La piscine de ses rêves

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Cette nuit, elle a rêvé que la maison était enveloppée d'un manteau de nuit qui l'obstruait, bloquait toutes les issues. Elle n'était pas inquiète. Le monde extérieur s'était refermé sur le lieu qui abritait la piscine.

Et elle s'était enfin animée.

Wendie plongeait dans l'eau lumineuse depuis le plongeoir blanc et nageait de nuit d'un bout à l'autre, longueur après longueur. Quand elle mettait la tête sous l'eau, une impression étrange la tenaillait. La piscine chuchotait des choses qu'elle n'arrivait pas à saisir. Elle continuait de nager en écoutant de temps à autre les bruits curieux qui émanaient de la profondeur du bassin.

L'eau murmurait de plus en plus fort dans ses oreilles immergées, à tel point qu'en revenant à la surface, elle avait peur de passer à côté de quelque chose d'essentiel.

Elle constatait en regardant en bas que l'eau était devenue noire. Plus de fond turquoise qui réfléchissait la lumière : la piscine s'était creusée jusqu'à des profondeurs impossibles.

Elle s'est réveillée avec un cintre de peur qui lui tirait l'abdomen, sur cette image de néant aquatique.

Aujourd'hui encore, la piscine de ses rêves lui fait peur.



La maison est si grande et fascinante. Chaque jour, elle découvre de nouvelles pièces qui se sont réinventées par-dessus les anciennes, des couloirs qui n'existaient pas hier et d'autres passages qu'elle se félicitait de trouver dont toute trace disparaissait l'heure d'après. C'est son nouveau terrain de jeu : un labyrinthe dont on n'aurait jamais voulu sortir, beau, mystérieux et toujours plus fascinant que la veille, dont le centre de convergence était la piscine.

L'exposition du premier jour est toujours présente, heureusement. Si ces artefacts s'évaporaient dans les porosités géographiques de la maison, Wendie aurait été malheureuse. Cela peut arriver à tout moment, elle en est consciente, c'est pourquoi elle vient en profiter tous les jours. Parfois, elle remarque avec un pincement au coeur que des objets ont disparus, ou se sont substitués à d'autres. Cette insécurité quant aux choses qu'elle aurait voulu garder près d'elle l'exalte autant qu'elle la chagrine. Elle n'a la main mise sur rien dans cette maison gigantesque. Tout peut lui échapper, rien n'est éternel.

Mais pourtant, quelque chose en elle lui dit que rien n'est à jamais perdu. Elle peut retrouver ce qui s'est égaré dans les trous de la maison, et elle compte bien trouver comment. A commencer par la piscine.

Difficile de croire qu'une piscine entière peut rentrer au fond d'une simple poche de pantalon, mais c'est le cas. Il y a de l'eau qui coule le long de sa jambe droite, et elle sait que le papier en est responsable. Elle plonge la main dans sa poche pour tâter le papier détrempé qui y loge.

Une pensée inquiétante la traverse : la piscine peut-elle se désagréger ? Le papier contient la piscine, mais la piscine peut-elle le détruire ? Elle le sent humide aujourd'hui. La piscine déborde.   

Paper Pool / La Piscine en PapierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant