L'amour impossible

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Après avoir répondu à quelques questions avec les policiers qui étaient sur place, Cédric put retrouver sa voiture et il s'engagea sur le boulevard Notre-Dame en direction Est.

À peine sorti du centre-ville, une fois sur l'artère dégagée de ce grand boulevard urbain, il immobilisa l'automobile dans un terrain vague face au fleuve, car il fut pris d'un vertige. Une partie de sa vision se trouva obscurcie comme si la lumière autour de ses yeux s'éteignait graduellement.

Il coupa le contact et prit une bonne respiration. Il venait de constater qu'il respirait à peine depuis l'incident. L'adrénaline retombait et il réalisait que son geste, bien qu'héroïque, aurait peut-être pu lui coûter la vie. Alphonso était un être complexe aux sautes d'humeur qui ne donnaient pas de chance à ses interlocuteurs surtout si ces derniers lui avaient posé problème. Il se savait dans la mire du chef de ce gang et se comptait chanceux de s'être retrouvé au centre de la ville avec une forte probabilité d'avoir des policiers pour venir à sa rescousse. Il se félicitait d'avoir eu l'idée de composer le numéro du détective, et ce grâce à l'amabilité de Lefrançois.

Il se savait aussi très fortuné que le duo de criminels ait trimballé avec eux des armes et eut été aussi naïf pour se jeter dans la trappe préparée à la toute dernière minute par le service de police.

Tout ça lui revenait et il se sentait soudain immensément soulagé. Ce relâchement se faisait sentir et il porta ses mains tremblantes à son visage avant d'éclater en sanglots.

Quelqu'un frappa à la vitre de la portière. Il sursauta. Un homme en combinaison orange, coiffé d'un casque jaune, lui demanda de circuler. Un camion à benne tentait d'entrer sur le terrain. Cédric s'excusa, mais le type n'avait pas le temps pour les familiarités et lui fit signe de nouveau de quitter les lieux.

Il fit demi-tour et s'engagea de nouveau sur le boulevard, un peu soulagé de s'être laissé aller à ses émotions. Il roula encore une dizaine de minutes et se demanda s'il devait prévenir Bérengère de ce délai. Plus d'une heure et demie d'étaient écoulées depuis leur conversation. Il jeta un coup d'œil à l'horloge de bord et se dit qu'il avait amplement de temps pour se rendre à Québec et faire ses adieux à sa mère.

*

Couchée sur le dos, les yeux fermés, Chantal Pronovost revenait doucement à elle. Une douleur lui tordait le dos, à partir du milieu de celui-ci jusqu'à ses fesses. Elle se sentait flotter sur un radeau, perdu dans un océan de pensées folles et insensées. Depuis son réveil, il y avait eu de nombreuses personnes qui s'étaient présentées à son chevet. Elle avait simulé le sommeil, voulant éviter à tout prix de parler avec qui que ce soit de ce qui s'était produit la nuit d'avant.

Elle attendait Serge. Elle se demandait pourquoi il ne venait pas la retrouver pour la rassurer. Une vague de chagrin remontait en elle, depuis son sexe jusqu'à sa gorge. Elle se sentait le cœur écrasé par cet amour qui la subjuguait. Elle aurait voulu le crier à tout le monde, mais elle était certaine que personne ne l'entendrait ni ne la comprendrait.

Elle avait vu un policier discuter avec l'infirmier puis avec le docteur qui l'avait examinée. Une autre personne était passée, jetant de temps en temps un coup d'œil sur la femme couchée sur ce lit.

À son réveil, encore sous l'effet des puissants sédatifs qu'on lui avait administrés, elle avait tenté de soulever son bras droit au-dessus de sa tête. Un bruit métallique suivi d'un blocage lui indiqua qu'elle était menottée à l'un des côtés du lit. Elle se sentit insultée. Elle aurait aimé réclamer sa liberté, mais elle gardait le silence en se disant qu'elle trouverait bien un moyen d'échapper à la vigilance de ses geôliers dès que le moment sera propice. On ne pourrait la garder attachée ainsi, se disait-elle.

Le silence des blés d'orOù les histoires vivent. Découvrez maintenant