•Chapitre 10• «Let me love you...»

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Le lendemain, je montai dans le bus et, comme d'habitude, j'enfilai aussitôt mes écouteurs, afin de m'enfermer dans ma "bulle" (c'est comme cela que me définissait ma tante quand je mettais mes écouteurs).

La musique avait toujours était un refuge pour moi. Après le drame qui avait bouleversé ma vie, la première chose à laquelle je m'étais raccrochée était la musique. Telle une bouée de secours, je l'avais saisie et empoignée avec une force, la plus grande force qu'il existe, celle du désespoir.

Je n'avais pas parlé pendant deux mois entiers. Deux mois de vide et de silence. Pourtant, je n'étais pas seule : ma famille et mes amis passaient régulièrement me voir. Mais, je ne parlais pas. Pas seulement parce que j'étais triste, mais parce que je n'avais rien à dire. Je ne trouvais pas ce que je voulais dire, et, c'était bien plus tard que j'avais compris pourquoi je ne trouvais pas quoi dire : il n'y avait aucun mot qui pouvait éclairer ce que je ressentais.

Pendant ces deux mois, j'avais beaucoup écouté de la musique. Nuit et jour. En boucle. Parfois des heures entières, juste pour oublier. La musique avait cette particularité de vous faire voyager sans bouger. Un rêve éveillé, voilà ce qu'elle était vraiment. Je m'échappais grâce à la musique. D'ailleurs, la première fois que j'avais reparlé, c'était en chantant. J'avais chanté Flares, de The Script. Il n'y avait personne. Personne ne m'avait vu, ni entendu et personne n'avait jamais su que cela avait été la première chose que j'avais dite. Mais, pour moi, c'était logique. Avant de sombrer, la dernière chose que j'avais entendue était de la musique. Je voulais que la première chose que j'entendrai serai de la musique. C'était un lien logique, quelque chose qui m'avait permis de recoller les morceaux. Un point d'ancrage et de repère.

Par la suite, j'avais recommencé à parler. Lentement mais sûrement. Ma tante avait repris espoir. Les visites d'Elsa s'était faite plus nombreuses et plus heureuses. Je recommençai à sourire et à goûter à la vie. Le ciel reprenait des couleurs. Je le repeignais petit à petit en bleu. La vie reprenait son cours.

En ce moment-même, j'écoutai Let me love you, de DJ Snake. J'aimais beaucoup le message que délivrait cette chanson. L'histoire d'un espoir toujours présent.

♪Say go through to the darkness of days, heaven's a heartbreak away...♫

Je fermai les yeux, tic que j'avais pris à chaque fois que j'écoutais de la musique, si bien que je vis pas l'arrivée de Lylian (oui, j'ai bien dit Lylian, miracle, j'ai retenu son nom !).

Il s'assit à côté de moi et, sans vouloir me déranger, et avec une délicatesse très sensuelle, il saisit un de mes écouteurs et entra dans ma "bulle".

Avec n'importe qui d'autre (sauf avec Elsa, of course), je me serai sûrement énervée, mais, avec lui, je ne m'en offusquai pas. Cela ne m'étonnait pas et, plus spirituellement, cela ne me gênait pas. Cette intrusion sembla même me faire du bien.

Tout en m'imitant, je le vis fermer les yeux et je refermai les miens, comprenant que la musique valait bien mieux qu'un flot de paroles.

La musique sembla alors se lancer plus fort, plus généreuse, plus intense. Elle parut alors vraiment commencer, comme si elle attendait depuis toujours cette arrivée. Les mots prirent des sens jusqu'alors flous et sans importance. Mon cœur sembla boire intensément chaque phrase, chaque mélodie prononcée et je m'enfonçai plus profondément dans l'univers de la musique.

♪Oh it's been a hell of a ride, driving the edge of a knife, never let you go, never let me down. Don't you give up, nah, nah, nah, I won't give up, nah, nah, nah, let me love you, let me love you...♫

Je compris le sens véritable de la chanson et je rougis légèrement. Cependant, Lylian ne parut pas s'en soucier. J'ouvris les yeux et remarquai que ce dernier avait toujours les siens fermés. Les plis de son visage marquait une légère concentration mais il semblait complètement détendu, s'étant laissé aller par l'univers mystérieux de la musique.

Sentant probablement mon regard posé sur son visage, il frémis un peu avant d'ouvrir complètement les yeux. Je fermai aussitôt les miens, embarrassés et priai pour ne pas que mes joues me trahissent. Je ne savais pas pourquoi, mais je fus persuadée qu'à ce moment-là, il souriait. De son sourire si particulier et si naturel. Je me concentrai sur la fin de la musique.

♪Don't fall asleep at the wheel, we've got a million miles ahead of us, miles ahead of us. All we need is a rude awakening to know we're good enough, know we're good enough...♫

La suite reprenait sur le refrain. Je contins mes yeux fermés jusqu'à la fin de la musique. Lorsque la dernière note sonna, je les ouvris à nouveau et remarquai que nous venions d'arriver. La musique s'était arrêtée avec une synchronisation parfaite avec nos vies. La musique s'arrêtait, marquant la fin de ce périple immobile et la vie reprenait. Elle était une pause, un moment de paix et de liberté, mais c'était justement sa brièveté qui la rendait si précieuse. La mortalité rendait la vie unique, la brièveté rendait la musique précieuse.

Lylian se leva et me sourit, avant de descendre du bus. Je le suivis du regard et lorsqu'il se fut assez éloigné, je me permis un grand sourire. Je me remis de mes émotions et je descendis du bus, toujours à moitié dans ce monde imaginaire que Lylian et moi avions partagé pendant le temps d'une chanson. Désormais, j'avais la certitude que les mots ne couvraient pas la moitié de ce que nous appelions "langage".

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Un nouveau chapitre (plus court) aujourd'hui ! Vos avis ? ;)

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T1 | S'il suffisait que je te le dise...Where stories live. Discover now