Chapitre XXXVI

101 15 0
                                    


Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.

Les yeux de Rosalind s'agrandirent pour se figer dans une expression d'horreur tandis que la porte du salon s'ouvrait. Nos lèvres se déprirent et nous nous écartâmes l'un de l'autre. Je me retournai pour affronter le ou les arrivants. En l'occurrence, lady Harriet et Heather. Ma cousine se dressait sur le seuil, une main sur la poignée, le visage gris et les yeux dilatés. Lady Harriet se tenait en retrait, l'air éberlué. Je me tournai vers Rosalind, devenue blême d'un seul coup. Elle sembla se recroqueviller sous le regard impitoyable de sa fille.

— Tu avais la clé, murmura-t-elle d'une voix sans timbre.

Une constatation un peu dérisoire. Heather confirma :

— Je venais chercher quelques souvenirs de mes grands-parents. Si seulement j'avais su que je te trouverais ici avec lui et dans cette posture scandaleuse !

— Inutile de monter sur tes grands chevaux ! intervins-je. Je me bornais à réconforter ta mère.

Un sourire cynique se joua sur les lèvres d'Heather. Elle s'avança de quelques pas, lady Harriet sur ses talons et ironisa :

— En l'embrassant sur la bouche ? Et je ne m'adresse pas à toi, Walter, mais à ma mère qui a oublié ses devoirs d'épouse.

— Comment as-tu pu, Rosalind ? gémit lady Harriet ; sous le toit de tes pauvres parents, encore.

Rosalind se taisait, accablée par cette avalanche de récriminations.

— Elle n'est coupable de rien, affirmai-je, résolu à la défendre coûte que coûte.

— De rien, vraiment ? Le soir du mariage de Véra, tout le monde vous a vus danser de manière rapprochée, indécente. J'avais honte pour vous.

— Heather...commença Rosalind.

Son bras se tendit vers sa fille avant de retomber avec lassitude, puis elle reprit :

— Mon union avec ton père est malheureuse. Tu ne peux pas me reprocher d'avoir cherché un peu de consolation.

Ces derniers mots me remplirent d'amertume. Était-ce tout ce que je représentais pour elle ? Un consolateur ? Je me raccrochai à ce moment d'ivresse, si bref et si intense, déjà englouti dans le passé. La réplique d'Heather claqua comme un fouet :

— Auprès de ton jeune neveu ? C'est presque un inceste. Mon père est un être odieux, mais je refuse qu'il soit bafoué de la sorte.

Rosalind eut un haut-le-corps indigné.

— Je n'ai jamais trahi mon serment de mariage. Walter et moi nous disions au revoir. Il part s'installer dans le Leicestershire.

Ces paroles signaient la fin mes espoirs. Après m'avoir fait entrevoir le paradis, Rosalind me replongeait en enfer : l'enfer d'une existence sans elle. Dans un même mouvement, Heather et lady Harriet tournèrent leurs yeux vers moi. Je ne pus qu'approuver, la mort dans l'âme, me demandant si les baisers échangés auraient eu le pouvoir d'infléchir la décision de Rosalind. Je ne le croyais pas. Elle avait réintégré son personnage d'épouse honnête avec une sorte de soulagement, me semblait-il.

KENSINGTON ROADWhere stories live. Discover now