Chapitre 17

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La sonnerie du téléphone la réveilla en sursaut. Sans prendre le temps de réfléchir, elle se rua sur le combiné.

-Salut, ma grande ! Où es-tu ?

-D'après toi Philippe ? Je suis chez moi, mais quelle idée de réveiller les gens si tôt, on s'est couché un peu tard je te rappelle !

-Tôt ? regarde par la fenêtre ; il fait presque nuit !

Il disait vrai. Le ciel rougissant qui entrait dans sa chambre lui apprit qu'elle avait passé la journée sous la couette.

Il s'amusa de ce qu'elle avait dormi si longtemps.

-Moi qui avais peur de te déranger dans tes préparations ! Je n'imaginais pas les intellectuelles si feignantes. Je voulais te proposer un ciné ce soir pour te changer les idées, mais ce n'est peut-être pas le bon jour ?

Elle confirma cette impression, étonnée de cette invitation ; ils avaient bien travaillé leur rôle, non ? Il n'était pas nécessaire de se soumettre à une séance supplémentaire, n'était-ce pas aussi son avis ?

-Absolument ! C'était surtout une question de politesse. Je doute que tu aurais apprécié le film que je vais voir ; on reprenait le film d'Oliver Stone sur le foot américain. Rien qui puisse t'intéresser !

-L'Enfer du dimanche ? Tu rigoles ou quoi. J'ai très envie de le revoir, j'adore et le film et le réalisateur ... mais un autre soir. Je ne voudrais pas que tu puisses m'accuser d'avoir mal tenu mon rôle à cause de la fatigue.

-Aucun problème, c'est ce que j'avais déjà dit à Marc et Frank, mais ils ont insisté pour que je t'appelle quand même.

-Ah, ils y vont aussi ?

Un éclat de rire sec lui répondit. Elle ne croyait tout de même pas qu'il allait lui proposer un cinéma en tête-à-tête ? Il devait y avoir une surchauffe au niveau du cerveau, à moins que leur petite comédie ne lui fût montée à la tête. S'empourprant au téléphone, la jeune femme s'empressa de démentir. Il était toujours aussi présomptueux ! Elle savait être professionnelle ! Son équipier prit visiblement mal la remarque et lui raccrocha quasiment au nez, prétendant que la séance n'allait pas tarder à commencer et que pour rien au monde, surtout pas elle, il ne voudrait la manquer. Elle resta quelques instants interdite après qu'il eut raccroché. Comment un garçon si plein d'humour pouvait-il se vexer si rapidement parfois ? Le comportement de Philippe ne manquait pas de la surprendre. Leur binôme avait fonctionné à la perfection la veille et déjà, ils faisaient marche arrière ? Cet homme était une énigme ! Tantôt, il se montrait presque tendre, interprétant son rôle à merveille et puis, soudain, au détour d'une phrase, une remarque sinon acerbe, du moins plus offensive suivait, si bien que la jeune femme, totalement décontenancée, ne savait plus sur quel pied danser. Il lui semblait presque par moments qu'il tentait de la séduire, même si elle savait la stupidité de cette impression, mais ses brusques changements d'humeur la laissaient sur ses gardes. A l'instant encore, il l'avait taquinée, mais lorsqu'elle avait suivi la même voie, la réaction avait été très différente. Finalement, ce n'était peut-être pas elle qui aurait le plus de mal à se conformer à leur comédie.

Chiara décida de cesser de réfléchir, mieux valait se laisser du temps pour tenter de cerner cet étrange personnage. Pour se distraire, maintenant qu'elle était réveillée, elle se réfugia sur le sofa, emmitouflée dans un pull irlandais chaud et confortable et suivit d'un œil discret un polar insipide tout en picorant des pistaches. Un instant, elle imagina les garçons au cinéma. Elle aurait peut-être dû aller avec eux. En fait, il fallait reconnaître qu'elle appréciait ces instants de calme et de solitude. Au cours de ces dernières semaines, elle n'avait guère eu le temps de s'occuper d'elle, ou simplement de se reposer le corps et l'esprit, alors que jusqu'à son intégration à l'agence, elle avait tout le temps pour elle. Il était difficile désormais de rester ainsi sans occupation. Elle profita de sa soirée pour prendre soin de son corps en vue de sa soirée du lendemain, puis, écœurée par les niaiseries de la télévision, elle opta finalement pour le cocon douillet de son lit, après avoir opéré un peu de rangement et préparé ses atours du lendemain. Elle brancha la chaîne hi-fi et se plongea dans un roman historique.

Fibules et toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant