Partie 9 : avancées

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Puis, en devenant adulte, 1 a ressenti cette peur, 2 aussi, et ils savent que 3 est en train de se poser la question, l'horrible question : est-ce qu'on les aime ? Ou est-ce qu'on veille à ce que les si précieux nouveaux humains grandissent dans un cadre épanouissant, comme on installe un environnement artificiel à une plante poussant à l'intérieur ? Les Techs ont tous appris que les humains ont besoin d'une famille et d'un groupe d'appartenance pour grandir sainement. Alors voilà. On les a entourés d'affection parce que c'était un sacrifice au nom de la science.

Non. Pas question. Pour tous ces gens qu'ils appelaient par leurs prénoms, à qui ils racontaient leurs rêves et leurs peurs, avec qui ils jouaient, qui leur disaient d'être courageux devant les piqûres, qui leur apprenaient les mathématiques et les rapports sociaux, Linda qui leur donnait du chocolat en douce et Mike qui leur a appris à jouer au poker, et tout le monde qui était gentil avec eux, toute leur vie, ça n'était pas un mensonge.

Ça ne pouvait pas être un mensonge.

C'est une autre femme - Rasdanic, Jessica Rasdanic, qui préparait les repas et apprenait des comptines de son enfance aux plus petits - qui rompt le silence en disant :

« On essaye simplement de se répartir les tâches. Vous êtes les seuls à pouvoir protéger le laboratoire, il faut le faire. Nous, on s'occupe de retrouver les professeurs et de chasser ces malades. L'essentiel, c'est de tenir bon le temps que les secours arrivent. Allez, les enfants. On a besoin de vous. Ne les laissez pas détruire ce que les professeurs ont passé leur vie à construire. »

1 et 2 approuvent. Savoir pourquoi réellement tout le monde prenait soin d'eux est une question importante mais qui n'a pas sa place ici. Ils s'occupent d'eux, point. Et les Tech obéissent, puisque c'est ainsi que fonctionne le monde et qu'ils sont même soulagés de voir un semblant d'ordre revenir dans ce chaos. Même s'ils ont l'intention de garder les yeux ouverts. Les adultes ne sont pas infaillibles, c'est la dure leçon des morts de la salle de surveillance, et la leçon est apprise.



3

3 détient le pouvoir de vie et de mort sur ses deux otages. Elle devrait se sentir mieux que lorsque c'était elle qui était en leur pouvoir. Et pourtant non, la responsabilité qu'elle a maintenant sur les épaules lui donne l'impression horrible et tenace de faire la plus monstrueuse bêtise de toute sa vie, une bêtise qu'elle paiera au prix le plus fort.

Elle interroge ses anciens geôliers :

« Où sont les Professeurs Milley et Stones ?

Les deux hommes échangent un regard. Celui qui a encore ses deux mains crache par terre, l'autre se contente de la regarder haineusement. Aucun des deux ne répond.

3 tire un coup en l'air à quelques centimètres au-dessus de la tête du premier. Elle ressemble à n'importe quelle petite fille réveillée en pleine nuit par un cauchemar. Elle ne montre ni colère ni peur, juste de la fatigue. La nuit empêche de voir son regard totalement inflexible.

Elle demande encore d'une voix polie :

- Où sont-ils ?

- Écoute petite, il y a tous nos copains dans le coin qui ne vont pas tarder à venir te prendre ton jouet, alors tu ferais mieux de le poser gentiment avant de te prendre une balle.

- Je veux savoir où ils sont. Le reste je m'en fiche.

C'est vrai. Pour le moment, 3 ne se soucie pas de sa propre sécurité. Ses prisonniers ne sont pas prêts à collaborer et elle ne sait pas comment les y forcer, alors elle leur dit d'avancer et les suit, le fusil braqué vers leurs jambes. Elle ne sait pas exactement où elle va. Vers la lumière et les groupes, à peu près. Son instinct lui dit que des gens aussi importants que les professeurs sont forcément gardés là où ce sera le plus dur de les délivrer.

Au bout de quelques pas, celui qui est blessé à la main dit :

- Je pisse le sang, si on continue je vais crever.

3 réfléchit quelques secondes, puis répond :

- Faites-vous un garrot avec votre ceinture.

- Mais ma putain de main va crever !

- Je crois bien que c'est elle ou vous. Désolée. »

Silence choqué de l'homme. 3 n'est pas désolée pour la main. Elle est contente de s'être sauvée par ses propres moyens et est sûre que personne ne lui fera aucun reproche pour une simple main. Elle n'est d'ailleurs pas désolée du tout. Le petit mot est sorti tout seul, un réflexe d'éducation, comme le vouvoiement. Elle croyait que les combattants utilisaient un langage spécial entre eux, quelque chose qui exprime le fait qu'ils se détestent au point de se tuer, des injures entre chaque mot, quelque chose comme ça. 3 trouve étrange que ce ne soit pas le cas.

Le soldat a pris un élastique dans sa poche et l'a mis autour de son poignet. Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux pour faire un garrot, mais il ne mourra pas, pas tout de suite du moins, et c'est tout ce qui intéresse 3. Ce qu'il fera par la suite avec ce qu'il lui reste de main sera forcément mieux que de prendre des armes à feu pour aller tuer des gens qui n'ont rien demandé à personne.

Les Techs - Tome 1 : les secrets du LaboratoireDonde viven las historias. Descúbrelo ahora