Partie 15 : le début de l'aventure

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Mais le soleil tape fort pour les petits Techs, leurs pieds nus les ralentissent, et, avec la nuit de cauchemar qu'ils ont passé, la fatigue a largement sapé leur enthousiasme. Ce n'est donc pas avec joie qu'ils accueillent la vision du ruban d'asphalte et de ses barrières techs électrisées, mais avec un simple soupir de soulagement à l'idée d'avoir fait le plus dur dans une journée qui s'annonce malgré tout exténuante.

On fait du stop ? propose 4.

Pas sur une autoroute rappelle 3.

Sans rien dire, 5 fixe le flot de voitures du regard. Elle est fatiguée, la peur d'être rattrapée par les soldats ne l'a pas quittée, et il n'est pas question de laisser qui que ce soit la priver d'entrer enfin dans le monde dont elle a toujours rêvé. Les humains qui circulent sont incroyablement nombreux et elle voit passer plus de voitures qu'elle n'a connu de personnes de sa vie entière. Ils n'ont aucun droit de lui refuser de l'aide. Elle est née pour les protéger de tous les dangers, de tous les méchants qui pourraient les menacer, eux, le grand public qui doit rester dans l'ignorance pour son propre confort et sa sécurité, et c'est à cause de cette mission qu'elle et les siens ont été pris pour cible. Non, aucun de ces humains n'a intérêt à leur mettre des bâtons dans les roues.

5 sent les ordinateurs de bord tech de chaque voiture, elle sent les fils du Réseau enterrés sous leurs pieds. C'est une autoroute automatique où seuls les véhicules techs sont autorisés. Ils sont pris en charge par les IA afin de supprimer les accidents et d'éviter aux conducteurs de se soucier de quoi que ce soit durant le trajet. 5 n'aurait aucun mal à en arrêter une.

« Pourquoi je ne le ferais pas ? demande-t-elle à voix basse, plus pour elle-même que pour les autres.

— Parce que le conducteur risque de ne pas apprécier, répond 3.

— Qu'est-ce qu'on fait alors ?

— On est des enfants. Si on demande de l'aide, on nous aidera. Normalement.

— Mais il faut au moins qu'on entre dans la ville, dit 4. Moi je suis d'accord pour qu'on attrape une voiture.

— Ils peuvent nous mettre en prison, réplique 3.

— Seulement s'ils nous retrouvent. » conclut 5.

Ses yeux brillent, ce plan lui plait beaucoup. 4 et 5 prennent chacun une main de 3 pour se connecter mentalement plus facilement avec elle, à eux trois ils décident de ce qu'ils vont faire ensuite sans perdre de temps à passer par les mots, et pour une fois 3 se laisse convaincre sans trop de réticence.

Ils se remettent en route en essayant d'ignorer la douleur de leurs jambes et leurs pieds. La marche est plus facile à présent : les chemins sont tracés entre les champs pour les différentes machines automatiques, lentes et peu maniables, qui exigent des routes parfaitement lisses et plates. Les enfants dévorent le paysage de plus en plus vert des yeux. Il leur faut moins d'une heure pour trouver une aire de repos. 5 se glisse mentalement dans le circuit informatique pour qu'ils puissent traverser la barrière électrifiée sans dommages. Ces quelques secondes hors de son corps lui suffisent pour sentir la puissante attraction du Réseau mondial. Elle parvient tout juste à rester concentrée sur le monde matériel. Les soldats sont sans doute à leurs trousses et tout va se jouer maintenant. Les trois enfants se faufilent jusqu'au parking.

De nombreuses voitures sont garées là, certaines antiques dont seul l'ordinateur est composé de matière tech, d'autres plus modernes dotées de pièces tech — le plus souvent de pneus techs increvables — et l'une d'entre elles les attire tous les trois comme un aimant. Elle est presque totalement réalisée en tech. La carrosserie tech bourrée de capteurs divers a autant de sensibilité qu'une peau humaine.

JE VEUX PRENDRE CELLE-LÀ !!!! hurle mentalement 4. 5 n'est pas loin de trépigner elle aussi pour monter dans cette voiture. Moins sensible à l'attrait d'un tel engin, 3 les tire par le col de leurs pyjamas pour qu'ils ne se plaquent pas d'une façon suspecte sur la voiture. Déjà, les quelques passants les regardent bizarrement.

« Ils vont nous repérer ! gronde-t-elle.

— N'importe quoi, répond 5. On n'a qu'à entrer, même les serrures sont en techs ! On entre et si le type ne va pas dans une ville c'est moi qui conduis !

3 regarde autour d'elle. On leur jette de rapides coups d'œil au passage, mais personne ne s'arrête. Pour l'instant. Autant monter – le plus naturellement possible, bien sûr.

— C'est bon, cachons-nous dedans. »

Pas besoin de le dire deux fois aux petits Techs qui se précipitent à l'intérieur. Ils s'installent tous les trois sur l'énorme banquette arrière et règlent le chauffage presque machinalement. Il y a un frigo et un minibar dans la voiture que 5 s'apprête à ouvrir quand 3 l'arrête :

« Non, ça serait du vol.

— On s'en fiche !

— Les professeurs disent que c'est mal. »

5 referme la bouche et ravale sa réplique. Même si à son avis le propriétaire d'une voiture aussi luxueuse n'est pas à un paquet de chips près, si les professeurs disent que c'est mal, ce n'est pas à remettre en question. Pas devant 3. Pas aujourd'hui. 4 et 5 eux aussi souffrent d'avoir perdu leur maison et leurs parents, mais cette émotion est masquée par la nouveauté de ce qui les entoure, par la sensation grisante de l'aventure. Ils sentent bien que pour 3 la tristesse est bien plus poignante et ne s'éloigne jamais beaucoup.

5 n'ose pas essayer de la réconforter. Elle ne veut pas penser à tout ça, elle ne veut pas pleurer. 4 pose son bras sur les épaules de 3. Quand elle lui lance un regard interrogateur il se met à bavarder, sur ce qu'ils ont vu, sur ce qu'ils pourraient faire, tout et n'importe quoi qui l'oblige à penser à autre chose. Ça marche un peu.


Les Techs - Tome 1 : les secrets du LaboratoireWhere stories live. Discover now