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La pluie frappe la vitre dans un bruit blanc presque berçant. C'est presque comme si le ciel aussi était en deuil, comme s'il pleurait les larmes que je ne suis plus capable de laisser jaillir de mes yeux.

Je reste debout là, devant cette fichue moustiquaire donnant sur la rue ou finalement, tout a commencé. Ca a quelque chose de surréaliste. Comme si tout ça n'avait été qu'un rêve, loin de New-York. Comme si c'était une parenthèse enchantée, parfaite, et qu'il était temps de revenir à la réalité.

Et me revoilà à Rochester, au même endroit qu'il y a tant d'années. Regardant cette porte, ce patio, cette rue...

J'entends par-dessus mon épaule encore quelques voix, puis les gens s'en vont et des bruits de vaisselle.

Je tourne la tête, mon crâne résonnant encore de toutes les voix oppressantes de cette journée glauque à souhait, et observe Clara qui s'attèle à ranger la nourriture sur la table.

-Je pense que tu as de quoi manger pendant environ un mois, dit-elle en soupirant tout en rangeant tous les plats confectionnés par mes amis, mais aussi des inconnus, qu'il connaissait, venus simplement pour lui rendre un dernier hommage.

Comme si la nourriture pouvait m'aider.

Comme si je risquais de me laisser mourir de faim...

-Laisse ça, je m'en occuperai..., articulais-je d'une voix encore faible.

-Ca me prend deux minutes. Et... J'ai envie de rester un peu avec toi...

Nous échangeons un regard lourd pendant plusieurs secondes, et j'aimerai tant la débarrasser de toute la culpabilité et l'impuissance qui déborde de son regard...

-Ca va aller...

-Je peux rester dormir avec toi cette nuit si tu veux !

-Clara, ça fait une semaine que tu ne dors plus avec ton mari pour rester avec moi... C'est adorable, mais va t'occuper de ta famille, ça va aller...

-Tu es sûre de vouloir rester seule ici ?...

-Oui, je... J'en ai besoin...

-Oh ma chérie...

Elle contourne la table de la cuisine et vient me prendre dans ses bras.

Je me laisse bercer un instant, absente de mon corps, avant de lui donner un léger sourire en espérant la rassurer sur mon état.

-Tu m'appelles s'il y a quoique ce soit, si tu veux parler, si tu veux pleurer, tu as le droit de pleurer tu sais ?

-Je sais...Merci pour tout...

Elle me serre encore un instant, puis tourne les talons, et après un sourire compatissant, me laisse seule.

Le claquement de la porte résonne encore dans ma tête pendant des minutes, des heures.

Et l'immense silence est le plus assourdissant des bruits.

Je prends une grande inspiration, ne sachant pas vraiment quoi faire... Que suis-je censé faire ?

Je regarde le bazar sur la table et un peu partout, mais je n'ai pas envie de m'en occuper. Je n'ai envie de rien à vrai dire. J'ai juste envie qu'il revienne.

Et même si notre vie n'était pas vraiment à Rochester, même si notre « nous », c'était San Fransisco, j'ai l'impression qu'il va arriver, ouvrir la porte et me montrer fièrement quelques oranges fraiches trouvé au Drugstore d'en bas.

GRAIN DE FOLIEWhere stories live. Discover now