Un petit voyage ?

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Le soir quand je rentre d'une journée assez pénible où j'ai dû présenter un témoin clef au tribunal à l'autre bout du pays, Calum m'attend, les mains nouées.
Charles, que je n'ai jamais vu s'énerver part en claquant la porte à mon arrivée en marmonnant : Bonne chance avec lui !

— Cal... Tu m'expliques ?

— Je te la fais courte : j'ai dis à ma mère, qui me soûlait pour me caser avec une nana, que je vivais avec toi et que c'était très sérieux et du coup tu es attendue avec moi ce week-end !

Effectivement, ça semblait être la version courte.

— Même pas en rêve !

— Ecoute, tu auras qu'à être toi-même et ma mère se dira qu'on n'a rien à faire ensemble. Elle me lâchera la grappe un moment, soulagée qu'on se sépare.

Aie... c'était vexant, même pour moi. Je n'étais pas la belle-fille idéale, certes, mais j'avais une sensibilité qu'il venait de piétiner.

— Va mourir !

— Mais tu ne comprends pas, justement j'en crève d'être le vilain canard de la famille, ils attendent tellement de moi ! On laisse mon frère tranquille parce qu'il s'est fait plaquer quasiment devant l'autel mais, moi, on me harcèle.

— Pauvre chéri ! Et en ramenant une fille qu'ils n'estimeront pas, tu crois que tu vas redorer ton image ?

Il a l'air de réfléchir puis se ravise.

— Tu as raison, tu vas jouer la belle-fille parfaite, tu viendras deux ou trois fois, ça te fera des vacances gratuites et tu finiras par me plaquer pour un autre le temps venu. On me consolera comme on l'a fait pour Keith et on me laissera en paix.

— Tu entends ce que tu dis, tu veux que je me travestisse ? Tu veux que je fasse revivre à ta famille un drame familial.

Il hausse les épaules, il ne voit pas le problème et ça m'irrite profondément qu'il puisse être si égoïste.

— Cal, il est temps que tu fasses ton coming-out, pour Charles au moins, tu dois être honnête. Tu vas finir par le perdre.

— Oh ça va, si j'avais besoin de conseils conjugaux, j'irais demander à quelqu'un d'autre.

Il avait souvent besoin d'être odieux, de faire mal pour se rassurer et j'étais bien la seule que ça n'atteignait que moyennement. La vérité ne me faisait pas peur, il avait raison.

J'ai bien eu quelques histoires, deux, pour être honnête, mais elles n'avaient menées à rien. J'y avais veillé avec beaucoup de rigueur. Je n'avais pas le droit de m'attacher parce que tôt ou tard je devrais partir. J'attendais si patiemment de retrouver ma vie d'avant que rien ne m'empêcherait, le jour où je devrais sortir de l'ombre et témoigner, d'avoir peur et faire demi-tour. J'avais mis mon humanité sur pause dans cet unique but.

Cal se lève, excédé, et monte bruyamment à l'étage, je ne sais pas pourquoi je pense qu'il dormira seul ce soir et ça me fait un peu sourire. C'est sadique de ma part, je sais.

Mais c'est sans compter que Charles manque de volonté -et, ou, l'aime trop- parce que j'entends quelques heures plus tard la porte d'entrée qui s'ouvre et les escaliers craquer.

Le lendemain, Charles fait toujours un peu la tête mais Calum semble assez satisfait, il me tend mon sac et s'adosse au chambranle pour m'empêcher de passer.

— Tu joues le rôle jusqu'au mariage de ma sœur Maura et j'avoue tout le lendemain avec ton soutien indéfectible.

— Elle se marie quand ta sœur ? Ce week-end ?

— Dans six mois.

— Ça fait quoi deux ou trois rendez vous et une poignée de mensonges ? J'y gagne quoi dans l'histoire ?

— Un voyage en Ecosse et tu sauves mon âme.

— Je doute qu'on puisse faire quoique ce soit pour la deuxième partie.

— Charles est d'accord, il me laisse six mois pour sortir de l'ombre.

Il me sourit, avec son sourire ravageur et je cède immédiatement. Ce type est vraiment trop beau.

— Et puis Oly... L'Ecosse ! Toi qui rêves d'y aller ! Et toi qui m'aimes comme un frère...

Comme une sœur !

Pourquoi, régulièrement ai-je l'impression qu'il oublie que je suis une femme ?

— D'accord !

Merde ! Il venait d'utiliser le toi-qui, deux fois en plus ! Je cède toujours au toi-qui et il le sait.

Je ne sais pas trop dans quel merdier je mets les pieds mais j'y vais allègrement alors qu'il me soulève et me fait virevolter dans les airs.

J'avais oublié ce que c'était que d'être aimée (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant