•Chapitre 57• «Please don't go...»

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Lylian était allongé sur ce lit blanc. Il avait l'air si paisible. Je ne pus m'empêcher de penser que le réveiller, cela serait comme briser ce calme qui dominait son corps en ce moment-même. Peut-être était-ce mieux ainsi ?

«-Lylian nous a beaucoup parlé de toi.»

Je me retournai vers la mère du jeune homme, surprise. Il leur avait vraiment parlé de moi ?

«-Il... il disait qu'il avait enfin rencontré celle qui pourrait... changer sa vie...»

Brusquement, le père de Lylian se releva du fauteuil dans lequel il s'était posé et se dirigea vers la porte. Au moment où il sortit, j'entendis malgré moi ce qu'il grommela tout bas :

«-Pour la changer, elle l'a changée, sa vie !»

Je baissai les yeux, sans rien dire.

«-Il n'avait jamais aimé une fille autant que toi... enfin, à ce que je sache... Mais... Il nous avait pas dit que c'était toi...»

Je relevai la tête, outrée par ce qu'elle venait de dire :

«-Vous ne saviez pas que c'était moi ? Celle à qui vous avait gâché la vie ? Vous ne vouliez pas que je gâche votre vie en retour, hein ?»

Il y eut un affreux silence. Cette colère que je ressentais m'était tout à fait étrangère. Jamais je ne parlais comme cela à des inconnus. Je ne savais pas ce qu'il m'arrivait. Sûrement ce besoin compulsif de devoir tout vider sur les responsables de ma peine.

«-Ce n'est pas ce que je voulais dire..., finit par s'excuser la mère de Lylian, penaude.»

Après quelques minutes, elle se leva à son tour et sortit, sans un mot. Elle me laissa seule avec le garçon que j'avais tant voulu éviter ces derniers jours. N'ayant rien d'autre à faire, je le regardai de plus près.

Pour la première fois depuis que je le connaissais, Lylian Johnson semblait vulnérable. Son teint blanchâtre et les multiples tuyaux qui s'implantaient dans son nez ou dans ses bras le rendaient vulnérable. Il était pâle, mais ce qui me choqua le plus, c'étaient les cicatrices encore ouvertes qui lui parsemaient le visage. Un de ses bras sortaient de la couverture. Il était lui aussi couverts de blessures encore fraîches, mais je savais bien que celles-ci n'avaient rien à voir avec l'accident. Mon regard dériva jusqu'à l'électrocardiogramme. Il semblait aussi calme que son protagoniste allongé. Je ne m'y connaissais rien en médecine, mais la courbe me semblait un peu trop calme. Le calme avant la tempête.

Tout à coup, une goutte de sueur perla sur le front de Lylian. Inconsciemment, je tendis la main et, avec ma manche, je l'essuyai, tendrement. Cela forma une petite tâche sur ma manche.

«-Ne t'en vas pas Lylian...»

Je me pris la tête entre les mains, les mots des parents de Lylian résonnant encore à mes oreilles.

"Pour la changer, elle l'a changée, sa vie !"

"Il nous avait pas dit que c'était toi..."

Soudain, un questionnement s'affirma en moi. Si jamais Lylian se réveillait, comment arriverai-je à demeurer avec lui, sans avoir à faire face aux remords de ses parents ? Je savais qu'à chaque fois que je le verrai, je repenserai à tout cela, au fait que ses parents ont gâcher ma vie. Je me rendis compte que plus rien ne sera comme avant.

«-Je ne sais même pas ce que je fais là, Lylian. Je ne sais pas ce que je veux. À vrai dire, je ne sais même pas si tu m'entends...»

J'émis un petit rire acerbe.

«-Je... J'essaye de me dire que... tout pourra redevenir comme avant, mais...»

Ma voix se cassa brutalement et je laissai mes larmes couler quelques instants, sans rien dire.

«-Rien ne sera jamais comme avant.»

Je savais que je ne pouvais pas continuer à parler ainsi. Cela était trop dur, cela me coûtait trop. Soudain, une idée me vint à l'esprit. Si je ne pouvais pas lui dire, j'allais l'écrire.

Après quelques minutes de fouille, je parvins à trouver un stylo et une feuille de papier. Je m'installa sur le petit bureau où trônaient de multiples médicaments (surtout des antalgiques) et me mis à écrire. Pendant près d'une heure, je déversai sur une feuille de papier tout ce que j'avais à lui dire, en me rendant compte que tout était plus simple à l'écrit. Je lui expliquai tout, ce que je ressentais, ce que j'espérai, mes doutes, mes peines... À la fin, je me sentis beaucoup mieux. Je lâchai le stylo, quelque peu rassurée.

Je restai encore quelques minutes à contempler le garçon que j'avais tant aimé, puis, je déguerpis, sans demander mon reste. Peut-être qu'il ne lira jamais ma lettre. Peut-être que ses parents, en la découvrant, la brûleraient ou la jetteraient. Qu'importe. Au moins, j'avais l'impression de lui avoir dit enfin tout ce que je pensais.

Juste avant de sortir de la pièce, j'avais murmuré, si bas que je doutais qu'il m'ait entendu : "Please, don't go.". Je me rendais compte que je ne voulais pas qu'il parte. Pas ainsi. Il avait encore tant de choses à vivre, à découvrir, à aimer. Il n'avait pas le droit d'abandonner sa vie comme cela, juste pour moi. Après tout, je n'étais qu'une amourette du lycée. Rien de plus. La vie continue.

Je découvris ma tante en pleine discussion avec le docteur Elliott. Au début, je ne voulais pas les déranger, mais, en m'apercevant, ma tante se leva et s'approcha de moi avec sa mine interrogatrice. Le docteur s'exclama, à sa place :

«-Comment ça s'est passé ?»

Je baissai les yeux, ne voulant pas répondre à cette question. Je ne savais pas si ma visite avait changé les choses. Peut-être les avait-elle empirées ?

Ma tante me serra dans ses bras, maternelle puis murmura :

«-On va y aller.»

Elle remercia le docteur Elliott chaleureusement et celui-ci nous proposa de revenir quand nous voulions. À ce moment-là, je sus que je ne reviendrais pas. Le voir, les voir, me faisait trop souffrir. Il fallait que j'arrive à simplement tourner la page et redémarrer un nouveau chapitre de ma vie. Sans lui.

T1 | S'il suffisait que je te le dise...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant