11/ Pas de quartier

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C'était la dernière ligne droite.

Derrière les grandes baies vitrées, le dirigeable amarré à un pylône grouillait d'activité en vue de son départ proche. Barovi et Clémentine fixaient l'appareil du regard. Ils allaient devoir monter à bord et se débrouiller seuls pour survivre. Pourtant, ils n'avaient pas peur. Ils étaient morts d'inquiétude pour Frenyl, oui. Mais ils n'avaient pas peur. La jeune fille, parce que ce sentiment n'avait toujours pas prise sur elle. Son ami, parce qu'il en avait épuisé toutes ses réserves. Ils se sentaient fatigués, ils voulaient que ça se termine. Ils voulaient faire payer à Morahn Zidherio tout le mal qu'il avait fait. Ils étaient furieux et désespérés. Prêts à tout. Vraiment à tout.

Ils étaient devenus plus dangereux qu'ils ne l'avaient jamais été.

Le signal d'embarquement résonna dans le hall et plusieurs des gens qui attendaient se dirigèrent vers la porte qui venait de s'ouvrir. Les deux amis se prirent la main et échangèrent un regard acéré. Pas besoin de le dire, ils savaient qu'ils iraient jusqu'au bout. Ensemble. Quel qu'en soit le prix, ils sauveraient Frenyl. Bien sûr, ils ne pouvaient pas totalement écarter l'idée qu'ils fonçaient droit dans un piège et que le dragon était déjà mort. Et si c'était le cas... Si c'était le cas, Clémentine essaierait probablement de tuer les trafiquants dans un accès de rage. Quant à Barovi, c'était impossible à dire. Peut-être qu'il s'effondrerait, presque mort, avant de se changer en machine infernale et meurtrière bonne pour la camisole. Mais les choses étaient claires dans son esprit : si Frenyl avait été tué, il massacrerait tous les trafiquants du vaisseau avant de se jeter dans le vide. C'était aussi simple que ça. Tant pis pour les conséquences. Il n'en avait plus rien à faire.

Ils rejoignirent les autres passagers et franchirent les portes d'embarquement. C'était la première fois que Barovi prenait le dirigeable. Un voyage tous frais payés par la police, quelle chance ! Il se promit que s'ils s'en sortaient tous vivants, ils remonteraient un jour à bord d'un engin de ce genre. Pour une vraie croisière, cette fois. Tant pis si ça coûtait les yeux de la tête. Quelqu'un dans la foule se cogna alors contre son épaule, ce qui fit naître une question dans son cerveau : parmi tous ces gens qui les entouraient, combien faisaient partie de la bande de Zidherio ? Impossible à dire, bien sûr, mais pas besoin d'être sorcier pour deviner que cette ordure n'embarquerait pas sans quelques-uns de ses hommes. Histoire de se protéger. Ou de prendre ses deux ennemis par surprise. Ils devraient jouer serré. Leur seul atout, c'était les documents cachés sous le pantalon de Clémentine. A eux d'utiliser correctement cette carotte. Ouais... Facile à dire !


Les coursives du vaisseau avaient fait l'objet de beaucoup de soin dans leur conception et leur aménagement. En même temps, pour un transport de luxe, ça valait mieux ! Des lambris d'un brun rougeâtre côtoyaient des montants métalliques aux arabesques invraisemblables, de petits globes qui flottaient sous le plafond faisaient office de lampes et de nombreuses fresques ornaient les murs. Des stewards s'affairaient à droite, à gauche, prêts à exécuter les tâches qui leur seraient confiées. Clémentine découvrait une telle variété de formes et de couleurs chez les passagers et le personnel que cela lui rappelait New York. Mais elle n'avait pas le temps de rêvasser. Elle suivit Barovi jusqu'à la cabine qui leur avait été attribuée, située en troisième classe et malgré tout digne d'un grand hôtel. Elle referma derrière elle, et ils se retrouvèrent seuls.

– Et maintenant ? demanda-t-elle.

– Maintenant, j'attends qu'ils viennent. Zidherio a dit qu'il nous contacterait, j'imagine qu'il connaît déjà le numéro de notre cabine. Alors c'est à toi de jouer !

Ils avaient convenu d'un plan. Un plan élaboré en urgence, mais un plan tout de même. Il était basé sur une observation toute simple : Zidherio n'était pas digne de confiance. Ils ne pouvaient donc pas se contenter d'espérer qu'il tiendrait parole et relâcherait Frenyl une fois les documents récupérés. Du coup, ils avaient décidé que Barovi attendrait la convocation et se rendrait à l'entrevue pendant que Clémentine – plus petite et donc plus discrète – partirait à la recherche du dragon. Elle ne devait pas se faire repérer. C'était impératif.

Le Cœur en FeuWhere stories live. Discover now