Chapitre XXXVIII

131 18 3
                                    

Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.

Dieu merci, la rumeur des conversations couvrait ses paroles. Il y avait beaucoup d'affluence. L'annonce de l'événement dans le Times et la présence des journalistes et d'un photographe du Daily News avaient attiré du monde. Les étalages se vidaient progressivement, les objets changeaient de main. Je décidai d'en profiter pour me rapprocher de Rosalind. Laissant Véra accueillir de nouveaux arrivants, je me frayai un passage à travers la masse compacte des acheteurs et arrivai à sa hauteur. Par bonheur, l'espace devant elle était dégagé. Elle me regarda approcher sans que le moindre sourire relevât les coins de ses lèvres. Ses premiers mots après un an furent de reproche :

— Je me demandais si vous repartiriez sans me dire bonjour. Depuis votre arrivée, vous avez pris grand soin de m'éviter.

— Vous étiez occupée. Et notre dernière rencontre m'avait laissé un souvenir...plutôt amer.

— À moi aussi, croyez-le. Si j'avais pensé qu'Heather...

— Peu importe ! Les choses sont ainsi. On ne peut revenir en arrière.

— Non. Bien souvent je vous ai imaginé à Holly Farm. Je me demandais si vous vous accoutumiez à votre nouvelle existence.

— Elle me convient. Je n'étais pas fait pour vivre à Londres. Mon sang de coureur de route, sans doute.

Cette fois, Rosalind se dérida. Les fines lignes partant de ses narines aux commissures de sa bouche se creusèrent. Je notai aussi un léger pli sur son front. Au lieu de déparer sa figure, les premiers signes de l'âge lui conféraient un charme supplémentaire. Fanny se fanerait vite alors que Rosalind conserverait sa délicate beauté. Le sourire déserta à nouveau sa figure. J'eus l'explication en pivotant de trois quarts. James, Heather et un inconnu dans la trentaine – sans doute le fameux fiancé –venaient de débarquer. Tous trois commencèrent à avancer vers notre stand. À ma vue, James marqua un temps d'arrêt avant de reprendre sa marche lente et inexorable. Le couple formé par Heather et Arnold Milliner continuait à progresser dans notre direction. La figure joviale du second contrastait avec la mine revêche de la première. La démarche d'Heather était raide et mécanique Une poupée articulée d'après Liz, tandis que Milliner avait une allure pataude, accentuée par une taille courte, des épaules de déménageur et de longs bras. Les fiancés ne se touchaient pas, mais Arnold était constamment tourné vers ma cousine, comme s'il ne pouvait la quitter des yeux un seul instant.

— Voyons un peu ce que vous avez à vendre, dis-je à Rosalind pour donner le change.

— Il ne me reste pas grand-chose. Les premiers arrivés m'ont dévalisée.

Ses mains tremblaient en montrant les articles sur la table. Sa voix aussi trahissait son malaise. Je la rassurai de mon mieux. James ne ferait pas d'esclandre dans la maison de sa fille aînée et son autre fille se tiendrait coite en présence de son futur. Repérant parmi les bibelots dédaignés l'horrible vase chinois de Park Road, je m'en saisis.

KENSINGTON ROADWhere stories live. Discover now