Chapitre VII

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Ce n'était pas pour demain. Je ne mis pas longtemps à comprendre que j'avais échangé une misère contre une autre. Les conditions de vie à l'école étaient spartiates : dortoirs dépourvus d'intimité, toilette à l'eau froide, nourriture correcte, mais monotone. J'aurais pu m'en accommoder, n'ayant pas eu le temps de goûter au confort de Kensington Road, si mes camarades ne m'avaient pas persécuté. Cet internat était huppé et, comme l'avait précisé mon grand-père, accueillait la crème de la high society anglaise. J'y avais été admis en raison de la fortune de Murray Davis, non à cause d'un titre qu'il ne possédait pas. Il appartenait à cette grande bourgeoisie industrielle épanouie sous le règne de Victoria.

Tout commença par une phase d'observation. La vingtaine de petites brutes qui m'entouraient me jaugea avant de me clouer au pilori. J'étais en retard sur mes camarades. Je déchiffrais alors qu'ils se débrouillaient déjà bien. Idem pour l'écriture, où je me distinguais par des pâtés et des lettres au tracé incertain. Ma première lecture à haute voix se déroula sous des gloussements moqueurs, en dépit de rappels à l'ordre du professeur. Au terme de cette prestation lamentable, des cris de singe succédèrent aux rires. Un chœur discordant qui m'obligea à me boucher les oreilles. Le maître se mit à asséner des coups sur son bureau avec sa règle, tout en menaçant mes condisciples des pires châtiments. Ils se turent, bien que d'ultimes glapissements vinssent des rangs du fond. Au repas suivant, j'eus droit à un autre concert, stoppé net par le surveillant. Cette nuit-là, je mouillai mon lit pour la première fois depuis des années. Au sentiment d'inconfort, se mêlaient la honte et le regret. Si je n'avais pas prononcé des paroles malheureuses, j'étudierais tranquillement avec un précepteur et je verrais Heather tous les jours.

La petite bande ne désarmait pas, menée par Harry Baines, un fils d'aristocrate qui m'avait pris en grippe dès le départ. Désormais, les hurlements simiesques m'accompagnaient à chaque occasion. Le personnel intervenait mollement, sans doute impressionné par le pedigree du jeune Baines. Je n'y prêtai bientôt plus attention. C'était sans compter avec l'acharnement de mon ennemi. Un soir, en montant au dortoir, je me sentis happé par le col. En me retournant, je vis, proche de la mienne, la figure joufflue de Baines.

— Hé ! Le moricaud, où t'en vas-tu comme ça ? dit-il.

Je me débattis, mais un autre gamin surgit sur ses entrefaites.

— Il va faire pipi au lit ! chantonna-t-il.

— C'est vrai ? demanda Baines. En plus d'être mal débarbouillé, tu es un vrai bébé.

D'une pichenette, il fit tomber ma casquette d'uniforme. Je me baissai pour la ramasser, le règlement stipulant que nous devions la garder sur la tête du lever au coucher. Baines en profita pour me pousser violemment contre le mur. D'autres garçons de ma classe le rejoignirent et m'enfermèrent dans un cercle. Les injures fusèrent : moricaud ! pisseur ! macaque!, puis je reçus des coups de pied dans les tibias. Le poing de Baines se leva, visant mon menton. Je me protégeai le visage avec les bras. Presque aussitôt, une voix claironna :

KENSINGTON ROADWhere stories live. Discover now