PROLOGUE | S'il suffisait...

1.7K 146 126
                                    

ווו×

Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.

ווו×

Ses yeux qui me fixaient avec désespoir, ses gestes précipités et maladroits, son visage torturé, ses muscles tendus et surtout ses lèvres bougeant au rythme des mots atroces qu'il formulait. Tout cela était si loin de moi et pourtant si proche. Les sentiments m'assaillaient de toutes parts, ma lucidité peinait à trouver sa place dans le désordre sentimental que représentait mon esprit. La folie menaçait de me gagner, tandis que ma raison s'échappait.

Et moi, parmi tout ce chaos, je m'effondrai.

ווו×

Avec toute la rage qui m'animait, je lançai un livre à travers la pièce - ma chambre qui me paraissait soudain si étrangère et hostile. Des larmes coulaient le long de mes joues rougies par l'effort et la colère.

Comment... ?

Pourquoi... ?

Mon esprit ne parvenait plus à formuler une question qui ait du sens. Toute lucidité avait fui et plus rien ne faisait sens. Dans mon cerveau, tout implosait. Tout ce que j'avais solidement bâti, mes convictions les plus profondes, mes sentiments les plus torrides, mes rêves les plus fous... tout ce en quoi j'avais cru, tout parfait en fumée telle une maison en proie à des flammes brûlantes.

Pire que la tristesse, c'était la haine qui prenait possession de moi, me faisant oublier les autres sentiments jusqu'à leur existence-même.

Une haine immense, inimaginable, animée se déversait en moi, telle une rivière dans son lit. Elle grandissait en moi, me paralysait, bloquait mes pensées et ma raison. Je ne pouvais plus respirer tant elle était vigoureuse et grandissante. Elle dansait en moi, m'empoignait le cœur et le jetait violemment tel un vulgaire bout de tissu.

Soudainement, abattue par toutes ces émotions qui ne m'étaient pas familières, je me laissai glisser contre le mur de ma chambre, épuisée et déboussolée. Jamais un tel sentiment d'impuissance et de rage ne m'avait englouti. Jamais.

J'entendis alors un petit bruit timide à la porte, puis une voix douce mais dont le trémolo trahissait l'inquiétude brisa le silence de mes pensées vagabondes :

─ Ma puce, c'est Rika. Ouvre-moi, s'il te plaît.

La voix de ma tante était grisée par l'émotion, suppliante et enrouée par les larmes. Une sorte de culpabilité m'envahit tant je m'en voulus de la blesser. Mes propres larmes redoublèrent tandis que ma tante poursuivait, hésitante et égarée quant à mon excès de rage si brusque et inattendu :

─ Laisse-moi t'aider Zélina. Ma puce, je t'en prie, tu peux tout me dire.

Sa voix se brisa et je l'entendis étouffer ses pleurs. Tout cela devait faire remonter à la surface tant de mauvais souvenirs, des souvenirs qui, moi-même, m'emprisonnaient. Des souvenirs dont j'avais réussi à accepter l'existence et qui aujourd'hui remontaient avec force, ramenant avec eux toute leur douleur et leur noirceur.

Soudain, une nouvelle vague de colère m'envahit. L'injustice de ma situation me prit à la gorge avec rage et je manquai de vomir en prise à ce sentiment spasmodique. Je défis alors rageusement ma queue de cheval et mes cheveux bouclés tombèrent sur mon visage, se mêlant à mes larmes, telles des vagues sombres encadrant mon visage tuméfié.

Brusquement, je me remis sur pieds, tanguant légèrement. Mes jambes tremblaient mais je restai ancrée sur le sol, la gravité me retenant et refusant de me laisser aller.

Et je me mis à hurler.

Hurler ma rage, hurler ma colère. Mon chagrin et mon aigreur. Tout ne fit plus qu'un. Un seul son, celui de ma voix. Les ondes sonores rebondirent plusieurs fois sur les murs de ma modeste chambre, traversèrent ma fenêtre pourtant close, fusèrent à travers le ciel, brisant le bleu trop parfait, éparpillant les nuages trop blancs, faisant concurrence au vent trop prétentieux. et se perdirent dans l'étendu infini de l'univers.

Ce cri du cœur me fit du bien et me vida subitement de toute énergie. Je me laissai tomber sur le sol, sanglotante et tremblante. Le sol était froid et cela rendit plus vive ma douleur et mon accablement. Mes pensées se firent alors plus aiguisées et lancinantes. Tout me revint aussi violemment qu'une vague s'abattant sur la rive, fouettant les rochers et défiant la gravité. Je me sentis alors soulevée par un tourbillon de sentiments, qui m'éclaboussait désagréablement la figure. Ces gouttes d'émotions m'attaquaient avec avidité, me griffant le visage, l'écorchant de toutes parts, ne laissant plus d'un corps avec des plaies béantes et sanguinolentes. Ces eaux de sentiments menacèrent de me noyer et m'attiraient toujours plus loin du rivage, loin de ce que je connaissais et croyais savoir. Je m'enfonçai dans cet océan de mensonges.

La scène se déroula plusieurs fois sous mes yeux épuisés. Chaque geste, chaque couleur me revinrent.

Le pire avait été ses mots. Ces mots qu'il avait prononcés en me regardant droit dans les yeux, avec une sincérité réelle et douloureuse. Ces mots, si amers qu'ils resteront gravés en moi, telle une dague laissant sa trace dans mon cœur déjà émietté par les sentiments.

Des mots d'acier. Des mots de plomb.

Huit mots écrits sur mon cœur avec des lettres de sang :

« S'il suffisait que je te le dise... »

*****

(réécrit le 08/08/2019 et republié le 11/08/2019)

T1 | S'il suffisait que je te le dise...Where stories live. Discover now