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Les enfants jouaient presque tout le temps ensemble. Ils se chamaillaient beaucoup aussi, comme n'importe quels enfants j'imagine, mais la plupart du temps, ils s'aimaient plus qu'ils ne se détestaient.
Enfin, détestaient comme les enfants se détestent. Ce n'était jamais bien méchant évidemment, et c'était même souvent très marrant. Comme cette fois où Eliott et Maddy étaient tous les deux en train de dessiner sur la grande table de la salle à manger pendant qu'Harry commençait à sortir les bottes en caoutchouc et les cirés du garage. Je n'étais pas loin, j'étais en train de me débattre avec le manteau d'Ulysse sur le canapé, c'est pour ça que je les ai entendu parler. L'argument était visiblement sur un des dessins de Maddy, qui ne ressemblait pas à ce qu'il aurait du.

_Ce n'est pas une fleur.

_Si c'en est une !

_Non !

_Si !

Sa petite voix pétillait par-dessus la mélodie qui s'échappait des enceintes de la maison, et je me souviens avoir relevé légèrement la tête pour pouvoir observer la scène. Eliott était penché sur la table, je crois même qu'il avait posé un genou dessus pour pouvoir atteindre la feuille de sa sœur, et elle s'évertuait à l'écarter avec des coups de coude.

_C'est pas une fleur.

_Si. Et ça, c'est un cœur de l'amour.

Elle a prit un feutre rouge pour illustrer ses paroles, et dans la seconde qui a suivit, Eliott en a attrapé un noir pour gribouiller la nouvelle forme.

_Et ça, c'est la tempête qui détruit tout !

À cet instant, j'ai cru qu'on était bons pour une crise de larmes et de cris. Mais ce n'est pas ce qu'il s'est passé. Madeleine a arraché le feutre des mains à son frère et a dessiné quelque chose à côté du dessin fichu.

_Ouais bah ça, c'est la forme de ton cadavre !

_Maddy ! j'ai aussitôt crié tant la surprise m'a pris de court.

Elle a relevé des yeux innocents vers moi et je me suis approché en prenant Ulysse dans mes bras, qui s'était mis à faire quelques bruits. J'ai jeté un œil au dessin et Madeleine, me croyant inattentif, a tenté une fuite silencieuse. J'ai immédiatement essayé de l'intercepté mais elle est partie en courant, et c'est Harry, qui revenait, les bras chargés, qui l'a attrapée au vol.

_Où tu cours comme ça, Princesse ? il a rigolé pendant que j'attrapais le dessin pour l'observer.

_Elle a dit que c'était mon cadavr-euh, s'est plaint Eliott en descendant de sa chaise pour aller se réfugier dans les jambes de son père.

_T'es tout gâché mon cœur !

_Il était pas beau !

_Si, il l'était !

_Non !

_Stop ! je me suis alors interposé.

Les yeux d'Harry ont rencontrés les miens et j'y ai lu une pointe d'amusement. Il n'a jamais été bon pour les gronder vous savez, alors ce n'était pas plus mal qu'on n'ait pas à le faire souvent.
Cette fois-là, la demande de pardon est venue avec moins de réticence que d'habitude. Maddy a accepté de plier et de s'excuser avec un bisou beaucoup plus vite qu'elle ne l'aurait fait normalement, et Eliott a suivit. Peut-être que c'était dû à la menace qu'on n'irait pas cueillir des fraises s'ils ne se disaient pas pardon tout de suite...

Quoi qu'il en soit, on a été les cueillir ces fraises, et les enfants étaient tellement heureux de vagabonder entre les allées de fruits rouges qu'ils se sont mit à courir et s'amuser comme si rien ne s'était passé. Exit les cadavres, les coeurs et les tempêtes ; ils ont oublié les dessins et les cris, et ont fait la course jusqu'en haut de la colline.

Wasn't Expecting That.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant