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Assise sur le perron, les bras croisés sur le ventre, je guette l'arrivée de Caylan. Bon, si il arrive et qu'il me demande ce que je fais ici, je lui dis que je fais bronzette. Je ne me vois pas lui dire que je l'attends impatiemment depuis maintenant deux heures. Il a dû partir au centre-ville pour quelques affaires et m'a dit qu'il ne tarderait pas. Et moi, moi je m'ennuie. Il n'a pas de téléviseur dans sa casa, pas de radio, rien du tout et en sortant, il m'a clairement dit de l'attendre ici et de me reposer à cause de mes vomissements et de mes crampes d'estomac incessants. Après tout, où veut-il que j'aille? Ma mère m'a mise à la rue, je n'ai plus de maison. Et plus de famille, me glisse une petite voix que je tente d'étouffer.

Je consulte une nouvelle fois ma montre qui m'indique que trente minutes se sont écoulées. Résolue, je me lève de sur le perron et entreprend d'aller jeter un coup d'œil au terrain. Voilà quelques jours que je n'ai pas vu Tina et Keïna. Elles ne sont au courant de rien et elles me manquent cruellement. Je ne pensais pas que j'étais aussi attachée à elles. Il le faut, lorsque l'on a personne sur qui compter. Avec un peu de mal, l'estomac vide et la mine pâle, je me mets en chemin et m'arrête au bout de quelques minutes pour vomir. Ce même sang foncé éclabousse mes baskets et j'essaye de ne pas y prêter attention même si je sais que ça ne signifie rien de bon. Mes crampes d'estomac se calment l'espace de quelques minutes avant de reprendre de plus belle. J'essuie ma bouche d'un revers de main et me remet en chemin.

Très vite, la casa de Caylan est cachée derrière de hauts arbres et une broussaille de fleurs et moi, je me mets à marcher entre le dédale de ruelles de la favela. Cette dernière est animée, joyeuse, éclairée par le soleil brûlant, et je ne peux m'empêcher de songer à quel point je suis seule. Devant moi cependant, alors que je m'apprête à prendre un tournant, deux voix s'élèvent. Je les reconnais toutes les deux et me force à m'arrêter.

-...ce matin, dit Adan à voix basse.

Je tends un peu plus l'oreille, curieuse. Un silence s'installe et je fronce les sourcils.

-Ne dis rien à Thalya, répond Caylan d'une voix grave.

-Il s'agit tout de même de son...

-Ne lui dis rien.

-Elle finira par l'apprendre, insiste Adan.

-J'espère que ce ne sera pas par toi, sinon...

Une fois de plus, un ange passe, laissant la menace de Caylan en suspend.

-Très bien Chefe. Je remonte, conclu Adan.

Quelques secondes plus tard, je devine qu'Adan s'en est allé et alors que je m'apprête à partir, les pas de Caylan se rapprochent de moi. Dans une vaine tentative, je tente de m'en aller en courant mais un spasme à l'estomac m'empêche de faire le moindre pas. Résignée, je finis par faire face à Caylan qui, surpris de me voir, s'arrête net. Le temps d'une seconde, l'inquiétude traverse son visage.

-Thalya? demande t-il en me passant devant, je croyais t'avoir dit de rester à la casa.

-Ça fait plus de deux heures que je reste bras croisés chez toi, je voulais prendre l'air, dis-je en lui emboîtant le pas.

-Lorsque je te donne des ordres, je ne veux pas que tu les discutes, m'informe t-il d'une voix nerveuse.

Avec tous ces moments d'intimités qu'on a passé ensemble, je pensais qu'il allait se montrer plus indulgent en mon égard. Et même si je sais qu'il s'adresse à moi comme il s'adresse à ses autres hommes, j'ai toujours l'impression qu'il me parle comme on parle à une gamine. Je ne peux empêcher à ma voix d'adopter cet élan de sarcasme:

La Favela du Crime - Tome 1Donde viven las historias. Descúbrelo ahora