31 décembre 2015

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31 décembre 2015.

Ce soir, c'est fiesta ! Je prépare mes affaires pour aller passer la soirée du Nouvel An chez ma meilleure amie Cathy, que je n'ai pas vue depuis des lustres.

Événement d'autant plus marquant que c'est la première fois en dix ans que je vais fêter le jour de l'an sans mari ni enfant. Je culpabilise un peu vis-à-vis de mes garçons, mais cela va me faire le plus grand bien. Les derniers mois ont été éprouvants suite à la rupture avec mon mari.

J'ai besoin de décompresser et de me défouler. Je pousse un à un les cintres de mon dressing et je désespère un peu plus à chaque vêtement que je découvre. Décidément, il est grand temps que je prenne soin de moi ! Pas une seule petite robe sympa à me mettre !

Même pas la fameuse petite robe noire que toutes les femmes ont dans leur penderie. Un tas de tissus s'amoncèle sur mon lit et toujours pas de tenue qui fera de moi la reine d'un soir. Voyons, réfléchissons. Cathy m'a averti que c'était une soirée entre amis, des gens simples, pas de costard cravate ou de robe avec une traine comme au festival de Cannes. Me voici soulagée, mais que choisir ? Mon pull cache-coeur en lurex de couleur or assorti de ma jupette en tulle et dentelle ? Non, trop classique. Mon pantalon noir en simili cuir avec mon chemisier rouge, légèrement transparent ? Non, trop sexy. Ou bien un jean porté avec un bustier noir ? Voilà qui me ressemble plus. Finalement, avec mes vieilles fringues, j'arrive à combiner quelques tenues.

Allez Éléna, décide-toi car l'heure tourne et il te reste encore à choisir une paire de chaussures, tes bijoux, ton sac à main et ton maquillage. Dix-sept heures. Une heure que je squatte le dressing.Il faut que je me bouge ! J'aime être à l'aise donc jean. Le bustier pour un look plus habillé. Boots, ballerines ou escarpins ? Ces derniers me donneront une petite touche féminine. Je saisis ma boîte à bijoux. Je choisis une paire de boucles d'oreilles en argent avec le collier assorti. Ceci dit, vu la quantité de pacotilles dans ce coffret, le choix est vite fait ! Sac à main ? Je n'en ai qu'un, comme ça c'est réglé. Je file à la salle de bain me maquiller.

Je me regarde dans le miroir. Mes yeux sont marqués par la fatigue et par de vilaines ridules. Je tords la bouche à gauche, puis à droite. Hélas, les contours de mes lèvres commencent eux aussi à être attaqués par les années. Un seul remède, mon stylo magique, véritable outil de camouflage pour un effet zéro défaut (enfin presque !). Une noisette de bb crème qui recouvre elle aussi le point rouge qui pointe au bout de mon nez, une touche de fard à paupière taupe (c'est la seule nuance qui met en valeur mes beaux yeux bleus), du mascara noir et du rouge à lèvres rose. J'ai laissé tomber le coup de crayon pour se dessiner des yeux de biche car je ressemblais plus à une femme ayant des cocards qu'à autre chose...

Dix-huit heures. Merde ! Déjà ! Cathy m'a proposé de venir plus tôt pour que l'on puisse discuter ensemble et regarder tranquillement mon album photo. L'album ? Mince, où l'ai-je rangé ? Je remonte quatre à quatre les escaliers qui mènent sur la mezzanine. Je tire les tiroirs du chiffonnier et retourne le bazar qu'il contient. Je l'ai ! Waouh ! On croirait qu'un cambrioleur est passé par là. Tant pis, je remettrais tout cela en ordre plus tard. Je rejoins la salle de bain, fourre mon make-up dans mon sac à main et au moment d'éteindre la lumière, je bloque sur le miroir. Il me renvoie l'image d'une femme aux cheveux ébouriffés.

 Oh ! Calme-toi ma belle et prends cinq minutes pour dompter ta chevelure. Natte ? Libre ? Queue de cheval ? Un bon coup de brosse, je tire mes cheveux vers le haut, très haut, et j'enfile un élastique que je serre fort, si fort que je me coince les doigts dedans. Aïe ! Je recommence. Vers le haut, moins haut, et je serre, moins fort. Admirez le travail. Habillée, maquillée et coiffée, je me contemple et souriant à la glace, je me complimente d'un « pas mal la gonzesse ! ». Un air de Lara Croft dans Tomb Raider, avec deux tailles de bonnet de moins. Pschitt, pschitt, un nuage de mon parfum fétiche « Cinéma, d'Yves Saint Laurent ». Je quitte la pièce, prête à partir, quand soudain la mélodie de Skype sonne sur mon ordinateur. Je me rue dans le salon et active l'écran. Appel de mes enfants. Vite, connexion.

— Coucou maman ! Tu vas bien ?

— Bonjour mon ange. Et toi ? Tu as l'air en pleine forme.

— Oui, super. Devine où papa nous emmène pour la nouvelle année ?

— Chez papy et mamie ?

— Non !

— Je donne ma langue au chat.

— Louis et moi, on va voir le spectacle de fin d'année à Disneyland Paris !

— C'est génial ! Vous devez être très pressés d'y être les garçons !

— Oh oui. C'est dommage que tu ne sois pas avec nous.

— Ce sera pour une autre fois mon ange. Maman a besoin de se reposer, je te l'ai expliqué l'autre fois.

— Oui, je sais. Et toi, tu fais quoi ce soir pour le Nouvel An ?

— Rien de particulier. Mon amie Cathy m'a invitée à passer la soirée avec elle.

— Chouette ! Comme ça tu ne seras pas seule. Cela m'ennuyait de te laisser ce soir.

— C'est gentil de ta part, mais rassure-toi, mon amie va prendre soin de moi. Et ton petit frère, il va bien ?

— Oui, oui. Il ne peut pas te parler maintenant car il s'est endormi.

— Tu l'embrasseras pour moi.

— Ok. Je te laisse maman. Papa dit que je ne vais plus capter car nous allons passer dans les tunnels.

— Les tunnels ?

— Oui, nous sommes bientôt arrivés à Paris.

— D'accord. Je te fais pleins de bisous et amusez-vous bien. Pense à faire quelques photos.

— Ok. Bisou maman.

— Au revoir mon ange.

Fin de la conversation. Ce court appel me réchauffe le coeur. Un miaulement s'échappe de la salle de bain. Mon chat. Où ai-je la tête ? Je l'ai enfermé. Tweet a la mauvaise habitude de dormir dans le panier à linge. Je délivre mon minou, heureux de me voir.

— Tu vas être sage Tweet. Je te laisse de quoi manger. Je reviens demain.

Après de multiples caresses, je le quitte et sors de l'appartement. L'ascenseur met trois plombes à arriver du rez-de-chaussée. La porte s'ouvre. Monsieur Raziki, l'un de mes voisins, me salue.

— Vous vous êtes mise sur votre trente-et-un madame Mar ! dit-il.

Son regard glauque me déshabille de la tête au pied. Quatre-vingt-dix balais et toujours l'esprit entre les jambes. Comme quoi, il n'y a pas d'âge.

— C'est un jour spécial aujourd'hui. Bonne soirée monsieur.

— Vous serez gentille de ne pas claquer la porte à votre retour ma petite. Vous n'êtes pas  seule dans cet immeuble. Dois-je vous le rappeler ?

— No problem monsieur Raziki.

— Vous ne pouvez pas parler correctement. No problem, c'est du chinois ! Ah, dans quelle société vit-on ? Si ma femme entendait cela, elle se retournerait dans sa tombe.

Les portes se referment et me libèrent d'éventuelles leçons de morale interminables.

Dix-huit heures trente. J'ai une quarantaine de kilomètres à parcourir. Je serai dans les temps. Je monte dans ma voiture. Il fait un temps de chien. Moins cinq degrés et des averses de neige brouillent la visibilité. Je suis contrainte de maintenir ma vitesse à vingt kilomètres à l'heure. En fait, je risque d'être à la bourre. La chaussée est glissante. Pas très douée en conduite dans ces conditions, j'ai une pensée, mais juste une, pour mon ex qui lui manie à merveille le véhicule par ce temps. Tu es seule ma grande aujourd'hui, alors serre les fesses et débrouille-toi ! Les mains crispées sur le volant, la tête dans le pare-brise, telle Cruella Devil, j'avance tranquillement vers le chemin qui mène chez Cathy.




Eléna MarWhere stories live. Discover now