Chapitre 42

Depuis le début
                                    

Philippe traîna encore quelques instants au lit, souriant de cette entorse à ses habitudes, lui qui se levait d'un bond à peine les yeux ouverts, puis il s'activa à préparer le café. Il contempla encore, dans la salle à manger, la lumière incroyable qui dissipait ses ténèbres et nimbait la chevelure de Chiara de teintes de feu.

Paradoxalement, ce premier vrai petit déjeuner la troubla pour sa nouveauté, mais tout autant pour cette impression au contraire que tout était normal, de s'asseoir face à face pour savourer un café, pour le deuxième matin consécutif, tout en discutant, ou juste en se dévorant des yeux et de leurs lèvres gourmandes. De sa voix grave, Philippe, après avoir disposé quelques garnitures sur la table, entama quelques confidences.

-Tu peux être perplexe par rapport à ce que j'ai dit, moitié par provocation, sur mes relations avec les femmes, avant toi. Contrairement à ce que j'ai prétendu, je saurai me comporter comme un homme bien avec toi.

Jusqu'alors, je n'avais juste rencontré personne qui m'en donne envie. Jusqu'à toi... il m'a fallu du temps pour accepter mes sentiments et leurs conséquences. Mais j'ai choisi. Je T'ai choisie. La seule chose, ne t'en formalise pas, je n'ai pas l'habitude de « vivre » à deux.

Pour être honnête, tu as davantage d'expérience que moi dans ce domaine. Ne ris pas! Je n'ai jamais vécu en couple. Ça veut dire que, parfois, j'aurai peut être des réactions de vieil ours célibataire, des besoins de solitude, notamment parce qu'on travaille aussi ensemble une bonne partie de la journée.

Je ne peux pas te certifier qu'on va passer toutes nos nuits ensemble à partir de maintenant, sans que ce soit une façon de te repousser ou sans que ça ait rien à voir avec ce qui s'est passé cette nuit et ma crise d'inquiétude. Ne t'en formalise pas, tu n'y es pour rien.

Je n'ai par exemple pas l'habitude d'être encore là au petit déjeuner, même si l'idée de te quitter cette nuit ne m'a même pas effleuré. Donc tu t'en doutes, je n'ai pas les réflexes de la vie à deux.

Je mange quand je veux et si je n'ai pas faim un soir je ne me sens aucune contrainte. Je ne sais pas ce qu'une femme attend de son mec au quotidien.

Je te sais accro au café, mais hier après midi tu as pris un chocolat chaud et à ton boulot elles veulent te convertir au thé, alors j'hésite un peu. Et encore, c'est là que je suis le plus expert ! J'ai remarqué que tu sembles préférer les croissants aux pains au chocolat, mais j'ai vu qu'il y avait des cracottes dans ta cuisine, du beurre et de la confiture et qu'hier, tu as fait une salade de fruits. Ca fait mince...

-A vrai dire, je n'ai même pas l'habitude des viennoiseries le matin. Je déjeune rarement. Je sais ce que tu vas dire, c'est pas bien. Par pitié, ne me vends pas auprès des garçons !

Pour le reste, le quotidien ça s'apprend. Tu sais, mon expérience n'a pas particulièrement été une partie de plaisir, et le célibat ne m'a pas déplu... Avant toi. Donc moi non plus, je n'attends pas qu'on s'installe ensemble dès cette semaine.

Pour ce qui est du quotidien, de ses réflexes, j'ai eu affaire à un mufle qui n'a même pas réalisé en cinq ans que je ne sucre pas mon café et en mettait systématiquement deux morceaux dans ma tasse –comme pour lui- les rares fois où il pensait à faire chauffer deux tasses, ce qui, presque heureusement, était exceptionnel.

Par contre, penser à ce qui pourrait me plaire pour mon anniversaire, penser même à mon anniversaire, observer ma cuisine pour trouver ce que je peux manger, c'est déjà mieux que ce que j'ai pu connaître. Alors ne t'en fais pas.

Sans compter que moi aussi j'ai un apprentissage à faire ; sur le quotidien, mais aussi sur ce que c'est de vivre avec toi. Sur tes besoins, tes envies, ce qui t'agace. Jusqu'à présent, je me suis crue experte dans cette dernière catégorie ! Il va falloir qu'on s'apprivoise.

Les deux amants en convinrent, finalement excités de ce nouveau challenge. Mais ce matin, ils avaient autre chose à faire. Chiara lui proposa de prendre une douche avant de l'accompagner, mais son amant déclina son offre ; il passerait rapidement chez lui avant de rejoindre l'agence pour prendre une douche et se changer.

-Je croyais que tu avais toute une garde robe de rechange dans ton bureau.

-Oui, mais ce n'est pas ça le problème. Je veux prendre une douche, même si Dieu sait que j'aurais préféré garder ton odeur sur ma peau jusqu'à ce soir ; ça me permettra de mesurer les traces que tu as laissées sur moi avec tes ongles et tes dents, avant de le découvrir au gymnase, sous le regard des garçons, précisa-t-il dans un sourire suggestif.

Et surtout, je ne veux pas que les garçons me voient débarquer avec mes fringues d'hier. Même si tout le monde sait à peu près ce qui se passe et nous couve d'un œil amical, je ne veux pas partager ça avec eux.

Cette nuit, ... c'est précieux. Ils se doutent peut-être qu'on a passé la nuit ensemble. Non, sûrement, en fait, parce qu'ils me connaissent, qu'ils ont vu mes réactions par rapport à toi ces derniers jours, et parce que qu'ils nous ont aperçus ensemble hier soir, mais je ne veux pas avoir à répondre à des questions ou des insinuations.


Eh ! regarde-moi, mon ange, exigea-t-il en sentant son raidissement. Je n'ai pas du tout honte de ce qui s'est passé ou un truc dans le genre si c'est ce que tu imagines déjà. Bien au contraire ! Je veux juste le garder, précieusement, jalousement, pour moi, pour nous. Les autres connaissent mon passé et quoi que j'en doute, je ne veux que personne puisse penser à comparer ce qu'on vit et ce que j'ai pu vivre avant, ce qui pourrait éventuellement se produire si j'avais l'air de passer directement d'une soirée à mon bureau.

Emue de cette nouvelle déclaration et de la délicatesse de son amant, Chiara hocha la tête pour approuver et se serra contre lui, luttant de toutes ses forces contre son corps qui était, déjà, affamé de ses caresses.

Fibules et toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant