La cavale.

45 6 12
                                    

A bout de souffle, elle s'assoit au pied d'un grand chêne. Il fait froid, la nuit est tombée sur cette forêt providentielle. Ses pieds nus sont meurtris jusqu'au sang de sa course folle à travers bois pour échapper à l'asile.

Elle , folle ? N'importe quoi ! Qu'est-ce que c'est que ce délire ?! Comme si elle avait pu commettre les horreurs dont on l'accuse ! "Non mais allô quoi ?!" Elle est flic bon sang ! Ca ne rime à rien  !

Bon, ok, la fuite, c'était sûrement pas la meilleure option, mais que faire d'autre ? Elle était là, sanglée comme un saucisson sur le lit de l'HP froid, anonyme, terrifiant, avec ces gens qui gravitaient autour d'elle en lui racontant qu'elle était folle à lier et ne pouvait que l'ignorer, qu'elle avait perpétré des actes monstrueux comme si elle était allée au marché... Qu'auriez-vous fait à sa place ?

La preuve qu'elle n'est pas folle : elle l'a juste assommée l'infirmière ! Si elle était ce monstre qu'ils imaginent, elle aurait pu aisément la tuer. Mais non ! Elle a fui c'est tout.

Elle s'est fondue dans le décor, terrée comme une souris prise au piège, se déplaçant à l'allure d'une tortue rhumatisante le long des couloirs de l'asile. Elle s'est accroupie pour passer sous les fenêtres, a marché à quatre pattes, s'écorchant les genoux sur le carrelage sans âge, avec un seul but : sortir de là !

La porte de sortie arriva vite à sa vue. Mais elle dut attendre que tout le monde soit au réfectoire pour le repas, que l'on s'aperçoive de leur absence à elle et à la grosse infirmière désagréable, qu'enfin ce soit l'alerte...

Ca court dans tous les sens, on dirait des poules qu'un renard a surpris ! Et ça crie ! On remet tant bien que mal tous les malades dans leur chambres, mais une fois sur deux, on oublie le tour de clé obligatoire.

C'est la panique ! Les médecins gueulent après le personnel soignant, qui à son tour hurle qu'avec si peu de moyens.... Bref, c'est le moment idéal pour sortir du réduit où elle était cachée et foncer vers la porte que personne n'a pensé à fermer.

Puis courir le plus vite possible à travers la pelouse qui la sépare de la grille d'entrée. Dans son malheur, la chance que son bâtiment fut le plus près de l'entrée principale. Ils sont tous tellement occupés à la chercher dedans, que personne ne la voit regagner sa liberté.

Un fossé salvateur se fait voir, elle s'y terre et y demeure le temps d'observer le paysage alentour et les solutions qui s'offrent à elle. C'est son jour de chance décidément : elle n'a qu' à traverser cette route de campagne et se trouvera à l'abri d'une forêt presque impénétrable.

Un coup d'œil à gauche, à droite, devant, derrière, ouf ! Personne en vue ! Comme elle l'a fait des milliers de fois à l'entraînement, elle se redresse à moitié seulement et se met à courir droit devant elle, le buste quasiment à angle droit.

Longtemps elle va se déchirer la plante de pieds sur les branches et autres matières qui font le sol de la forêt. Longtemps, elle va s'écorcher le visage après les ronces à sa hauteur qu'elle ne peut éviter. Puis le jour décline, elle pense avoir assez avancer pour se poser quelques instants.

Elle  repère un chêne immense au tronc assez large pour qu'on ne la voie pas, s'y adosse et se laisse glisser au sol. Elle amasse, à grandes brassées, les feuilles autour d'elle pour s'en faire une couverture qui la protégera du froid et des regards indiscrets, et, malgré les mots de ce médecin qui font les cent pas dans sa tête, sombre dans un sommeil aussi profond que la faille de San Andreas.


Talion II - La main du diableWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu