Chapitre II : Le début d'une amitié

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J'ai rencontré Léna lorsque nous étions en deuxième année de maternelle. Elle venait dintégrer la classe. La maîtresse l'avait poussée gentiment au milieu du cercle que nous formions et avait dit :

- Je vous présente une nouvelle camarade. Elle s'appelle Léna. J'espère que vous saurez vous montrer gentils avec elle.

J'ai le souvenir que Léna avait dévié le regard. Elle portait une robe verte, des lunettes rondes et était coiffée de deux nattes.

A la récréation, tout le monde s'agglutina autour d'elle pour lui parler, cependant elle ne semblait pas très à l'aise. Elle s'enfuit dans un coin et demeura seule.

Elle ne parlait pas et puis petit à petit personne ne fit plus attention à elle.

Mais moi je lui jetais des regards, intriguée par cette fille. Elle ne souriait jamais.

Un jour je m'approchai d'elle une barre chocolatée dans la main, celle que ma mère me mettait dans mon sac pour la récréation. Je m'assis à ses côtés, sans un mot.

Elle me jeta un regard inquiet en revanche, je n'étais pas perturbée pour autant.

Je retirai l'emballage et cassai la barre en deux. Je tendis ensuite la moitié à Léna, qui accepta sans broncher.

Elle croqua dans le chocolat en me regardant dun air intimidé, puis avala goulûment.

- Merci ! me dit-elle la bouche pleine.

Je souris et croquai à belles dents dans ma part.

Elle me rendit mon sourire. Une fois avoir avalé la barre, je l'entraînai vers le toboggan et elle me suivit, notre relation commença ainsi.

Les soirs d'école sa mère nous récupérait, puis j'attendais que la mienne sorte de son travail chez Léna.

Sa mère nous préparait des crêpes au goûter. Elle avait le même visage bienveillant que sa fille et toujours sur les lèvres un sourire chaleureux. Elle exerçait le métier dartiste peintre et ses habits étaient toujours tachés de peinture. Elle portait souvent des salopettes.

En attendant que les crêpes soient prêtes, nous jouions avec Léna dans sa chambre. Elle était peinte en bleu clair et elle semblait parfaitement rangée. Mais peu à peu, nous déballions les poupées sur le parquet et la chambre ressemblait de plus en plus à un chantier. Léna prenait la belle poupée de princesse, moi je prenais celle de la méchante. Parfois on intervertissait les rôles, cependant j'aimais bien jouer la méchante, sans savoir pourquoi.

Puis quelques années après ce fut avec des jeux de sociétés que nous nous amusions ou dans son jardin à nous déchaîner. Quand il neigeait, la neige qui avait formé un tapis harmonieux en tombant se transformait rapidement en champ de bataille : nous creusions des tranchées, des abris et nous attaquions une bataille de boule de neige sans merci.

Et puis au fil du temps ces jeux enfantins disparurent et nous grandîmes. Nous étions dans le même collège dans la même classe et on nous surnommait les inséparables. L'adolescence le maquillage et ce qui va avec, nous vécûmes ce changement ensemble.

Après les cours on se retrouvait toujours chez Léna pour manger des crêpes que sa mère nous préparait tandis que nous restions allongées sur le lit de Léna, au lieu de courir dans toute la maison et de la mettre sens dessus-dessous. On rigolait comme des baleines en se racontant des potins, en se moquant de telle ou telle personne. Nous étions des préadolescentes classiques

Et puis sa mère tomba gravement malade pendant notre année de cinquième. Il n'y eu plus de crêpes au goûter.

Ensuite durant le mois de février, Léna ne vint pas au collège pendant trois semaines.

Sa mère décéda à l'hôpital. A partir de ce moment-là, je fis mes devoirs chez moi. Puis Léna me rejoignit car elle avait dexcellents résultats alors que j'avais des difficultés.

Il n'y avait quen mathématiques où je me débrouillais pas mal. Pour moi chaque évènement avait une suite logique. Au contraire Léna détestait cette matière. Alors on s'épaulait mutuellement.

Un soir, elle était venue chez moi en pleurs. Elle si forte dordinaire paraissait vulnérable à ce moment-là. Elle seffondra sur mon lit et pleura de tout son soul, sans rien me dire. Enfin, elle prit la parole dune voix éraillée :

- Il sest passé quelque chose daffreux...

Puis elle se confia pleinement à moi. Son père était rentré, après un pot de départ dun collègue. Il avait bu sans être ivre mort. Lorsquil avait aperçu sa fille, il lavait regardé étrangement.

- ses yeux brillaient. Et oh Anna jai tellement honte il ma caressé la joue !

Elle marqua une pause et continua en hoquetant :

- Ensuite il ma appelée Marianne ! Cest le prénom de ma mère ! Il ne mérite pas de vivre, cest un monstre ! Alors je lui ai dit que je nétais pas ma mère mais sa putain de fille et il a dit « Tu me rappelles tellement ta mère. Je suis incapable de taimer depuis que Marianne est morte tu me rappelles trop de souvenirs » et il sest mis à crier après moi. Jen ai marre de cette vie pourrie !

Elle se remit à pleurer et je la pris dans mes bras, sous le choc.

Le lendemain au collège, elle afficha un grand sourire comme à son habitude, mais moi seule savait que ses yeux brillants ne pétillaient pas de joie, mais étaient embués de larmes.

Vivre sans toi Where stories live. Discover now