Le Cœur en Feu

10/ La maison du diable

Les dix policiers se déployèrent dans un hall aux teintes sombres, suivis de près par Clémentine et Barovi. Tous deux marquèrent un temps d'arrêt en découvrant l'intérieur de la maison. Les murs effrités et les arcs un peu rouillés de l'extérieur ne les avaient pas préparés à ces lambris lustrés, à ces tentures finement brodées, à ces tableaux élégants ! Bon, ceci dit, vu les revenus que devait générer le trafic d'antiquités, un tel luxe semblait logique. Ils n'y avaient juste pas pensé. Et ils auraient préféré mourir plutôt que de l'admettre, mais il était évident que le propriétaire des lieux avait du goût.

La troupe se dispersa pour explorer la demeure. Inutile de faire dans la discrétion, les restes de la porte étaient là pour le leur rappeler. Deux policiers restèrent donc garder l'entrée pendant que les autres inspectaient toutes les pièces, une par une, arme au poing. Personne ne pensait trouver quelque chose au rez-de-chaussée, mais ils devaient vérifier. Et en effet, ils ne découvrirent que de belles salles décorées avec raffinement. Pas âme qui vive, et encore moins de preuves. Pendant que cette fouille était effectuée, Vroghein emmena cinq de ses hommes à l'étage, suivis par leurs deux acolytes d'un jour. Ceux-ci suivirent le couloir dans lequel déboucha le groupe. Ils n'avaient pas l'intention de passer leur vie à inspecter les salles de cette maison et laissèrent donc les anges s'en charger. De plus, ils augmentaient leurs chances de trouver Zidherio les premiers en se rendant dans une partie encore inexplorée du bâtiment ! Ils avancèrent donc silencieusement, progressant à pas de loup sur les tapis moelleux qui assourdissaient leur marche. Vroghein et les policiers n'avaient pas encore remarqué leur départ, mais cela arriverait fatalement à un moment ou à un autre. Un moment qui arriverait bientôt. Ils devaient faire vite...

Soudain, un bruit leur parvint de derrière une porte fermée. Comme si quelqu'un fourrageait dans les meubles à la recherche de quelque chose. Il était là ! Dans cette pièce ! Le sang de Clémentine ne fit qu'un tour et elle donna un grand coup de pied dans la porte. Qui ne bougea pas. Barovi la regarda avec des yeux ronds pendant une seconde, puis il tourna la poignée et ouvrit. Le battant pivotait vers l'extérieur. L'adolescente se sentit incroyablement bête mais, dès que ses yeux accrochèrent une silhouette en mouvement dans l'entrebâillement, sa colère revint en force. D'accord, elle avait averti Zidherio en voulant défoncer la porte, mais elle n'allait pas le laisser s'en tirer comme ça ! Elle se jeta sur lui en hurlant. Barovi en fit autant. Ils ne regardèrent même pas le bureau dans lequel ils venaient de débouler et prêtèrent à peine attention aux membres acérés de leur cible. Ils n'en eurent pas le temps. Ils étaient déjà sur lui.

Leur assaut ne dura que quelques secondes. Sept, peut-être dix, avant que Vroghein et les autres n'arrivent en renfort. Mais ces quelques secondes leur firent un bien fou. Ce fut un déluge de coups de poings et de pieds, de griffures, de projections de genoux à tous les endroits possibles et imaginables. Ils lui cognèrent la tête contre le sol, le mordirent jusqu'au sang... Ils se lâchèrent. Tout ce qu'ils avaient gardé enfermé tant bien que mal sortait à présent dans une véritable tornade. Puis les anges entrèrent dans la pièce et se jetèrent dans la mêlée. En un instant, l'affaire fut réglée. Zidherio gisait au sol, les pinces menottées dans le dos. Les anges ressortirent pour inspecter les pièces environnantes, sauf Vroghein, qui examinait le captif d'un œil suspicieux.

– Dîtes, vous ne croyez pas que vous y avez été un peu fort ?

– Et alors ? rétorqua son frère. Tu voulais qu'on lui demande bien gentiment de se rendre ? Avec une tasse de thé, s'il vous plaît, votre altesse ?

– Merde, Barovi ! Il y a des lois ! Vous ne pouvez pas les enfreindre quand ça vous chante ! Zidherio est un enfoiré, d'accord, mais ce n'est pas une raison pour vous comporter comme des criminels vous aussi !