Chapitre 33

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Avant de lever le camp, Lydia s'approche pour me donner à manger, ce qui réveille une faim terrible à laquelle je n'avais pas fait attention jusqu'alors. Pendant que nous reprenons la route, je mange tout ce que je suis capable de contenir dans mon organisme. Elias nous suit doucement, à cause de la fatigue. Ils sont tous exténués. Je me sens presque coupable d'être à peu près en forme. Après tout, j'ai dormi pratiquement durant trois jours. Les voix et sifflements refont surface dans ma tête. En plus, ils ne sont pas seuls. Des flashs de mon cauchemar avec Nhaundar reviennent par touches, et le sentiment de vide avec. Ma culpabilité s'efface aussitôt. Ma santé mentale défaille. Je le sens et suis trop faible pour y échapper. Je n'entends presque plus les pas du reste du groupe à côté de moi tant ces souvenirs prennent de la place. Je dois les repousser et continuer d'avancer. Nous y sommes presque. Je sens déjà la force de la brume diminuer. La pression sur mes épaules se dissipe lentement. Les souvenirs restent. Je fais abstraction du mieux que je peux de tout ce remue ménage dans mon crâne, mais je sais que je ne fais que retarder l'échéance. Cela reviendra, j'en ai la conviction. Quelqu'un me prend la main. Je sursaute. Ce n'est que Lydia. Elle me sourit et m'arrête pour me prendre dans ses bras. Je meurs d'envie de m'effondrer. Pourtant, je sers les dents et la repousse délicatement avec un sourire factice sur le visage.

-Je vais bien.

Faux. Will nous rejoint aussi et m'entoure de ses bras à son tour. C'est fou comme son étreinte me détend. Je me sens apaisée, même si ce n'est que pour quelques minutes. Ce sont mes meilleurs amis, et j'ai cru les perdre. Comme eux l'ont pensé pour moi. Il se détache et ses yeux brillent. Je dois être forte pour eux en premier lieu. J'ai peur, et je ne suis pas sûre d'être à la hauteur de tout ce qui nous attend, mais je les ai entraînés là-dedans, à moi d'en assumer les conséquences. Il n'y a que tous ensemble que nous y arriverons. Bizarrement, Enoria ne me fait pas de câlin. Chris esquisse simplement un sourire léger et Maïru hoche la tête en me mettant la main sur l'épaule. Ce simple geste prouve qu'elle est là pour moi, pour nous tous. Sa présence est rassurante, même si ses traits tirés expriment autre chose. Ils ont eu peur. Moi aussi. Les choses deviennent de plus en plus réelles. Malgré nous, nous sommes confrontés à de dures réalités qui nous détruiront. Et je dois dire que je ne serais plus jamais rassurée. Nous reprenons notre chemin, le cœur un peu plus léger après s'être retrouvés. Nous n'avons plus Keydjin, mais tout n'est pas encore perdu. Mon regard croise celui de Caleb. Je n'arrive pas à croire qu'il ait exprimé ce qu'il ressentait comme ça. J'ai l'impression que ce n'est pas réel, que j'ai simplement rêvé qu'il le fasse. Ses yeux disent le contraire. Son regard envers moi a changé, d'une manière ou d'une autre. Si seulement je pouvais faire pareil. Si je pouvais lui dire. Si seulement c'était aussi simple. Étrangement, cela me terrifie autant que de combattre Nhaundar. Perdue dans mes pensées, je trébuche sur une racine et m'étale sur le sol. Tout mon corps me fait souffrir, et je fais un effort considérable pour me redresser. Bien sûr, Caleb vient vaillamment à mon secours. Sans oublier la remarque qui va avec.

-La voilà ! Notre bonne vieille Teriss. Et dire que je pensais t'avoir perdue.

-La ferme, Mayork, je grommelle. Aide moi à me remettre sur mes pieds.

-À vos ordres, captain.

Une fois relevée, je remarque que tout le monde se retient de rire. Je vois, je suis le clown de service. Comme c'est amusant. Bande d'enfants.

-Vous savez quoi ? Vous n'avez qu'à rigoler. Je m'en fous. Je suis plus à ça près.

Bien entendu, en disant cela, je me retourne pour reprendre la route, et je me prends une branche en pleine figure, ce qui déclenche l'hilarité générale.

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