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-Qu'est-ce qu'il t'as dit ? me demande Keïna en croquant dans sa pomme.


Après avoir discuter avec Bella, je pense que nous étions toutes les deux chamboulées de nos aveux et bien trop gênée de poursuivre la conversation. C'est en silence que nous avons rejoins Tina et Keïna au terrain. Keïna était enfin rentré de sont travail et elle nous a confié qu'elle était morte de fatigue, maislorsqu'on lui a raconté les événements de la journée, sa fatigue a complètement disparue.


Je n'imaginais vraiment pas Bella comme ça. C'est incroyable de se dire que derrière cette petite bimbo, cette femme fatale, se cache une innocente petite fille qui n'a pas conscience de ses faits et gestes. Je ne l'imaginais pas du tout comme ça, et je pense que notre petite conversation a changé beaucoup de chose entre nous : Je l'apprécie.


-Bah, il m'a puni, dis-je après un temps de réflexion.


Dit comme ça, c'est vraiment ridicule.


-Il t'as puni ? répète Tina, incrédule.

-Je suis chargée de récupérer le colis de poudra bihebdomadaire, demain matin, en ville. Ça n'a rien d'une punition mais bon, je ne me plains pas...

-Il t'as donné le sale boulot, susurre Tina.

-Comment ça ? dis-je, hébétée.

-Généralement ce travail est destiné aux anciens. Non seulement ils ont l'habitude, mais en plus, ils se font rarement prendre de par leur âge et leur tenue. Et même si ils se font prendre par la police, ce n'est pas une grande perte, ils ont fait leur temps.


Ils ont fait leur temps ? Cette phrase est horrible à dire, mais vrai à penser.


-En quoi est-ce que c'est un sale boulot ? je demande, incertaine de comprendre.

-C'est juste un boulot, c'est les flics qui le rende sale, m'explique t-elle.


En gros, Cassio m'a chargée de récupérer ce fichu colis et ce, même si ça implique que je me fasse jeter en prison pour port de stupéfiants ?! Quel connard ! Et moi qui croyais bien m'en sortir !


-Mais tu devrais bien t'en sortir toi, n'ai aucun soucis à te faire, me rassure Keïna, sourire aux lèvres.


Plus facile à dire qu'à faire !


J'ai passé le reste de la soirée avec Tina, Keïna et Bella. Cette dernière n'avait pas bronché une seconde, elle se contentait d'écouter d'une oreille et de regarder à l'entrée du terrain. A un moment, Skill a fait son entrée, un air dérangé et inquiet. Sans un mot et sourcils froncés, Bella la rapidement rejoint. Elle nous a lancé un vague au revoir de loin, et a articuler «A demain» avec ses lèvres avant de quitter le terrain aux côtés de son ami.


Le lendemain matin, je me réveille assez tôt mais par peur de ne pas arriver à l'heure au «rendez-vous», je m'empresse de me préparer. J'enfile un short en jean ainsi qu'un débardeur et mes baskets, puis sort de ma casa. Étant donné que je suis un peu en avance, je prends mon temps pour me rendre sur l'avenue principale de Copacabana.


Une fois arrivée devant le palais de Copacabana, je repère le Bob's à quelques mètres de celui-ci et m'en approche. Une pancarte, juste derrière celui-ci, indique la rue Solana Beche. Le cœur tambourinant pour je ne sais quelle raison, je rentre dans le Bob's et sort les quelques Réals que j'ai dans la poche. Je commande uniquement un gâteau car d'un côté, c'est mon petit déjeuné et je sais également que j'aurai besoin de force si courir est nécessaire, mais de l'autre, cette mission et les aveux de Tina m'ont mis dans tous mes états. Et dire que je ne craignais rien encore hier, il a fallut que mon amie me fasse paniquer ! Et voilà que je m'imagine me faire courser par les flics...


-Quelle heure est-il ? je demande au caissier.

-9h30, me répond t-il.


Très bien, il me reste encore 20 minutes avant de récupérer le colis. Cependant, je ne dois pas oublier que je suis chez Bob's, et même si je ne connais aucun autre Fast Food, je suis sûre et certaine que c'est le plus lent de tous ! Surtout qu'à cette heure-ci, le soleil est aux aguets et les touristes se multiplient dans le restaurant.


Quinze minute plus tard, je sors enfin de Bob's, le ventre à peine rempli et la peur omni-présente. D'un pas lourd, je marche jusque dans la rue Solana Beche. Je découvre une ruelle assez étroite, bordée de sacs poubelles et de caisses en bois. Il n'y a personne, et les bâtiments autour d'elle sont si rapprochés qu'elle est dans l'ombre totale malgré le ciel bleu et le soleil qui tape. Au loin, un chat saute de poubelles en poubelles, sûrement à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent.


Un bruit se fait entendre juste derrière moi, je me retourne d'une vitesse inégalable. Un homme d'une quarantaine d'année m'observe de la tête au pied. Il porte une casquette NY ainsi qu'un polo rose sûrement acheté dans un magasin discount. Un bermuda blanc, des baskets sans marque sont à ses pieds. Cependant, histoire de se donner un air de riche touriste, une chaîne en or pend à son cou.


Je m'apprête à l'ignorer quand je remarque que de sa main droite, il tient un sac de sport noir. Mon cœur se soulève et un frisson me traverse intégralement tandis qu'il s'approche de moi. Il me scrute d'un œil pervers et un sourire barre lentement son visage tandis que de mon côté, je recule légèrement.


-Approche minha linda, dit-il d'une voix douce.


Merde, il doit sûrement penser que je suis juste une petite malheureuse qui traîne ici par erreur. Bon d'accord, je suis une petite malheureuse, mais je suis ici pour une bonne raison. Et je préfère vite en finir avec cette histoire !


-Je suis avec Cassio, dis-je derechef.


Son sourire se volatilise tandis qu'il s'arrête d'avancer. Un air dégoûté l'habite tandis qu'il me fixe de la tête au pied.


-C'est du gâchis qu'une aussi belle fille se mêle à des histoires pareilles, remarque t-il en me faisant les yeux doux.

-Passe moi le sac, je me contente de dire, pas le moins du monde amadouée.

-Muito bem, soupire t-il en me le tendant.


Je le récupère rapidement et remarque qu'il est plus lourd que je ne le croyais.


Et d'un pas furtif et la peur présente, je rejoins ma favela, non sans jeter des regards discret derrière moi.

La Favela du Crime - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant