Fin de séjour

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Bérengère préparait ses bagages depuis quatre heures du matin. Elle avait eu du mal à dormir. Son arthrite la faisait souffrir et ce n'est pas ce voyage et l'accueil plutôt froid de la famille qui allaient arranger les choses.

Elle était tout de même fière de s'être un peu rapprochée de Cédric même si ce dernier ne lui avait manifesté aucun signe de son côté.

Quel choc de le revoir après tant d'années. Elle avait oublié son regard. La dernière image qu'elle avait conservée de lui était ce petit visage rose d'enfant de trois ans. Retrouver un adulte fut un des vertiges les plus troublants de sa vie.

Après son départ, la veille, elle était restée assise sur le bout de son lit à pleurer en silence. Il y avait dans cette attitude un peu de regret qui la rattrapait. Elle avait tout fait pour oublier cet épisode de sa vie, mais n'en était pas vraiment fière. Elle était même surprise qu'on ne l'ait pas littéralement crucifiée sur place, surtout lorsque les membres de la famille de Georges ont appris cette terrible nouvelle qui brisait leur lien avec Cédric de façon assez abrupte.

Elle jugeait que Georges avait tout de même fait preuve d'un très grand cœur lorsqu'il s'agissait de sa famille, même après avoir appris que l'enfant qu'elle avait introduit dans leur vie n'était pas le sien. Elle avait été choquée, certes, d'apprendre que Georges lui avait réservé une telle surprise à son tour, mais elle saluait maintenant sa bonne volonté de remettre les choses à leur place pour que tous soient satisfaits. Il avait probablement prévu qu'elle serait désarçonnée par une telle demande d'argent, mais il ignorait tout de sa vie et de sa situation financière.

Elle se demandait, alors qu'elle faisait un dernier tour de la chambre, si Cédric allait vraiment tenter de retrouver son véritable père. Peut-être qu'il serait satisfait de connaître son nom et que le notaire Magnan allait en tenir compte pour lui débloquer les fonds que lui réservait l'héritage de Georges. Elle aurait aimé apprendre à connaître cet enfant qui avait grandi en elle. Il était peut-être vraiment trop tard. Trop tard pour les regrets. Trop tard pour l'espoir d'un pardon.

Elle se sentait lasse et si loin de son bonheur. Elle avait contacté Antoine, le fils de Frédéric, afin de lui raconter ce qu'elle avait vu et entendu lors de son court séjour au Canada.

Antoine savait pour l'enfant qu'elle avait abandonné. Il ne l'avait pas jugée, mais leur relation avait changé depuis ce jour où elle le lui avait raconté. C'était peu de temps après qu'ils apprirent que Frédéric était atteint de cette maladie dégénérative qui le grugerait doucement jusqu'à la mort.

- Et je suppose que Cédric ne voudra plus vous revoir. Je ferais de même, vous le savez. Et Père vous tuerait s'il venait à apprendre une telle chose.

- Ne soit pas si dur avec moi, Antoine. J'ai longtemps regretté mon geste, mais il était trop tard pour retourner en arrière. Eh oui, Cédric ne veut plus rien savoir de moi, tu as raison sur ce point.

- Alors vous reprenez l'avion lundi soir ?

Elle lui expliquait qu'elle avait décidé de retourner en France trois jours plutôt que prévu. Elle était épuisée par ce mélodrame et elle voulait mettre des milliers de kilomètres entre elle et la famille Éthier au plus vite.

- Mon avion quitte Québec à 23 heures 45. Je t'appellerai à mon arrivée à Cannes Mandelieu, pour que tu viennes me chercher.

- J'ai bien hâte de vous revoir. J'ai des tas de choses à vous raconter. Je crois que Claire a enfin trouvé un amant. Quel soulagement !

Elle lui souhaita une bonne nuit et ricanait toute seule. Retrouver les cancans de cette banlieue, les grands appartements, les lourds silences de Fadette lors de ses visites de courtoisie, tout cela lui manquait même cela ne faisait que quelques jours qu'elle était au Québec.

Le silence des blés d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant