Chapitre XV

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Au sortir de la gare, un cab m'avait conduit jusqu'à la grille de la propriété de lady Harriet. Hermétique le premier été, le portail s'ouvrait à présent largement pour me laisser passer. Pour avoir guetté Heather et sa mère, j'avais l'impression de connaître par cœur le jardin au gazon bien tondu entre les allées de gravier. Un filet était tendu sur la pelouse rayée de lignes blanches, et deux jeunes filles se renvoyaient des balles. Je reconnus Véra à ses bandeaux châtain, brillant dans le soleil. L'autre devait être Heather. Sa jupe longue l'embarrassait, à en juger par sa façon de la relever à chaque déplacement. Elle m'aperçut et agita sa raquette dans ma direction.

— Te voilà enfin ! s'écria-t-elle, rayonnante. Véra se plaignait de manquer de partenaires masculins.

— Au risque de la décevoir, je ne suis pas un as au tennis.

J'avançai vers mes deux cousines qui offraient un contraste saisissant. Autant Heather semblait embarrassée de son nouveau corps d'adolescente, autant Véra assumait le sien : celui d'une femme en plein épanouissement. Mon expérience, si limitée fut-elle, me permettait d'évaluer à leur juste valeur les formes de ma cousine. Éblouie par le soleil, Véra s'abrita les yeux de sa main gauche et observa :

— Tu n'es peut-être pas doué dans ce sport, mais quelle élégance !

Je me rengorgeai. En effet, j'étais plutôt satisfait de mon apparence. Mon canotier de paille claire, mon costume en tussor et ma cravate noire me classaient parmi les dandies.

— Presque trop pour la mer, compléta Véra. Moi, je suis fagotée comme une bouseuse.

D'un geste gracieux, elle releva l'ourlet de sa robe de mousseline, exhibant une bottine de cuir blanc et l'amorce d'une fine cheville. Voyant mon regard s'abaisser vers l'espace de peau révélé, un pli se creusa sur le front lisse d'Heather.

— Ne fais pas attention, dit-elle, Véra ne peut pas s'empêcher de flirter.

— Même avec mon cousin, soupira cette dernière avec une moue à la fois comique et irrésistible. C'est dire s'il y a pénurie d'hommes dans les environs. Tes amis Sedgewick ne viennent pas cette année ?

— Plus tard. Les parents sont à Paris, Tim et Ronald à Londres, chacun avec ses occupations.

Je ne précisai pas que la mer offrait moins de charme pour les deux gaillards.

— Tim me serrait de près l'été dernier, précisa Véra, puis il s'est comme évaporé. J'adorerais rencontrer un vrai homme, pas un de ces jeunes paltoquets tout juste bons à vous faire danser en vous glissant des insanités à l'oreille.

— Véra ! s'exclama Heather, devenue écarlate.

L'intéressée pinça la joue encore rebondie et lança gaiement :

KENSINGTON ROADWhere stories live. Discover now