15- "Non"

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         ~ Walter Dick Memorial Park, Brookville, Etats-Unis, 4 Novembre 1972 ~

    Il faut tout de même que j'impose une condition à Erik avant d'accepter de partir avec lui. Je le dois bien à Hélène et à Bill. Mais au moment où je m'apprêtais à formuler ma demande je vois Jack se lever et partir en courant. Je n'en reviens pas, il est parti en laissant sa femme, toujours inconsciente, et sa fille. Ce n'est vraiment qu'un lâche, un bon à rien. Kate est aussi stupéfaite que moi par la fuite de son père. Elle reste assise contre l'arbre où il était avec elle, et se met à pleurer. Je me concentre de nouveau, et décide de commencer en douceur pour qu'Erik ne se braque pas.

"- Et maintenant ? lui demandai-je un peu sur la défense pour lui montrer ma désapprobation quant à ses agissements.

- Lucy, je te présente Azazel, me dit-il en se retournant pour me montrer un homme aux cheveux noirs, à la peau rouge, et avec une queue de diable qui se finit en pointe. Azazel a le pouvoir de se téléporter partout où il le désire dans la mesure où il a déjà vu l'endroit où il souhaite se rendre. C'est lui qui nous emmènera là où nous avons besoin d'aller.

- D'accord. Seulement, je ne partirai avec vous qu'à une seule condition ; tu dois laisser Kate tranquille, lui demandai-je."

    Il réfléchit quelques secondes, toujours sans me quitter des yeux.

"- Très bien. Cette planète fourmille de petits humains, je n'ai pas besoin d'elle, m'expliqua-t-il."

    La façon dont il prend tout le monde de haut et la manie qu'il a de ne dire les choses qu'à moitié m'énervent. Il va falloir que j'agisse vite, et que je tienne l'autre télépathe loin de mon esprit. Mais je suis contente d'avoir pu aider Hélène et Bill avant de m'en aller même si je ne souhaite pas les quitter. Seulement je le fais aussi dans leur intérêt. Et puis de toute façon il est trop tard pour que je rebrousse chemin. Erik ne m'a toujours pas lâché du regard depuis tout à l'heure, c'est très perturbant et gênant à force... 

    J'entends soudainement un coup de feu. Erik arrête une balle juste avant que celle-ci ne le touche entre les deux yeux. Nous nous retournons tous d'un même mouvement. Je vois Jack derrière moi, tenant un fusil de chasse dans ses mains. Il recharge son fusil, tire, et rate encore sa cible qui arrête sa balle une nouvelle fois. Il recommence cet enchaînement, et rate de nouveau. Erik tient toujours les 3 balles en suspension devant lui. Sa main se met à bouger, et les balles filent droit sur Jack. Les trois le touchent, et Jack s'écroule au sol. La petite Kate se met à hurler en voyant son père s'effondrer par terre.

"- Erik ! criai-je indignée.

- Tu ne pensais tout de même pas que j'allais me laisser tirer dessus sans réagir ??! hurle-t-il furax, par un humain qui plus est !"

    Son regard est noir. En ce moment il me fait peur. Il me fait peur parce que je vois toute la haine qu'il porte aux humains, une haine qui ne partira jamais parce qu'elle fait partie de lui. Je crois que s'il perdait cette haine il se perdrait aussi. En ce moment j'ai l'impression qu'il serait prêt à tuer tous ceux qui pourraient oser se mettre sur son chemin. Même les mutants qui sont avec lui semblent avoir peur d'Erik à cet instant. Mais moi je ne crains pas la mort. Il faut que j'arrive à le calmer. Je marche lentement vers lui.

"- Erik, tu n'étais pas obligé d'agir aussi mal que lui, lui dis-je d'une voix douce pour éviter qu'il ne se braque.

- Et qu'aurai-je dû faire alors ? Le laisser s'enfuir une nouvelle fois pour qu'il revienne en meilleure compagnie ? me demande-t-il un peu plus calme.

- Non. Juste te montrer meilleur que lui. Juste...lui pardonner, lui expliquai-je.

- Nous serons toujours meilleurs qu'eux, me répondit-il. Et sache que je ne pardonne pas. Jamais.

- Eh bien il est peut-être temps que les choses changent, essayai-je.

- Je ne veux pas qu'elles changent, me répondit-il froidement."

    Il est vraiment exaspérant, il refuse de changer ne serait-ce qu'une virgule à son discours antihumains. C'est comme un vieux disque rayé qui tourne en boucle et qui finit par être lassant et démodé. Il est temps qu'il se remette aussi en question. D'un coup je sens quelque chose de froid me traverser le vendre, tandis que j'entends un bruit sourd que je connais bien. On vient de me tirer une balle dans le dos. La douleur est fulgurante mais j'y suis habituée maintenant. Ma main droite se dirige vers l'endroit où la balle est ressortie au niveau de mon ventre tandis que mes jambes me lâchent. Mes genoux sont les premiers à toucher le sol, puis c'est au tour du côté gauche de mon corps, et finalement c'est ma tête qui heurte le sol. L'impact produit une onde de choc qui se répercute dans tout mon corps. Je sens le liquide qui sort de mon ventre. Ce liquide qui est censé me garder en vie et qui s'échappe de mon corps. C'est mon sang qui coule entre mes doigts. Je n'entends pas clairement ce qui se passe autour de moi, mais je crois reconnaître des cris ainsi que des bruits de pas. Soudain je me sens soulevée du sol tandis que des bras s'enroulent autour de mon corps. Puis le visage d'Erik apparaît dans mon champ de vision. Je ne le vois pas clairement, mais il n'a pas l'air comme d'habitude. Pour une fois il semble exprimer sur son visage d'autres émotions que la haine, l'arrogance ou l'indifférence. C'est vraiment inhabituel mais cela lui va beaucoup mieux que ses expressions ordinaires. 

"- Il n'aura plus jamais l'occasion de tirer sur qui que ce soit, me dit Erik." 

    Et c'est à ce moment que je comprends l'origine des cris. C'étaient ceux d'Hélène et Bill après qu'Erik ait tué leur enfant. C'était un monstre, ça c'est sur et certains, mais de là à le tuer... 

"- La dernière fois que je t'ai vu tu étais morte, j'en suis sûr. Ton pouls n'était pas faible, il était inexistant, me dit Erik d'une voix calme. J'espère bien que tu vas t'en sortir cette fois aussi, ajouta-t-il plus doucement.

- Parce que sinon tu perdrais une précieuse mutante pour ton équipe, lui répliquai-je en le fixant dans les yeux."

    La douleur qui vient de mon ventre est de plus en plus intense. Soudain je sens du sang remonter le long de ma trachée, puis je commence à tousser et à cracher mon propre sang. C'est un goût hideux qui me donne en plus envie de vomir. Erik me tourne légèrement sur le côté pour que je puisse cracher par terre le sang qui est en si grande quantité dans ma bouche que je manque de m'étouffer avec.

"- Non. Parce que sinon je perdrai la seule personne qui puisse me comprendre, déclara Erik."

L'un ne va pas sans l'autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant