Partie 23 : Appie

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« T'inquiètes mon gars, je te veux point de mal...

— Tant mieux, répond le gars qui tient toujours son poignet.

De son autre main, il replace le cran de sûreté de l'arme. Freddy capte parfaitement le message et rengaine son revolver. Le type le lâche. Il a l'air embarrassé et intimidé. À ses côtés, la gamine se pelotonne contre lui.

Freddy remarque alors qu'ils sont en pyjama tous les deux.

— Bonjour Monsieur, dit poliment le grand gars en s'assoyant du mieux qu'il peut. Excusez-moi, je cherche du travail. Est-ce que vous pourriez m'aider ?

La voix sonne faux, comme s'il avait appris par cœur ces phrases et les avait beaucoup répétées sans saisir exactement ce qu'elles voulaient dire. Freddy sent une occasion de se faire quelques crédits, l'ancienne monnaie qui a été remplacée par les t-crédits dans le monde civilisé, mais qui sert toujours aux trafics qui se déroulent en marge du Réseau. Il ricane et dit :

— Pour sûr mon gars, du boulot ça n'en manque point par ici, pour ceux qui sont costauds à l'ouvrage. T'es-ti costaud mon gars ?

— Heu... Je me débrouille.

— Ben ça. Ben suis-moi gars. Et ta ch'tite môme aussi. C'est ta p'tite sœur, c'est ça ?

— Oui monsieur.

— Ben ça.

Freddy ne croit pas un instant que la fillette soit la petite sœur du type. Ils sont tous les deux assez basanés, avec des cheveux noirs et lisses, mais ils ne se ressemblent pas vraiment : le jeune homme a un visage large et ouvert, le nez marqué et de grands yeux marron, la petite a un visage rond, les traits fins et des yeux noirs en amande. Mais elle s'accroche beaucoup trop au grand pour qu'il l'ait kidnappée.

— Hé gars, tu dis rien à la patronne, hein ? Dis-y juste que je vous ai trouvés là dans la décharge et que tu veux du boulot. T'es un bon gars, t'es pas un voleur ni rien ?

— Non, Monsieur.

— Ben ça. »

Freddy continue à les guider dans le dédale des ordures jusqu'à Telmina. Celle-ci les accueille d'abord avec surprise, puis avec plaisir, lui dessinant un sourire de loup. La petite fille se cache le visage dans les jambes de son grand frère, qui demande s'il n'y a pas moyen de lui donner à manger dès maintenant. Et une couverture, peut-être, la soirée commence à être fraîche. Telmina le jauge et sourit encore. Elle ignore d'où il s'est évadé et d'où il a sorti cette gamine, mais elle est sûre de pouvoir en faire ce qu'elle veut.


Le couple offre à 1 une paire de sandales en plastique trop petites, dont ses talons dépassent, mais qui lui permettent de marcher plus facilement sur le sol traître de la décharge. On lui confie le pelletage des ordures, la fouille étant réservée à l'œil exercé de Telmina. 1 n'ose pas demander à manger et à boire avant d'avoir gagné sa part, et il tente de se montrer aussi concentré et appliqué que possible. À côté, 7 reste assise et semble le soutenir du regard. De temps en temps, il envoie un message mental à sa petite sœur, qui lui répond que tout va bien.

Même si tout ne va pas bien. Leurs deux sauveurs lui font très peur. C'est elle qui s'est réveillée lorsque Freddy est entré dans leur cachette et qui a prévenu 1 à temps. Ce qui n'a fait qu'accroitre sa détermination à veiller au grain et à avertir son frère de tous les dangers.

Enfin le soir venu les Joesburg et leurs deux protégés rentrent au village. 1 leur demande :

« Et ma paie ?

— Quoi ? grince Telmina. Tu nous crois pour des riches ? On donne à manger à toi et la môme et c'est ben de la gentillesse de notre part vu le fer que t'as trouvé. On y a perdu à t'embaucher aujourd'hui. Mais tu apprends, demain tu feras mieux, on te donnera plus demain.

1 ignore combien sont censés être payés les gens qui trient les déchets. Lui n'a pas encore mangé, et le sandwich garni d'une gelée brune et salée qu'a reçu 7 ne lui paraît pas être un salaire convenable. Mais tout le coin est plutôt miséreux. Il ne veut pas mettre Freddy et Telmina dans l'embarras en leur demandant plus qu'ils ne peuvent lui donner, mais il a besoin de trouver un moyen de gagner davantage et très vite. À ce rythme-là, ils resteront coincés à Appie des mois avant de pouvoir se mettre en chasse, et la piste de leurs agresseurs et des professeurs sera froide ou disparue.

— Vous n'auriez pas des objets techs à réparer ? Des programmes à faire sur ordinateur ? Des choses comme ça ?

— Écoute mon mignon, il y a que les riches qui ont du tech, et est-ce qu'on a l'air riches nous ?

— Pas vraiment. Mais j'ai besoin de vêtements et de chaussures pour ma petite sœur et pour moi, à ce rythme-là je n'aurai jamais de quoi les payer.

— On va t'en prêter, ne t'en fait pas, pour toi des vieux habits de papa et pour la p'tite de vieilles affaires à ma Chelsie... seulement faudra que tu nous rembourses gars ! On est pauvres nous aut', on peut point prêter à tous les mendiants du coin !

1 réfléchit et dit :

— Alors il vaut mieux qu'on parte. Je gagnerai plus d'argent en travaillant avec des matériaux techs. Au revoir Madame, au revoir Monsieur.

Le couple se regarde, catastrophé. Ils comptaient bien exploiter la force de ce grand gaillard une bonne semaine minimum, voir plus s'il était poursuivi par les autorités. Freddy craque le premier et rattrape 1 :

— T'en vas pas si vite gars ! Tu veux du tech ? Du tech on va te trouver, foi de Freddy Joesburg ! »
 

Les Techs - Tome 1 : les secrets du LaboratoireWhere stories live. Discover now