Viva Canaria !

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En quelques minutes, l'avion perd de l'altitude. La piste est proche. Premier coup de frein. Les pneus crissent. Les passagers alternent les « oh » et les « ah ». Le boeing est à l'arrêt. Le commandant de bord est acclamé. Je dois attendre que monsieur B114 et madame B115, daignent bouger leurs gros derrières. Allez, un petit effort B114, rentrez votre ventre.

Voilà, ils sont dans l'allée principale. Je suis sauvée. Je me lève, puis me rassieds, décidant de laisser passer tout le monde. Lorsque vient mon tour, je remarque que madame B115 a oublié ses chaussettes sous le siège. J'hésite à les prendre. Et si c'était la seule et unique paire qu'elle ait ? Je sors un mouchoir, attrape du bout des doigts ce truc puant et le met dans un sac papier. Le fameux petit sac en kraft placé devant vos sièges au cas où vous seriez malade. L'hôtesse m'interpelle et me fait comprendre de m'activer. 

Un souffle d'air chaud caresse mon visage. Que c'est bon. Je descends l'escalier et m'engouffre dans le bus qui mène à l'aéroport. Les gens sont entassés, presque imbriqués les uns dans les autres. Les odeurs de parfum se mêlent aux effluves corporels. Avec la chaleur ambiante, j'ai le cœur qui tourne. Je plaque ma main sur ma bouche et me retiens de respirer autant que je peux. La porte s'ouvre. Je me jette dehors. Je tousse, crache. J'inspire, j'expire profondément. La nausée disparaît. Prochaine étape, passer à la douane et récupérer mes bagages. Re file d'attente de dix mètres de long.

Moi qui suis du genre speed, je suis gâtée. Cathy serait là, elle me dirait que rien ni personne ne m'a forcé à voyager. Et, comme d'habitude, elle n'aurait pas tort ma copine. Petit pincement au cœur pour elle. Elle me manque avec ces leçons de morale à la pelle. Nous nous serions bien marrées si elle était venue. Dommage Éléna. La prochaine fois, tu éviteras de te barrer sur un coup de tête. Un méchant coup de coude qui me rappelle celui de quelqu'un. J'avais dit une fois, mais pas deux. Je me retourne. En plein dans le mille ! B114, le retour, en chair et en os. Oh pardon, en chair tout court.

Je lui dis :

— Vous ne pouvez pas faire attention ? Cela fait deux fois que vous me bousculez, et sans vous excuser en plus !

— C'est pour vous faire avancer.

— Pardon ?

Je regarde devant moi. Un espace vide entre les gens avant moi. Il y a quoi ? trois mètres ? Ce n'est pas non plus la mère à boire ! Je réponds à B114 :

— Tenez. Votre femme a oublié ça dans l'avion.

Je lui tends le sachet. Il sort la paire de chaussettes puantes.

— Choupinette. Ce sont les tiennes ?

B115 fait signe que non. Monsieur B114, me les rend.

— Si, si. J'insiste. Elles étaient sous votre siège. Prenez-les.

— On n'en veut pas. Vous comprenez le français ? répond B114.

Je ne rétorque pas. Je prends le sac et le jette à la poubelle. Ça m'apprendra à être serviable. Un truc me turlupine. Et si ces deux mastodontes mal léchés, étaient dans le même club que moi ? Je croise les doigts pour que ce ne soit pas le cas. J'imagine madame B115 au bord de la piscine dans son superbe maillot des années 30. N'imagine pas Éléna, tu vas te faire du mal.

— Madame ? Madame ?

La jeune douanière me sort de mes pensées. Je lui présente mes papiers. Tout est ok. Direction le tapis roulant. Un nombre inimaginable de valises, défilent sous mes yeux.

La mienne est rose fuchsia en plastique dur. Il n'y en a pas deux comme ça. Je vais la repérer rapidement. Ah, la voici. Je me faufile dans la foule pour approcher au plus près le tapis. Attention, c'est à moi. Je me penche pour la saisir. Au même instant, une grosse main chope la poignée. Nous sommes deux sur ce bagage qui est le mien. Je relève la tête. Madame B115. Oh putain ! Ce n'est pas vrai. Elle en fait exprès ou quoi ? Elle va me faire suer encore longtemps ? Si ça se trouve, elle est payée pour emmerder les touristes du début à la fin de leur séjour.  Une valise rose de couleur rose Barbie, c'est pour les Barbies, non ?   Sérieusement, c'est à se demander. Elle tire la valise vers elle. J'en fais autant. Elle grogne et me lance :

Eléna MarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant