Flash Forward:Charlie.

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4 décembre 1916.


Le froid dehors était polaire,le ciel noir en était alors presque violet,les arbres étaient totalement décharnés,comme un petit tableau décoratif dans une isba,qu'on adapterait aux yeux des saisons.On ne sait si c'était un froid très saisissant ou une peinture incroyablement réussie.Un triangle dans cette plaine balayée par le gel et les traînées de neige se formait entre une église orthodoxe,le village qui résistait à l'adversité et qui continuait sa vie culturelle en toute illégalité,et la demeure noble à quelques kilomètres de tout ça,où est-ce que j'allais bien pouvoir donner naissance au milieu de tout ça?

Cette famille noble m'avait trouvée,sur leurs terres,ils avaient vu que j'étais enceinte.C'est donc chez eux que j'ai accouché,dans ce salon curieusement violet et gris,dans ce château de conte noir,parce qu'ils avaient besoin d'une nourrice et qu'ils ne trouvaient personne.J'ai tenté d'expliquer que ma mère n'en avait pas eu besoin et ce malgré son rang.Ce à quoi on me répondit par un discours sur les valeurs qui disparaissent,tu m'étonnes,toute société du point de vue de la classe dominante sera toujours la meilleure,tu m'étonnes.Je n'avais aucune idée de ce qui était arrivée à ma mère entre temps,du moins sur le moment,alors c'est moi qui ai commencé à me confier à ma mère,après m'être réfugiée de longues heures dans ses bras à pleurer sans comprendre comment j'en étais arrivée là.

Je ne comprenais pas non plus comment j'en étais arrivé là,alors que je devais accoucher dans la neige à deux pas de la maison,fuyant pour me retrouver clouée au sol à peine ma chute commencée,par les douleurs de l'enfantement,ça y est le travail a déjà commencé.Il suffisait simplement de m'allonger dans la neige et de soulever mes jupons.Je les entendais déjà courir derrière moi,il ne fallait surtout pas qu'ils me perdent.

-Il faut peut-être te ramener à l'intérieur,non?

Le ton de Martin visait à dédramatiser la situation,clairement.

-Laisse,ce n'est rien,ai-je fait en saisissant sa main.

-Tu peux me mordre si tu veux.

-Il faut qu'il accouche dans le froid,tu comprends?Il le fallait.C'est mon enfant il héritera de mes pouvoirs.

-Là c'est stupide par contre,c'est qu'un bébé,tu réalises ça,a fait le père de famille en se penchant sur moi

-Il faut qu'on leur dise tu crois?

-Allez chercher ma mère!

-Ta mère?Seigneur,où veux-tu qu'elle soit?

-Dans le village!

J'avais prononcé le mot villâââge.

-Elle  y vit?

J'avais encore mes jupons,et mal.Peut-être voulaient ils simplement adopter mon enfant,pour lui offrir une meilleure éducation,mais n'avaient ils pas déjà suffisamment de travail avec un seul petit?On l'avait soulevée avec une grande délicatesse,les mains délicatement en soucoupe,en position d'accueil,pendant que je voyais la neige tournoyait dans ce ciel violet,tombant en neige sur mes cils,un froid si vivifiant que j'en oubliais la douleur.Une mare gelée s'était formée sous les semelles trouées de mes chaussures et traversaient le coton de mes chaussettes,mon cul blanc sur un manteau.

-Si tu perds conscience j'y arriverai pas pas tout seul,me criait Martin.

J'allais avoir un enfant si vite,comme le temps passe vite!J'étais déjà mère,un engagement à vie autrement plus important que le mariage.Plop,plop,semblait faire ce foetus en moi.Un bébé tout maigre avec de grands yeux bleus inexpressifs ,c'était si long qu'il faisait déjà nuit violette.A peine j'ai tenté de relever la colonne vertébrale pour voir cet enfant,que celle-ci retomba immédiatement sur le sol.Ils allaient choisir le prénom sans moi là.


Ania.Where stories live. Discover now