Chapitre 4 - This is the end

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- Jin, je suis désolé.
- Attends, mais tu peux pas. Cinq jours ?!
- C'est une opportunité de me démarquer des autres. On m'a proposé le projet à moi. Je vais cinq jours en Chine et je reviens juste après.
- Pourquoi dès demain ? Demanda-t-il paniqué. J'peux pas prendre de congés.
- Non tu vas t'en sortir. J'fais pas comme toi. J'veux avancer dans ma vie professionnelle.
- Non mais...
- Attends, y a trois mois, t'as refusé un stage important. Accepte de partir cette fois. Ça tombe bien parce que je serai en Chine.

Jin se laissa retomber sur sa chaise. Il savait que ça arriverait un jour mais il voulait pas croire que ça arrivait maintenant.

- Kazu, j'me sens à peine mieux.
- Arrête, tu vas carrément mieux. On a réduit à une fois par jour et t'y penses moins.
- Ouais.
- Ben le médecin a dit que c'était dans ta tête. T'étais pas en période de rut. T'avais juste besoin qu'on calme ta libido.
- J'vais pas prendre des médicaments toute ma vie.
- Tu les diminues au fur et à mesure. Comme il t'a expliqué.

Jin souffla. Kazuya voyait bien qu'il était pas convaincu mais il avait quand même réussi à l'emmener voir un toubib. Pas qu'il aimait pas que Jin le demande sans arrêt, il aimait ça baiser avec lui mais il s'était mis à l'appeler au bureau. C'était son nouveau fantasme, l'amour par téléphone. Là, il avait dû trouver une solution. Y avait un truc qui clochait chez Jin et le doc qu'ils avaient été voir leur avait dit qu'il devait avoir une libido un peu trop active. Les médicaments avaient l'air de faire effet. Ca avait calmé son mec mais il avait toujours aussi peu confiance en lui.

- Je t'assure que tu vas survivre. Accepte d'aller à Okinawa.
- D'accord.

Putain, il flippait à mort. Il avait peur de faire une connerie. Il le sentait que ça allait mal tourner mais Kazuya avait cette confiance aveugle en lui qui le motivait. Il pouvait le faire maintenant, pour lui.

- Tu veux que je te mette une ceinture de chasteté ? Se moqua-t-il.
- Ouais ben j'voudrais bien. J'te jure que je vais pas sortir. J'vais m'cloîtrer dans ma chambre d'hôtel.
- Arrête, tu m'fous les boules, angoissa Kame.
- J't'aime trop comme un malade pour faire une connerie.

Kazuya le regarda les yeux grands ouverts. Fallait y croire à ce qu'il venait de lui dire. Il savait pas si l'autre s'était rendu compte de ce qu'il venait de lui avouer. Il allait vraiment finir par lui foutre les boules, il savait pas s'il s'en rendait compte. Il était passé d'un extrême à l'autre en si peu de temps qu'il était perdu. Jin avait trop changé d'un coup et des fois, il ne le reconnaissait plus. Y avait plus de bagarres, il luttait plus quand il disait un truc de travers. Ses médicaments ça devait influencer aussi sur son cerveau, c'était peut-être dangereux en fait.

- Faudra essayer d'arrêter complètement quand je reviendrai, ok ?
- Pourquoi ? Tu me préfères en rut ?
- T'es con. Tu vas pas passer ta vie avec des médicaments et puis s'il le faut je me sacrifie pour te satisfaire.
- Quel noble sacrifice. Je croyais ça craignait que je t'appelle.
- Ben ouais ça craint un peu mais je préfère ça à la rigueur qu'à...

Kazuya cherchait ses mots. Il voulait lui dire quelque chose ça se voyait mais il bloquait. Il le sentait qu'il avait changé mais il pensait pas que ça pouvait influencer leur couple. Il avait encore cette impression de lui en faire baver à être instable. Il avait trouvé des mots pour ses émotions qui le torturaient et il avait peur d'éloigner Kazuya avec.

- Qu'à quoi ? Tu me trouves mou ? J'suis plus bon pieu ? S'inquiéta-t-il.
- Ben non aucun rapport. C'est juste que je trouve que t'as moins de peps. Des fois, t'es limite passif et t'as des moments d'absence devant la télé.

Ça le faisait chier de lui dire ça alors qu'il faisait tant d'efforts. Mais il aimait le Jin corrosif aux répliques assassines qui lui foutait sur la gueule pour avoir le dernier mot. C'était à ça qu'il était accro lui. Mais depuis qu'il prenait les médicaments c'était ennuyeux. Ça calmait trop son mec les trucs que le doc lui avait refourgué.

- On devrait en reparler quand je rentrerai, ok ?
- Si tu veux.

La discussion avait été conclue là-dessus. Jin ne se sentait plus en phase avec Kazuya, et il voulait pas que ça arrive. Mais pendant son absence, il avait multiplié les doses de ses médicaments pour pas être tenté. Il était allé à ce stage, il était resté dans sa chambre, il avait angoissé comme un malade. Il allait finir par croire qu'il allait devenir paranoïaque. Il avait pas Kazuya assez souvent au téléphone pour le rassurer, il s'imaginait des trucs louches, que Kazuya profitait de son séjour pour se taper des chinois. Il devenait carrément dingue. Alors au bout de trois jours, il avait complètement arrêté de prendre ses médicaments. Il avait plus que deux jours à attendre. Encore un jour à Okinawa et Maru lui avait donné son week-end. Deux jours et Kazuya rentrerait.

Cinq jours, c'était vraiment long quand on avait Jin comme mec. Il était carrément en manque. C'était brutal que du jour au lendemain, il ne puisse plus le toucher, le caresser, l'embrasser... Il en avait des frissons rien que d'y penser. Jin lui avait dit qu'il avait stoppé les médocs parce que ça le rendait parano. Il espérait juste que sa libido se soit pas réveillée d'un coup mais en fait il attendait que ça. Qu'il lui saute dessus dès qu'il rentre. Jin était en week-end et lui aussi. Ils allaient pouvoir en profiter. Quand le taxi le déposa chez lui, il courut dans les escaliers avec sa valise plutôt que de prendre l'ascenseur.

Jin entendit la porte d'entrée et ouvrit lentement les yeux. Il savait plus où il était. Quand il était rentré d'Okinawa, il était grave en manque. C'est quand il sentit quelqu'un bouger à côté qu'il se rappela de sa soirée. Il en avait chopé un au bar, un à la boîte de nuit mais là... il se rappelait même pas l'avoir ramené ici. Il se mit à paniquer et bouscula l'autre pour qu'il se réveille. Il mit sa main sur sa bouche pour qu'il se la ferme et lui fit signe de pas faire de bruit. Son invité surprise compris vite la situation, ça devait pas être la première fois. Jin enfila son bas de jogging et rejoignit tout de suite Kazuya qui laissait tomber ses affaires dans l'entrée. Il prit une grande inspiration et pour qu'il sente pas que quelque chose clochait, il l'embrassa direct.

Kazuya se laissa emporter. C'était ça qu'il attendait depuis qu'il était parti. Jin lui avait manqué et il se dit que c'était juste impossible qu'il reparte autant de temps sans l'emmener la prochaine fois. Il se fit attirer dans le salon et jeter dans le canapé. Il avait faim de lui, retrouver ses lèvres, c'était tellement bon. Mais pas question de se laisser faire quand le brun lui grimpa dessus. Il tenta de prendre les rennes mais ils tombèrent sur le parquet. Pas grave, Jin avait amorti la chute. Il emprisonnait avec envie ses lèvres, il les malmenait, il voulait le sentir contre lui. Mais quand il releva la tête juste deux secondes pour respirer, il vit quelqu'un dans le miroir juste en face de lui qui mettait ses godasses pour se barrer. Il se releva pour courir dans l'entrée mais l'autre était déjà plus là et Jin l'avait retenu. Il se retourna et son poing parti tout seul. Puis, il se laissa aller, un deuxième coup, un troisième. Ça le soulageait et l'autre se défendait même pas.

- Comment... Comment t'as pu faire ça putain ?! Chez nous ! Dans notre lit bordel !
- Attends, Kazu...
- Nan ! Dégages ! Dégages d'ici ! Espèce d'enfoiré ! Connard ! Juste cinq jours putain ! Mais comment t'as pu faire ça ?!

Il ponctuait ses insultes de coups mais Jin bougeait pas. Il voulait pas partir. Il avait pas pu se contrôler. Jamais il avait réussi à le faire. Il était en fait incapable de quoi que se soit seul et il s'en rendait compte aujourd'hui mais c'était trop tard.

- Sors putain ! Dégage ! Barre-toi d'ici ! Barre-toi ! J'veux plus t'voir ! C'est fini !

Il avait trop la rage. Il lui avait fait confiance et il avait même pas pu tenir quelques jours. Il lui répétait souvent «je t'aime» et aujourd'hui ça lui donnait envie de gerber. S'il voulait qu'il le déteste, c'était gagné, il le haïssait. Il le conduisit lui-même dans l'entrée quand le brun sortit de sa torpeur et tenta de rester alors qu'il avait ouvert la porte. Il voulait qu'il disparaisse, il voulait plus le voir, il se sentait trahi, il avait mal. Il lui donna encore des coups jusqu'à ce qu'il plie et ferma la porte à clé derrière lui. Il se réfugia dans la salle de bain en l'entendant cogner contre la porte en appelant son prénom. Cette fois, il n'avait plus la force de continuer, il était prêt à le laisser partir. 


*

Ça s'était passé encore plus mal après. Comme une descente aux enfers. Il lui avait permis de prendre ses affaires. Il était parti le temps qu'il les rassemble. Il aurait voulu rester pour discuter mais tout jouait contre lui. Comment il pouvait justifier ses actes alors qu'il les comprenait pas lui-même. Il venait de tout foutre en l'air, il lui restait que les marques de ses coups qu'il n'avait pas su lui rendre. Il le savait depuis le début que ça tournerait mal mais il était tombé amoureux quand même. Il l'aimait à en crever, c'était pour ça qu'il préférait s'éloigner, pour pas lui refaire de mal.

Changer de vie. C'est ce qu'il avait décidé. Il avait quitté l'appartement pour en prendre un plus petit de l'autre côté de la ville. Il voulait pas retourner aux endroits qu'ils avaient fréquenté. Il était pas prêt et il sentait qu'il serait pas prêt avant un long moment. Il s'était acharné à leur construire quelque chose et Jin l'avait brisé d'un seul coup. Il avait vraiment un problème mais il avait pas pu l'aider et il en avait plus la force.

*

Il draguait dans la même boîte depuis plus d'un mois. Il avait pas tenu plus d'une semaine sans sortir. Y avait du laisser aller dans son taff, il cherchait du plaisir partout où il pouvait. Il était perdu mais il cherchait plus de solution. Pour lui la vie était une chienne, elle était foutue. Alors il était retourné à son ancien quotidien parce que ça le rassurait. Il avait l'impression de reprendre confiance en lui mais en fait il s'enlisait. Ce soir-là, il avait repéré ce type qui buvait tout seul mais qui avait un tel charisme qu'il fallait qu'il se le fasse. Après l'avoir jaugé plusieurs minutes, il s'avança comme un prédateur. Puis il fut bloqué. Un brun venait de l'attraper par le poignet pour le retenir. C'était ni son genre ni dans la tranche d'âge où il tapait d'habitude. Il essaya de se défaire de son emprise mais l'autre voulait pas le lâcher.

- Qu'est-ce que tu me veux ?
- Qu'on discute.
- J'ai une tronche à avoir envie de discuter ?
- Non t'as la tronche de quelqu'un de paumé qu'à juste envie de tirer son coup. C'est pour ça que je veux qu'on discute.
- Va te faite foutre !
- Plus tard. Viens discuter dans un endroit plus calme.
- Non ! Lâche-moi, ok ? Lui dit-il plus menaçant.

L'autre le lâcha. S'il venait le chercher, il allait le trouver, il pouvait en être certain.

Mais tous les soirs suivants, il vint le saouler pour qu'il le suive jusqu'à ce qu'il cède. Ils se regardaient dans le blanc des yeux depuis plusieurs minutes devant son café. L'autre avait pris un thé. Il se disait que s'il venait après il lui lâcherait la grappe.

- Je t'ai observé un moment, commença l'autre. Moi, c'est Takuya. Je travaille dans un centre qui aide les personnes dépendantes. Que ce soit pour l'alcool, la drogue ou... le sexe.

Jin souffla d'agacement et se leva pour se barrer. Il était venu le gaver. Il faisait sûrement partie d'une secte.

- Attends, l'interpella-t-il pour le retenir. Écoute-moi jusqu'au bout. Ça te coûte rien non ?

Jin se retourna vers lui en soupirant, les sourcils froncés. Bien sûr que ça lui coûtait. Le temps qu'il passait pas là, c'était des chances en moins de pouvoir serrer. Il était devenu insatiable là-dessus et il le faisait autant qu'il pouvait avant d'aller travailler. Il se rassit avec la plus mauvaise volonté mais il se disait que s'il le supportait jusqu'au bout, il lui foutrait la paix après.

- Tu sais le sexe et particulièrement l'orgasme libèrent une substance qu'on appelle l'endorphine. C'est une drogue naturelle qui donne la sensation de planer. Tu te sens bien quand tu as ta dose. Mais chez certaines personnes, cette dose devient de plus en plus nécessaire, c'est jamais assez. Tu penses à ça toute la journée, t'as cette impression de manque. Je sais ce que ça fait, je suis passé par là. Aujourd'hui je m'occupe de personnes qui sont dans ce cas. J'ai des ateliers en centre ville, j'aimerais vraiment que tu passes là-bas. Je ne te demande pas de participer, juste de venir voir, d'écouter des témoignages.

Hurt MeWhere stories live. Discover now