Prologue

5.8K 387 60
                                    

Coucou tout le monde !!! Me voilà avec une nouvelle dystopie. N'hésitez pas à me faire part de vos impressions et à me corriger. Besooooos


Banlieue parisienne, année 2043.

L'homme respire difficilement, partageant son temps entre état de conscience et coma nébuleux. Un bip sonore retentit, signe que sa vie s'achève. Seule la présence de machines le maintient encore sur cette terre.

Pourtant, il doit trouver la force d'accomplir une dernière tâche. Il entrouvre difficilement les yeux et observe la pièce sans âme dans laquelle il abandonnera son dernier soupir. La douleur, lancinante, aigüe, insupportable, ne prend jamais congé. Elle lui coupe littéralement le souffle, mais pourquoi se plaindrait-il ? Il mérite ce qui lui arrive. La maladie l'a rongé jusqu'à ce qu'il ne reste de lui qu'un amas de peau et d'os pourris et fragiles. Il penche son visage émacié sur le côté pour apercevoir la personne qui lui tient fermement la main. Emma, sa fille.

Elle paraît si proche de lui et si loin à la fois. L'homme se sent déjà fantôme. Il tente d'articuler quelques mots, mais ses premiers essais se soldent par des échecs cuisants.

– Victor... parvient-il à souffler dans un murmure.

Sa voix, autrefois si grave et imposante n'est plus qu'un faible râle semblable à l'écho léger du vent. Emma relève brusquement la tête. Ses yeux sont rougis et bouffis. L'homme ne comprend pas comment et pourquoi elle éprouve de la peine pour lui.

Il n'a jamais été un père pour elle. Trop d'absences, trop d'anniversaires manqués, trop de déceptions répétées.

– Papa ? chuchote-t-elle.

Ses yeux bleus sont grands ouverts dans une expression de surprise intense. L'homme n'est pas encore mort, mais le temps presse. Il sent la vie l'abandonner de secondes en secondes.

– Victor... Amène-moi Victor... murmure-t-il au prix d'un effort surhumain.

L'expression stupéfaite d'Emma s'intensifie encore. Elle paraît complètement perdue et démunie.

– Papa, parle-moi... tente-t-elle en sanglotant.

L'homme sait ce qu'elle attend de lui exactement, les mots doux qu'il serait d'usage pour un père de confier à sa fille, élucubrations destinées à lui octroyer une chance de ne pas le détester même dans la mort. Malheureusement il lui est impossible de lui donner ce qu'elle demande.

– Victor, crie-t-il à bout de force.

La jeune femme sursaute. L'écho de sa voix pèse lourd face au silence qui régnait quelques instants plus tôt. Il entend le bruit des machines s'affoler. Ce qu'il reste de son énergie le quitte comme du sang s'échappant d'une plaie ouverte.

Il répète le prénom de son petit-fils plusieurs fois dans un ultime espoir tandis que ses yeux se ferment doucement. Un raclement de chaise, une porte qui s'ouvre, le silence.

Bienfaiteur.

Puis des pas précipités. Une main chaude et calleuse se glisse dans la sienne.

Victor.

Les paupières de l'homme tressautent tandis qu'il les soulève sur celui en qui il place tous ses espoirs.

– Dans ma chambre. La trappe sous le tapis sur lequel repose le piano familial. Tu y trouveras un petit coffre.

L'homme avale une bouffée d'air, déglutit avec difficulté. Cherche son souffle pour continuer. Les yeux noirs comme la nuit de Victor le sondent en proie au doute. Le malade sait que son petit-fils le soupçonne de démence et il en a toutes les raisons. Mais il sait aussi que le jeune homme est curieux. Il ira vérifier ses dires.

– Prends-le et cache-le. Tu y trouveras tout ce que tu dois savoir dedans, mais ne les laisse pas s'en emparer, ne les...

Une violente quinte de toux le secoue, l'empêchant de poursuivre. L'homme espère secrètement qu'il n'est pas trop tard. Qu'ils n'ont pas encore compris qui est celui qui a osé voler le précieux coffre, que Victor comprendra et auras le temps de s'enfuir avec.

Il fixe le beau visage de l'adolescent qui semble détaché et méfiant. Le malade sait qu'il subira probablement un sort semblable au sien très bientôt. Ils le subiront tous, mais ils ne s'en doutent pas encore. À moins que...

Personne ne comprend encore l'étendu des dégâts que causera l'erreur d'une poignée d'hommes.

Son erreur.

Une larme paresseuse et bientôt orpheline glisse le long de sa joue creusée.

À cause de lui et de sa vanité, ils sont tous condamnés.

À cause de lui et de sa stupidité, l'humanité telle qu'ils l'ont toujours connue va s'éteindre.

Tandis que sa vision se voile, que ses sens diminuent et qu'une douce paralysie enveloppe son corps, éloignant la douleur, la réduisant à l'état de souvenir, une dernière pensée l'occupe: avec un peu de chance, cette bonne action pèsera en sa faveur lors du jugement divin, si proche de lui à présent.

Si tant est qu'un foutu dieu existe réellement quelque part.

Ultra (sous contrat d'édition)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora