8/ Les aventuriers du temple perdu

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Le vent sifflait en glissant sur la carlingue du vaisseau. Son mugissement résonnait dans les coursives où s'affairait l'équipage. Clémentine arpentait ces couloirs qu'elle avait appris à connaître depuis leur départ, deux jours plus tôt. Elle devait parler à Barovi. Il avait tendance à l'éviter depuis l'épisode de l'arène, mais tant pis, ils devaient avoir une explication. Ils devaient en parler. Une sorte de barrière s'était dressée entre eux. Elle ne comprenait pas pourquoi ou comment, mais le fait était que son ami lui avait vraiment fait peur. La première fois qu'elle ressentait cette émotion, et il fallait que ça vienne de lui ! Mais ce n'était pas une raison pour se couper l'un de l'autre. Après tout, Clémentine aussi pouvait se laisser aller à des crises de colère. Les restes de la machine qu'elle avait détruite étaient là pour en témoigner ! Et même si ses crises n'avaient jamais été aussi violentes que celle à laquelle elle avait assisté, elle devait y croire. Elle et Barovi ne pouvaient compter que sur leur association dans la situation actuelle.

La jeune fille parcourut un couloir à grandes enjambées et passa devant la porte de leur cabine. Inutile d'entrer, elle savait qu'il ne s'y trouverait pas. Depuis le début du voyage, il se réfugiait dans des endroits déserts. L'équipage le traitait comme un pestiféré et s'en tenait éloigné le plus possible ; la reine avait ordonné qu'il ne soit fait aucun mal au duo. Mais surtout, même si les pirates étaient en colère contre lui, ils en avaient également peur. L'intéressé éprouvait d'ailleurs des sentiments semblables. Clémentine ne supportait plus de le voir aussi perturbé, aussi dégoûté de lui-même. Il s'enfonçait dans la dépression, peut-être à cause d'un stress post-traumatique. Difficile à dire, elle n'était pas médecin. Mais elle devait le tirer de là ! Et elle devait se débrouiller seule ; inutile de compter sur les pirates et Barovi avait perdu toute estime de soi qui aurait pu le pousser à se battre. Plus Clémentine marchait, plus elle sentait que le temps était compté. Elle avait mis trop de temps à réaliser à quel point la situation était grave. En fait, elle n'en avait pleinement pris conscience que le matin même, en découvrant les griffures qui marquaient les paumes de son ami encore endormi. Pas besoin d'être médium pour comprendre qu'il s'était fait ça tout seul...

– Merde ! s'exclama-t-elle en frappant la paroi du couloir qu'elle traversait. Pourquoi je ne l'ai pas réveillé de suite ?

Elle aurait dû lui parler à l'instant, lui faire comprendre qu'il n'avait rien à se reprocher ! Elle sentait la colère monter. Ça ne s'arrêterait donc jamais ? Une fois un problème résolu, un autre leur tomberait forcément dessus ? Elle allait finir par croire que le destin était vraiment muni d'une longue-vue !

L'adolescente dut demander à cinq pirates avant d'en trouver un qui avait vu Barovi. Apparemment, ce dernier s'était réfugié dans la soute. Elle courut là-bas en priant pour que la porte ne soit pas verrouillée.

Elle ne l'était pas.

Clémentine poussa doucement le battant métallique et tendit l'oreille. Des sanglots étouffés lui parvinrent. Elle referma derrière elle pour qu'on ne les dérange pas puis s'avança entre les piles de caisses maintenues par des filets. La soute était une grande pièce, toute en longueur, dont les parois d'acier et de rivets renvoyaient le bruit des pleurs de part en part. Donc inutile d'appeler : les cris et la réponse seraient réverbérés de la même façon. Ça ne servirait à rien.

– Barovi ? s'entendit-elle pourtant demander. Je sais que tu es là, je t'entends. Sors de ta cachette, s'il te plaît !

– Clem ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Il émergea de derrière un amas de caisses quelques dizaine de mètres plus loin. Elle se dépêcha de la rejoindre. Le pauvre faisait peine à voir : les épaules basses, la ramure effondrée, les traces rouges effacées à la va-vite le long des joues, il avait l'air d'un enfant complètement désespéré. Comment le remettre d'aplomb ? C'était mission impossible ! Quoique... Il avait encore confiance en elle. Il restait une petite chance.

Le Cœur en FeuWhere stories live. Discover now