Chapitre 20

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Je mets ma main devant la bouche pour étouffer le cri de surprise qui me vient. Enoria est toujours à genoux devant eux et tient les mains de ses tuteurs dans les siennes. Le sang dégouline encore de leur gorge tranchée. Je suis bouleversée. Je parviens à peine à retenir mes nausées. Je n'ai jamais vu de corps. Et, malheureusement pour moi, j'ai la désagréable sensation qu'ils ne seront pas les derniers que je rencontrerais. Lorsque que je regarde derrière moi, je remarque que je ne suis pas la seule à être sans voix. Personne ne prononce le moindre mot. Seul Caleb s'avance et prend les épaules de sa sœur qui se lève d'un bond, nous faisant tous sursauter. Mon partenaire se retire vivement et ouvre de grands yeux interrogateur.

-En' ? Qu'est-ce qu'il y a ? demande-t-il. Tu vas bien ?

-Non. Mais il faut qu'on s'en aille. On ne peut pas rester ici, ils risquent de revenir. Je vais chercher des provisions et on s'en va.

-Tu veux dire qu'on va dormir dehors ? Interroge Chris.

-Oui.

-Super...

Enoria se retourne et part dans la cuisine. Personne n'a l'idée de la suivre pour l'aider tellement sa réaction nous a pris de court. Je l'entends monter à l'étage car le sol craque sous ses pas.

-Qu'est-ce que l'on va faire maintenant ? Demande Lydia.

-J'en ai aucune idée, je réponds. Nous devrions dormir pour être en forme demain.

-T'as raison, il fait déjà nuit depuis longtemps. Quelqu'un a l'heure ? S'enquiert Will.

-Il est vingt-deux heure trente.

Enoria revient dans le salon avec un sac un peu plus bombé, un arc et un carquois sur les épaules.

-Allez-y, dit-elle. Je reviens, j'ai oublié quelque chose.

Nous nous exécutons et nous ressortons de la demeure. Le froid s'engouffre dans ma veste alors j'enfile mes gants noirs pour me réchauffer. Quelques minutes plus tard, la jumelle de Caleb ouvre la porte d'entrée. Elle s'avance d'un mètre et craque une allumette. Nous n'avons pas le temps de l'arrêter qu'elle a déjà lancé la flamme dans la maison restée ouverte. Le quelque chose qu'elle avait oublié devait être de répandre une matière inflammable sur le sol car le feu prend à une vitesse incroyable. Enoria s'éloigne comme si de rien n'était et ouvre le portail. La chaleur que procurent les flammes me prend à la gorge et me donne envie de pleurer tant mes yeux piquent. Nous ne pouvons rien faire, même si nous le voulions, Enoria ne voudrait jamais utiliser son pouvoir avec Chris pour éteindre l'incendie. Je me détourne un peu et mon regard tombe sur le visage de Caleb, éclairé par la maison en feu. Il semble lui aussi complètement sonné par la réaction de sa sœur. Pendant un instant, il a l'air d'avoir perdu son assurance. Lorsqu'il remarque que je l'observe, il tourne ses yeux vers moi, essaie de me sourire avec difficulté puis baisse la tête avant de rejoindre sa jumelle. Ce petit sourire me fait chaud au cœur, mais je sais très bien que nous ne sommes pas encore totalement réconciliés. Entre Caleb et moi, la tension peut monter en une fraction de seconde, tout comme elle peut redescendre de la même manière. Et puis, il m'a vraiment blessée l'autre jour, je ne me sens pas prête à le pardonner. Loin de là. Je reste ici, hypnotisée par les flammes, jusqu'à ce que Lydia m'appelle depuis le portail. Je les rejoins et nous repartons lentement dans la forêt noire. Je me retourne une dernière fois pour voir la demeure « Raynae » s'écrouler. Enoria ne lance aucun regard en arrière et nous guide, loin devant. Nous la suivons en silence, trop sous le choc par ce qu'il vient de se passer. La sœur de Caleb vient de brûler le seul refuge que nous aurions pu trouver. Elise et Enewell ont été assassinés, certes, mais il s'agissait du seul toit dont nous aurions pu profiter. Je comprends parfaitement la colère d'Enoria et notre obligation de partir de risque que les waraäns ne reviennent. Pourtant, en brûlant sa propre maison, elle indique à tout Faelhon que nous sommes là. Son comportement égoïste m'énerve, et je ne vais pas me gêner pour le lui dire. J'accélère le pas et je rattrape Enoria. Je la prends par le bras. Elle se retourne, sans aucune expression sur le visage.

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