Mammam-IA [Tesha Garisaki]

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La technologie ira-t-elle jusqu'à l'immortalité prédite par certains ? Survivrons-nous sous forme de simulations ? Dans cet univers où on ne repose plus en paix, notre protagoniste va découvrir pour son plus grand déplaisir que le conflit qui l'oppose à sa génitrice ne s'arrête pas avec le décès de cette dernière, et il va devoir trouver la parade qui protégera sa tranquillité d'esprit... Une nouvelle qui fait réfléchir après avoir souri.

Mammam-IA

La voix électronique de Dom-IA retentit dans la cuisine en lançant un Ding dong, les cookies sont prêêêêts ! enjoué, suivi d'un plus sobre Attention à votre cholestérol.

Assise à la table, Madame Boucaud posa le pad holo en gloussant. Elle regarda le représentant des entreprises Dom-IA, Inc. avec un air gourmand.

« Ça y est, les cookies sont prêts !

— C'est formidable », répondit son interlocuteur en riant nerveusement. Elle allait finir de le signer, ce contrat, oui ou merde ?

La petite vieille se leva et se traîna jusqu'au four. Elle prit deux maniques accrochées au mur sur des petits pitons, ouvrit la porte du four, en sortit la plaque en soufflant dessus – il crut la voir postillonner, fit semblant de n'avoir rien vu – posa la plaque sur le plan de travail, les déposa un à un sur une assiette couverte d'un napperon en papier orange fluo.

« Vous allez bien prendre un café et goûter ces petits biscuits ?

— Mais avec plaisir, madame Boucaud ! Comme c'est gentil ! J'en prendrais, des kilos, si j'étais aussi bien reçu dans toutes les maisons ! Que dirait ma femme ? »

Madame Boucaud gloussa encore, tout en extirpant du placard deux tasses blanches et les sous-tasses assorties. Elle attrapa la cafetière d'un bras tremblant et les remplit en en versant un peu sur les soucoupes. Elle ramena les tasses sur la table d'un mouvement si peu assuré que le commercial esquissa le geste de se lever pour l'aider avant qu'elle ne le rabroue d'un :

« Restez assis, mon petit. »

Sa tasse faillit se renverser quand elle la posa devant lui. Elle revint peu après avec l'assiette de cookies et la lui tendit.

« Servez-vous, servez-vous ! Ils sont tout chauds ! »

Il en prit un et manqua se brûler avec. Il le posa précipitamment sur la nappe en toile cirée et souffla discrètement sur le bout de ses doigts. Elle ajouta :

« C'est normal que je vous traite bien, qu'est-ce que je deviendrais sans vous... »

Il rit, faussement intimidé par tant de flatterie, et enchaîna :

« Oh, je vous en prie ! Mais c'est vrai que vous avez pris une très bonne décision. Ça fera la joie de votre fils, je n'en doute pas.

— Oh là là oui ! Il a toujours été incapable de se débrouiller tout seul. Ça a toujours été « les ordinateurs, les ordinateurs », mais aucun sens commun. Si je n'étais pas là pour lui dire quoi faire, il se laisserait complètement aller !

— C'est formidable. C'est exactement ce qu'il vous faut », dit-il en tapotant le pad. Le contrat holographique s'afficha de nouveau. « Il faut juste que vous posiez votre doigt ici pour l'empreinte et on s'occupera de tout, madame Boucaud. Voilà, ici. Voilà. On n'a plus qu'à manger ces délicieux cookies ! Il fait quoi, votre fils, dans la vie ? »

Six mois plus tard

« ... je n'oublierai jamais les vacances que je passais chez toi, tatie Chantal. J'en garde des souvenirs mémorables. Je n'oublierai jamais tes cookies non plus. J'ai perdu plusieurs dents de lait en les mangeant, ça a fait de moi un homme. Tu vas me manquer, tatie ! Rah lala ! »

Mort(s)Where stories live. Discover now