Chapitre 1

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Lundi 05 décembre :

"_Yaah !" Soufflait la jeune fille en s'allongeant sur le canapé de son appartement. En s'allongeant... C'était plutôt "en s'écroulant".

Cette journée lui avait paru une éternité, à tel point qu'elle n'avait plus aucune force pour quoi que ce soit.

Quel soulagement de pouvoir enfin s'allonger, pensa-t-elle.

Elle s'étira, ses cheveux sombres tombant dans son dos, quand soudain un grognement sourd se fit entendre à travers son 20 m². C'était le ventre de la brune, qui réclamait de la nourriture.

Elle se leva, décidée. Chaque journée d'hiver mérite un bon gros repas bien chaud, se dit-elle en partant dans la minuscule cuisine non loin du canapé puisqu'elle habitait dans un petit studio. Un petit studio, certes, mais qui n'en restait pas moins très douillet. Elle se sentait bien ici.

Enfin, trêve de bavardage, hâtée par la faim, elle se mit à l'ouvrage, retroussant les manches de son sweat. Elle ouvrit son frigo, mais son visage se décomposa quand elle remarqua l'étrange vide qui le hantait. Elle fit de même avec un placard, et la scène se répéta. Plus elle ouvrait de porte, plus son être tout entier se dégradait petit à petit.

À quand remonte la dernière fois qu'elle n'avait pas fait les courses ? Depuis très longtemps sûrement. Se répondit-elle. Un long soupire s'échappa de sa bouche.

Quand tout à coup, une boîte divine apparut comme par magie derrière quelques bouteilles d'eau. Cette boîte ? Des ramens au poulet ! Plat préféré de notre jeune héroïne. Elle sautillait comme une enfant. Jamais elle n'avait été aussi contente de voir des ramens se présenter à elle. Même si elle aurait préféré une bonne grosse brochette de boeuf-fromage accompagné d'un bol de riz et de légume. Mais bon, on ne peut pas tout avoir. Encore moins quand nous n'avons pas fait les courses. Elle prit une casserole et y versa l'eau, avant de la mettre sur le feu. Elle ouvrit la boîte, avec empressement, mais là, une étonnante surprise écœurante la fit presque vomir. Les nouilles étaient humides et couvèrent d'une mousse kaki, l'odeur lui fit des hauts de cœurs tels qu'elle dut se couvrir le visage avec son bras. Si des cafards grouillaient là-dedans, elle comprendrait.

Elle retourna la boîte pour y regarder la date de péremption : 07-03-2016. Nous sommes le lundi 05 décembre. Beurk.

Pas une, pas deux. Elle jeta la boîte dans la poubelle. Adieu, nouilles qui m'ont tant de fois nourrit ! Pleurnicha l'affamée. Mais comment avait-elle pu les oublier ? Elle fit alors le serment de ne plus jamais laisser à l'oublie des nouilles. Plus jamais.

Mais, son ventre se remit à gargouiller, plus fort cette fois-ci. Il faut vraiment que je mange, mais  quoi ? Se demanda-t-elle. Et avec quel argent ?

Effectivement, elle avait tout dépensé pour le sweat qu'elle portait actuellement. Il lui avait coûté une fortune, mais il était magnifique ! Blanc et vert, tout droit venu d'Amérique.

Plus jamais tu ne dépenses d'argent. Plus jamais. C'était un autre serment.

Soudainement, un souvenir lui apparut. Dans la poche d'une de ses vestes, quelques Wons.

Elle courut à l'entrée et recherchait cette veste, priant pour que ce souvenir ne soit pas un mirage. Quand ses doigts frôlèrent un bout de papier, elle le retira de la poche. 50 000 Wons. Ma bonne étoile était avec moi, supposa-t-elle, un énorme sourire plaqué sur le visage. Avec ça, elle avait de quoi s'acheter à manger pour une semaine.

Pressée par l'heure, mais surtout l'envie de manger quelque chose de chaud, elle se dépêchait d'enfiler sa paire de basket fétiche puis sortit enfin, fermant à double tour la porte de son appartement. Qui sait ? Peut-être que quelqu'un trouvera un truc de valeur dans ce taudis.

L'air frais lui fit un bien fou, devrais-je manger dehors ? Se demanda-t-elle, en avançant vers la petite ruelle qu'elle connaissait le mieux. Là, à quelque pas de chez elle, se trouvait une petite épicerie qui proposait des tables d'extérieur à ses clients et qui fermait aussi très tard. Elle décidait donc de s'acheter ses nouilles préférés et les chauffa avec le micro-onde mit à disposition. Une fois cela fait, elle s'installait à sa petite table habituelle et ouvrit sa boîte de ramen, une vapeur odorante en sortie. L'appétit se raviva dans son ventre et elle mangeait enfin ces nouilles, offertes de Dieu pensa-t-elle.

Une fois rassasiée, elle déposa sa tête dans ses bras. Elle était fatiguée, mais elle voulait prendre une bouffée d'air frais avant de rentrer chez elle. Elle voulait.

Soudainement, alors qu'elle pensait que les bras de Morphée l'avaient peu à peu emmener, un douloureux souvenir vint torturer son esprit pourtant si paisible.

Elle le revoyait, se tenir devant elle, à la regarder manger ses nouilles qu'il lui avait gentiment offertes malgré le fait qu'elle eut séché les cours. C'était son frère. Il était beau, grand et fort. Le regard toujours bienveillant. Il était la seule personne qui la considérait comme faisant partie de sa famille. La seule personne qui l'aimait réellement. La preuve, après son départ, on lui avait donné 600 000 Wons pour quitter la maison, pour vivre ou survivre. Elle avait 15 ans, et venait tout juste de rentrer au lycée. Les ballades dans les parcs, accompagnées de son frère, ses cousins et sa mère, qui lui tenait la main. Jamais elle n'en fit. Jamais on ne l'appelait "ma fille", "ma puce", ou encore "ma petite chérie".

La seule personne qu'elle aimait et qui l'aimait en retour dans cette maison était la seule personne qui la quitta à 19 ans. La seule personne que tout le monde pleura et pleurera. Le seul héritier.

Elle claquait son poing sur la table. Arrête avec tes pensées négatives ! S'ordonna-elle au fond d'elle-même. Il fallait qu'elle entasse cette réalité. Elle ne pouvait vivre avec pour l'éternité. La jeune fille soupirait et se redressait sur sa chaise. Elle est seule. Il fait froid. Il fait sombre. Elle décida alors de rentrer chez elle, afin de se poser devant un bon drama, comme à son habitude.

Notre brune se leva de sa place, et le pas lourd, avançait dans cette étroite et silencieuse rue. Pas un chat ne passait, pas un oiseau, pas un souffle de vent dans les arbres.

Rien, le calme à l'état pur.

Brusquement, alors qu'elle s'apprêtait à ranger ses doigts frigorifiés dans les manches de son pull, on l'attrapa par-derrière. Elle sentit une chaude main, se poser sur sa bouche pour l'empêcher d'émettre un quelconque son. Elle paniqua, qu'est-ce qu'il se passe ? Son agresseur passa son bras autour d'elle, la serrant fort afin de l'empêcher de s'échapper. Ce qu'elle voulait faire à tout prix. Apeurée, elle se débattait.

Ses jambes, ses épaules, ses coudes. Elle usait de tout ce qui était en son pouvoir, même des cris étouffés. Des larmes d'affolement ne purent s'empêcher de couler, alors qu'elle était trainée de force vers une voiture noir. Elle se débattait autant qu'elle le pouvait, mais la fatigue la prit subitement. Alors que la personne ouvrit le coffre du véhicule, elle tentait un coup de coude qu'il sentit passer. Malheureusement, son acte de bravoure fut vite supprimé par un juron terrible. La personne dont elle ne voyait le visage leva son poing vers elle, en quelque seconde, elle fut assommée par un coup atroce. Sa vue se troubla, alors que tout devint noir. Elle avait perdu connaissance.

51 nuits à Stockholm- Enlèvement /ZicoWhere stories live. Discover now