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Faire le deuil d'un amour est presqu'aussi douloureux que la perte d'un être cher, avec la difficulté différente de savoir que vous risquez de le recroiser un jour, ou qu'il continue sa vie, avec une autre.

J'aurai du m'écouter. J'aurai dû écouter ma conscience qui me disais de ne pas me laisser porter par lui, par ces sentiments que je sentais bien naître là, tout petits, puis de plus en plus grands. J'aurai dû m'éloigner. J'aurai dû faire tant de choses...

Je tente de reprendre la vie que j'ai laissé ici tant bien que mal. Surtout mal.

Je regrette presque parfois d'être revenue ici en emportant avec moi ma douleur, contaminant à jamais cet endroit que j'avais réussi à rendre idyllique.

Je retrouve ma petite maison au bord de l'eau, que j'avais laissé brutalement. Il y a encore mon bol les assiettes dans l'évier et nos deux verres de vin vides, suite à la dernière conversation houleuse que nous avions eu avant que je ne décide sur un coup de tête de le suivre à NewYork.

Comme si tout ça n'avait été qu'une parenthèse, et que je reprenais ma vie là où je l'avais laissé.

J'envoie un mail à Marc, et à Clara, et à Jack, leur disant de ne pas s'inquiéter, mais que j'avais besoin de quelques jours loin de tout. Ce qui, je le sais, risque de les inquiéter.


Et je regarde les couchés de soleil se succéder, sublimes, sur l'horizon de l'océan.

Joseline et mes amis d'ici me reprennent dans leur vie comme si je n'étais jamais partie.

Et je crois que petit à petit, j'y arrive, j'arrive à croire que je pourrai arrêter d'avoir mal, encore.

Ce soir-là, le vent souffle sur South Beach. Je lis dans le regard de Joseline l'inquiétude en scrutant l'horizon.

-Est-ce que ça va ?..., demandais-je en voyant bien que quelque chose la tracasse.

-Moi je te dis que le réchauffement climatique est en train de tout chambouler, grommelle-t-elle en nettoyant frénétiquement le même verre depuis dix bonnes minutes.

J'attrape le malheureux verre et le pose sur le comptoir.

-Normalement, on a pas de tempêtes avant l'automne. Mais c'est de pire en pire chaque année, lance-t-elle encore en ne quittant pas le ciel chargé du regard. Il faut que je rentre le mobilier.

GRAIN DE FOLIEWhere stories live. Discover now