs jaunes. Le lit d'hôpital trônait au centre de la pièce. Léna était reliée à des machines par des fils et était allongée sur le dos dans le lit. Elle avait un masque à oxygène et des perfusions.

Sa peau paraissait inhabituellement pâle et sa poitrine se soulevait à peine. La machine qui contrôlait son cur bipait lentement et parfois avait quelques ratés.

La voir dans cet état me fit éclater en sanglots. Elle semblait prisonnière du lit. Elle était condamnée à ne plus sauter, courir, marcher

Toute sa vie, Léna allait porter sur elle un lourd handicap dont jétais en partie responsable.

A longueur de journée, elle restera allongée à contempler le plafond tandis que moi, je pourrais encore marcher, voyager, vivre tout simplement !

J'étais perdue et j'avais l'impression que quelqu'un s'amusait à lacérer, griffer, mordre mon cur.

Enfin un autre infirmier arriva :

- Bonjour ! sexclama-t-il dune voix professionnelle qui trahissait son ennui.

Il s'approcha de Léna vérifia si tout allait bien puis nous dit :

- Elle est consciente, elle vous entend, vous savez. Prenez-lui la main.

Puis il s'en alla nous laissant seuls dans la pièce.

Je m'approchai de Léna, pris une chaise et m'assis près d'elle.

- Je te laisse Anna je vais fumer une cigarette, prétexta mon frère.

Je savais qu'il voulait me laisser dans l'intimité.

Pendant quelques instants je gardais le silence puis je pris la main de Léna entre les miennes et commençai à lui parler :

- Tu me manques Léna, je suis terriblement désolée. C'est de ma faute si on en est là. Je n'ai pas su te retenir.

Je me tus un instant et repris ensuite.

Léna

J'avais mal à la tête et une douleur terrible s'étendait dans tout mon corps comme des clous qui se planteraient violemment dans ma peau.

Ils m'avaient injecté de la morphine je crois, donc je n'avais pas les idées bien claires. J'entendais des bruits autour de moi et parvenais à distinguer des sons de voix, comme si je me trouvais dans une dimension parallèle. J'avais l'impression de ne plus être dans le monde réel.

Soudain quelqu'un me prit la main ; c'était Anna, j'en étais presque sûre. C'était plus qu'un pressentiment. Qui d'autre sinon, puisque mon père était occupé à fuir ses sentiments et la douleur comme dhabitude ?

Que pouvait-t 'elle ressentir en ce moment même ? Je m'en voulais de lui avoir infligé toute cette peine. J'aurais voulu me redresser et la serrer dans mes bras, la rassurer mais je n'arrivais pas à bouger, j'étais paralysée, incapable de faire le moindre mouvement. Je ne pouvais même pas ouvrir les yeux. J'étais si fatiguée, à bout de force.

Mais quand Anna commença à parler, j'entendis clairement le timbre de sa voix qui était clair et mélodieux à côté de tous ces bips et ces ordres. Entendre le son de sa voix me faisait tellement du bien et m'apaisait. J'avais un peu moins peur.

Jimaginais son doux visage anguleux, avec ses yeux bleus un peu trop grands, sa peau laiteuse et ses cheveux blonds coupés au carré. Cette vision me rassura.

- Tu me manques, Léna. Je suis terriblement désolée. C'est de ma faute, si on en est là. Je n'ai pas su te retenir.

Elle se tut un instant puis reprit :

- Je suis désolée ! Cest entièrement ma faute ! Je tai rendue prisonnière, je tai privée de ton corps. Jétais là putain ! Je ne suis quune incapable

Ma tête tournait. La morphine commença à faire effet. Elle apaisera ma souffrance physique mais pas celle de mon cur. Qu'Anna soit dans cet état me bouleversait. J'avais envie de hurler, de pleurer, de lui dire que ce nétait pas de sa faute, mais ma force m'abandonnait progressivement. Puis je perdis connaissance.

Anna

Je finis de lui parler, car je ne pouvais plus continuer sans éclater en sanglots. Mais elle avait entendu mes paroles, j'en étais certaine.

Lorsque j'aperçus son visage, je vis qu'une larme unique coulait sur sa joue. Je me levais et l'essuyai délicatement. Sa peau était froide et violacée. Javais réduit sa vie à néant.

Mon frère revint et me dit qu'il était temps d'y aller. Sans même manger, je me couchai, sombrant dans un sommeil sans rêve.

Fin du cinquième chapitre

Vivre sans toi Where stories live. Discover now