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Muscles tendus, estomacs serré, je suis pliée en deux au sol et vomis tripes et boyaux. Ma mère se précipite vers moi, se jette à mes côtés et passe lentement sa main sur mon dos. Près de deux heures sont passées et aucun signe de Calebe, aucun nouveau message d'Adan. L'anxiété est telle que je peux la palper, qu'elle se loge au creux de mon estomac et me fait vibrer toute entière. Malgré la chaleur de cet après-midi ensoleillé, j'ai la chair de poule, et mes poils de bras se hérissent comme si mon corps était la cible d'une douleur insoutenable, insurmontable. Je sens des gouttes de transpiration descendre le long de ma colonne vertébrale, sous mon tee-shirt, et mes mains sont prises de tels tremblements qu'elles ne forment plus que deux points raides que je tente malgré moi d'ouvrir. Les caresses de ma mère sont si faibles que je les sens à peine. Le sang me remonte, telle une explosion de je ne sais trop quoi, et afflue de ma bouche pareil à un torrent écarlate. Et comme s'il s'agissait là d'une prise de conscience, j'eus la certitude que cette chose qui me rongeait de l'intérieur se devait d'être prise au sérieux et d'être traitée avec la plus grande attention. Il faut absolument que j'aille à l'hôpital. Ces quelques pensées furent mes dernières avant que je ne sombre dans un sommeil inattendu et libérateur.

Lorsque je me réveille, en ayant la certitude de m'être évanouie plus d'une journée entière, mes crampes d'estomac et ma nausée me reprennent, ne me laissant aucune minute de répit. Mes yeux se posent d'abord sur un regard vitreux, un teint maussade et une mine dépitée. Le visage inquiet de ma mère. Visage qu'elle secoue lentement de gauche à droite, comme pour dire "Pas toi, tu ne dois pas partir, pas maintenant, vous partez tous très tôt, trop tôt." Dès qu'elle surprend mon regard posé sur elle, elle cesse tous mouvements et se penche au dessus de moi. Je remarque que nous sommes toujours au sol, à l'endroit même où j'ai perdu connaissance, et en conclu que je ne suis restée que quelques minutes inconsciente. Quelques minutes de soulagement.

Ma mère me relève la tête lentement et la pose sur ses genoux. Délicatement, elle me détache les cheveux et se met à me les caresser avec douceur, comme si je pouvais me briser sous ses mains. Elle ouvre la bouche, un son à peine audible, brisé, percé, détruit s'en échappe, mais elle se tait finalement. C'est à ce moment que je compris. Elle croit que je vais mourir, que mon âme s'en ira dans l'haut-delà dans quelques instants. Quelque chose se brise en moi. Je suis peut-être mourante, peut-être. Mais Calebe est dehors, en plein milieu de cette guerre, et quelqu'un doit protéger ma mère. Si la mort me fait sienne pour l'éternité, elle peut bien attendre quelques jours de plus, rien ne la presse puisqu'elle demeure victorieuse en toutes circonstances.

-Je ne vais pas mourir, Mamá, dis-je d'une voix faible en me relevant à l'aide de mes coudes.

N'est-ce pas? Même si ce piètre effort me brûle l'estomac, je force mon corps à se relever et je me laisse choir sur le canapé. J'arbore une mine qui se voudrait rassurante mais la terreur et la crainte d'une vie sans lendemain me terrifient, et je détourne le regard.

-Je ne comprends pas... Qu'est-ce que c'est? me demande ma mère en s'asseyant à mes côtés et me tendant un verre d'eau.

-Je ne sais pas. Ça fait quelques jours que j'ai ça.

Je fais semblant de boire quelques gorgées, de peur de vomir à nouveau, et pose le verre au sol.

- Dès que Calebe rentre à la casa, j'irai à l'hôpital. Ne t'en fais pas Mamá, je ne vais pas mourir. Je suis sûre que c'est déjà arrivé à un tas de personne.

Alors qu'elle s'apprête à me répondre, des bruits sourds résonnent à nos oreilles et font vibrer la porte de la casa. Ma mère se braque, et mon corps tout entier se crispe. Un silence s'installe, et de nombreuses voix résonnent à l'extérieur. Il n'est pas nécessaire d'être un chercheur de renommée pour deviner que les hommes au dehors de la casa ne sont pas là pour causer. Mon regard se pose sur l'arme au sol, et sans un bruit je la récupère. J'attrape ma mère par le poignet et la force à me suivre tandis que les hommes à l''extérieur tentent de forcer la porte à coups de pieds. Une fenêtre se brise lorsque j'ordonne à ma mère de se cacher dans la penderie de sa chambre. Elle tente de résister. Et toi? Chuchote t-elle, effrayée. Pour toute réponse, je lève mon arme, retire le cran de sécurité et pousse ma mère au fond de la penderie. C'est à ce moment là que la porte de la casa cède sous les coups des ravisseurs et de nombreux pas résonnent dans la petite pièce qui nous sert de salon et de cuisine.

La Favela du Crime - Tome 1Where stories live. Discover now