Partie 2 - Rêve d'un autre monde - Chapitre 2

Magsimula sa umpisa
                                    

Delaig, lui, ne semblait pas prêt à déposer les armes, trop satisfait qu'il dût être de trouver en ce couple une proie facile. Il considérait Kilian comme un être faible qui avait commis l'erreur de se métamorphoser en homme et, par extension, l'humaine qui partageait ses dons l'était aussi. La chitine de son visage dénué de trait refléta les lumières glauques de la salle lorsqu'il se pencha en avant, comme pour confier quelque secret au jeune ministre. Hélas, il n'eut pas l'occasion de proférer une autre insulte devant son audience tendue à l'extrême.

La porte s'ouvrit une nouvelle fois et une silhouette sombre remonta la salle jusqu'au dernier siège resté libre, au bout de la table et devant l'immense fenêtre ouverte sur le ciel étoilé et les tours vertigineuses du palais. Un frisson descendit le long de l'échine de certains lorsque le masque noir se tourna dans leur direction.

En dehors des Fomoires qui avaient assisté à l'affrontement entre Bres et le faux dieu, la majorité des personnes présentes dans la pièce n'avait jamais eu l'occasion de contempler le visage du Prophète. Cela les déstabilisait peut-être bien plus encore que de savoir que leur dieu leur parlait et les observait à travers lui. Cela, et le fait qu'il leur était impossible de décrypter ses émotions, de connaître l'impact de leurs paroles sur lui et, donc, d'anticiper ses réactions, ce qui ne le rendait que plus redoutable.

Ceux qui étaient là depuis longtemps se rappelaient qu'il n'en avait pas toujours été ainsi ; du moins sa voix laissait-elle alors transpirer ses sentiments, même si cela n'avait pas duré. Les effets de la Transfiguration, peut-être... Les plus fanatiques estimaient que son esprit avait été annihilé par la puissance de Bres et que son corps n'était plus qu'une coquille vide, un réceptacle pour leur dieu. L'ombre d'un humain, en somme, sacrifié pour une cause le dépassant.

— Comment l'un de nos temples a-t-il pu être désacralisé et son personnel massacré ? questionna-t-il d'une voix détachée, monocorde, à croire qu'il n'avait cure du désastre.

Tous les regards se tournèrent vers Kilian, certains attendant plus que d'autres de le voir trébucher et, finalement, trépasser. Mais le jeune Fomoire ne se laissa pas impressionner, du moins, ne le montra pas même si son assurance se trouvait tout à coup fragilisée par le masque qui l'observait.

— Grâce – si vous me permettez l'expression – à une triple défaillance dudit personnel de ce temple, du système de sécurité du bâtiment et de... notre armée.

Delaig émit un sifflement de mécontentement tandis que le Prophète joignait ses mains gantées devant son visage dans une attitude qui aurait pu paraître pensive.

— Notre armée ? répéta le ministre en agitant ses mandibules chitineuses. Je ne vois pas pour quelle raison.

— Silence.

L'ordre du Prophète ne recelait rien d'impérieux. On y distinguait même une certaine malice, dont il n'était sûrement pas l'auteur. Un présage aux souffrances qui pourraient s'ensuivre s'il ne laissait pas le jeune ministre exposer les résultats de son enquête.

Kilian perçut la volonté insidieuse de Bres derrière ce simple mot, tout comme n'importe lequel de ses semblables aurait perçu la sienne en Liwane s'il avait décidé de prendre le contrôle de son corps. Mais son don, bien plus fin que celui des autres, lui permettait aussi de ressentir toutes les nuances toxiques de l'essence du dieu là où ses semblables ne devaient voir que son incroyable magnificence. De la même façon, il savait qu'il restait une conscience dans son vaisseau humain, même si elle était, à son grand regret, abandonnée à son maître. En creusant plus, il lui aurait été possible d'entendre les échanges mentaux entre Bres et son esclave, mais il n'en fit rien, ne voulant pas courir le risque d'être détecté. Si son talent inné pour la télépathie était découvert, il serait exécuté sur-le-champ.

La princesse aux mille illusions (abandonné)Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon