Chapitre I : Le porte-clés

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Le monde était fait de mille couleurs. La Terre tournait autour du soleil en formant une boucle éternelle. Les mots, les gestes, tout semblait si simple. Je ne me posais pas des questions, je vivais. Mon coeur flottait dans l'insouciance au sein d'une douce folie que je partageais avec elle.

A un moment de mon existence, un gouffre s'est imposé. Soit je l'enjambais, soit je tombais dans les abîmes pour ne jamais en ressortir.

Hier encore nous étions assises sur notre banc. Nous avions si souvent passé nos après-midis ensemble que des habitudes ont commencé à s'installer.

Léna et moi, c'était une grande histoire d'amitié. Notre relation n'était pas éphémère comme la plupart des rapports qu'ont les adolescents d'aujourd'hui. On ne se contentait pas de conversations superficielles, de mots d'amours, de câlins mais on allait plus loin que cela. Nos échanges paraissaient élaborés, on se connaissait tellement que l'on savait comment l'autre allait réagir. Sans se dire que l'on s'aimait, l'une et l'autre savions qu'un amour fort nous unissait.

Léna avait un caractère fort et je l'admirais pour la détermination dont elle faisait preuve dans des moments difficiles.

Elle vivait comme bon lui semblait. Personne n'imposait sa volonté avec elle car elle marchait droit vers ses objectifs sans jamais écouter les remarques.
Parfois mon amie m'agaçait, à toujours vouloir avoir raison. Léna pouvait se montrer cruelle même envers les êtres qu'elle affectionnait. Malgré tout ces défauts, notre amitié adolescente battait de l'aile et ni l'une ni l'autre ne souhaitions autre chose que de nous voir.

Et voici qu'en l'espace d'une journée, ma vie s'est décomposée sous mes yeux. On s'accroche à la vie comme une ancre au port. Mais cette ancre peut se relever et laisser partir l'étincelle qui nous anime vers des eaux plus sombres.

On est en sécurité de rien. On pense que le malheur n'arrive qu'aux personnes que l'on ne connaît pas. En lisant le journal, on ressent de la pitié envers ces personnes, mais pas de la tristesse. Parce qu'on ne les connait pas, ni les victimes, ni leurs proches.

Ce moment, cet ultime après-midi où tout paraissait normal, était le dernier. La vie de Léna ne sera plus comme avant et la mienne non plus.

Mes souvenirs reviennent et s'en vont, comme les vagues qui s'échouent sur le sable : elle se tournait vers moi un grand sourire aux lèvres, ses cheveux bruns soulevés par la brise, ses yeux noirs plongés dans les miens. Elle éclatait de rire. Je l'imitais. Son nez parsemé de taches de rousseurs se retroussait, elle se pliait en deux. Tout partait de rien.

Je garde en mémoire un visage joyeux et son dernier sourire.

- Ferme les yeux ! m'avait-elle ordonné dun ton autoritaire.

Nous étions chez elle un après-midi. Ses mains fébriles s'étaient affairées autour de mon bras, puis enfin je pus regarder. Elle avait attaché un bracelet brésilien bleu et vert à mon poignet.

- Comme ça on sera toujours liées peu importe où l'on soit.

Léna tenait beaucoup à ce genre de symboles parfois enfantins, elle voulait des traces, des souvenirs de notre amitié comme si d'un côté elle souhaitait conserver un peu de passé avec elle.

Mon amie avait une vie assez difficile car sa mère était morte trois ans auparavant et son père pour noyer son chagrin s'était plongé corps et âme dans son travail, ne rentrant que très tard le soir et partant le matin à l'aube.

Pourtant elle semblait toujours joyeuse et sociable. Léna aimait rester dehors à des heures tardives, relever tous les défis qu'on lui proposait et détestait par-dessus perdre. Elle aimait l'aventure.

Vivre sans toi Donde viven las historias. Descúbrelo ahora