Chapitre XXVI

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Je jetai à l'assistance un regard circulaire, tâchant de repérer le chapeau de Véra : sans succès. Soudain, un mouvement se produisit. Le fond de la pièce se vida de ses occupantes ; des chaises furent enlevées et Emmeline Pankhurst s'achemina vers l'espace ainsi dégagé. Le moment était venu pour elle de s'adresser au public. Les conversations cessèrent et un silence religieux s'installa. Par-dessus la forêt de chignons et de couvre-chefs, je fixai l'idole de Véra tout en prêtant l'oreille à son discours. Elle en imposait par sa prestance naturelle, le timbre de sa voix, à la fois sonore et musicale et le jeu expressif de ses mains. Lorsqu'elle s'interrompit, j'étais, sinon convaincu, rassuré sur les moyens employés pour parvenir à son but. Aucune allusion à une action violente. Le rassemblement prévu à Londres dans trois semaines, visant à réclamer le droit de vote pour les femmes, serait pacifique. Dans ces conditions, Todd n'aurait pas de raison de refuser mon article.

Je me joignis aux applaudissements nourris. Des femmes s'approchèrent pour féliciter Emmeline. Véra se trouvait parmi elles. Je la désignai à Paxton qui se mit à la détailler avec curiosité.

— Elle ressemble à votre grand-père, conclut-il après cet examen.

— Cette remarque ne plairait pas à Véra, j'en ai peur.

— Qu'est-ce qui est censé ne pas me plaire ?

Plus vive que l'éclair, l'objet de notre conversation nous avait déjà rejoints. Paxton arborait un air amusé, mais Véra ne souriait pas. Non qu'elle fût fâchée, mais l'inconnu subitement découvert requérait toute sa capacité de concentration. Comme par mimétisme, le rire s'effaça des lèvres de Paxton au profit d'une expression grave. La lueur gaie de ses yeux disparut de la même façon. Véra continuait à le fixer avec une insistance qui aurait pu paraître impolie à un œil extérieur. Mais pas à moi. J'allais de l'un à l'autre, attentif à chaque mimique, à chaque battement de cil, au moindre frémissement de paupière. J'étais conscient d'assister à un événement important que pour ma part, j'avais déjà vécu, mais à sens unique. Ici, l'attraction était mutuelle. La scène dura à peine deux ou trois minutes. Puis les traits de ma cousine perdirent leur rigidité tandis qu'elle s'adressait à moi d'un ton enjoué :

— Tu ne me présentes pas ?

— Si, naturellement, fis-je, m'efforçant de prendre un masque mondain. Véra Davis, ma cousine germaine ; Andrew Paxton.

Andrew me jeta un regard indéfinissable. J'étais douloureusement conscient qu'en dire davantage à son sujet romprait le charme de cette rencontre. Je crus entendre Ronald. Tu es un indécrottable sentimental, Walter.

Enchantée de vous connaître, Mr Paxton, dit Véra, avançant une main non gantée.

À l'inverse de moi tout à l'heure, Paxton prit cette dernière et la baisa avec aisance, comme si cette marque de respect lui était habituelle. Peut-être retint-il les doigts dans les siens un peu plus longtemps que la bienséance ne l'autorisait. Ma cousine ne s'offusqua pas de cette familiarité.

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