Chapitre 9

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Il semble que le temps qui passait les narguait tous, jouant de façon vicieuse avec leur nerfs. C'était interminable ! Après plusieurs longues minutes sans fin, par une porte opposée à celle qu'ils avaient empruntée, des hommes habillés en bleu, rentrèrent lentement un par un.
Il y avait comme de la magie : depuis le parloir, on les apercevait arrivant tête baissée, le regard triste mais une fois passés ces portes, à la vue de leur famille un beau sourire s'affichait sur leurs visages fatigués, comme si une bonne fée à l'entrée leur donnait un coup de baguette magique pour qu'ils soient heureux.
Ils avaient l'air tous si gentils, comment ont-ils pu en arriver là ? se demandait Marie
Soudain parmi cette vague bleue, un visage familier apparu, c'était lui, c'était Kader, son bien aimé !
Il ne dérogea pas à la règle, son visage s'illumina et un grand sourire éclaira son terne visage tout en se dirigeant prestement vers son épouse.
Comme il avait maigri ! C'est à peine s'il était reconnaissable.
Il embrassa pudiquement sa femme, il se contenta de deux bises timides sur chaque joue, bien qu'il aurait voulu la prendre dans ses bras et l'étreindre de toutes ses forces.
Les larmes plein les yeux, la parole coupée par l'émotion, Kader commença :
- Salam alikom
- Alikom salam
Elle étouffa un sanglot, se moucha et reprit :
- Tu nous manques tellement !
- Vous aussi vous me manquez ! Comment vont les enfants ?
- El hamdou li Allah tout le monde va bien, il ne nous manque que toi ! Est-ce que ça va ? Tu as trop maigri !
- Ben hamdou Allah, tu sais je ne récolte que ce que j'ai semé ! Starful Allah, ce qui me tue, c'est que vous souffrez à cause de moi !
- Arrête de dire ça Kader ! C'est le mektoub ! L'important est de se remettre debout, de pas se laisser abattre !
Il était visiblement déprimé, des cernes entouraient ses yeux rouges et larmoyants.
- Alors ? Toi ça va ? Et les enfants ?
- Ben oui, ça va physiquement. En réalité, tu sais, personne n'est au courant pour toi, cependant, ... y a des rumeurs qui vont bon train jusqu'à arriver aux oreilles de nos enfants... et c'est pas bien qu'ils l'apprennent de l'extérieur !
Je ne peux pas te cacher que tous sont affectés :
Lisa se coupe du monde en mettant son casque.
Mickael est devenu ingérable, enchaînant bagarres sur bagarres, la maîtresse veut qu'on l'emmène chez un psy
- Starful Allah, je vous demande pardon wa Allah !
- Arrête de te culpabiliser Kader ! Je suis là pour nous aider à aller de l'avant, pas pour te rendre responsable !
- D'accord, continue et Ilyes ?
- Ben il a perdu l'appétit, ce qui n'est pas normal pour ce petit glouton que tu connais... parfois il fait pipi au lit !
- Marie, je suis perdu, tu sais ! Je sais plus quoi faire, dis-moi mon cœur, je ferai tout ce que tu me diras in cha Allah !

- Et bien je pense que la première chose à faire est de rompre le silence. 3mois c'est beaucoup, vis-à-vis des enfants, mais aussi de nos parents.
- Marie j'aimerais pas qu'ils mettent les pieds ici tu sais, j'ai tellement honte !
- Chaque chose en son temps Kader !
En bonne cadre supérieure, elle analysa les attentes implicites de son interlocuteur, étudia sommairement les hypothétique solutions et les lui soumit.
- Tu sais je vais leur dire, il y a un lundi férié bientôt, je pourrais emmener les enfants au parc on y passera l'après-midi, puis je le leur dirai in cha Allah.
Ca va être dur mais ils t'aiment, tout comme moi, et personne n'est infaillible.
Elle savait également que l'action devait également porter sur lui :
- Kader, maintenant à toi ! Tu sais l'heure tourne, je vois que tu es déprimé, tu portes la culpabilité en toi, et je ressens chez toi une profonde tristesse. Que fais-tu de tes journées ? Tu as le temps pour prier pourtant ?
Elle voulait que sa phrase fut un déclencheur, elle craignait soit un repli, soit la colère, mais ce ne fut ni l'un ni l'autre :
- Ben ... c'est-à-dire que ... oui je prie, mais le cœur n'y ait pas vraiment, c'est juste pour accomplir la prière je ne m'y attarde pas trop tu sais !
- Ecoute Kader, on est des musulmans, El hamdou li Allah, grâce à toi, j'ai découvert cette si belle religion, et je l'aime tellement ! Kader, la vie du musulman est parsemée d'épreuves plus ou moins difficile, et ta réaction, mon frère est de tenir avec fierté face ces épreuves ! Allah ne te laissera pas si toi tu ne t'abandonnes pas ! C'est la volonté d'Allah ! Les routes qui mènent au paradis ne sont pas les plus aisées ! Taouba mon frère ! Le regret sincère et la ferme intention de ne plus recommencer l'as-tu ?
- Oui Marie, alors là, jamais, plus jamais je ne recommencerai et je donnerai n'importe quoi pour revenir en arrière. Je voulais tellement jouer mon rôle de chef de famille, j'ai refusé ton aide, tes nobles conseils... et voilà où j'en suis ! Je t'ai même fait souffrir, pardonne moi !
- Kader, tu es tout pardonné, tu as dis que tu ferais tout ce que je dirais ?
Alors je voudrais que l'on se parle plus qu'une fois par semaine au téléphone
- Ok !
- Je voudrais qu'après la prière du soir, ou tôt avant celle du matin, tu fasses des prières supplémentaires et que tu exprimes ton regret, tes attentes
- Marie, tu sais on n'est pas seul, c'est pas facile !
- Y a pas de mosquée, ou un lieu de prière ?
- Non, mais y a des frères, ils ont fait une demande pour un imam et au moins la prière du vendredi dans un local. Tu vois c'est le frère Souleyman là-bas !
Elle se tourna et vit un homme avec une longue barbe discutant avec un autre.
- Fais ce que tu peux, tu n'as pas besoin d'ouvrir la bouche, pour invoquer Allah, Il sait ce que tu penses, ce qu'il y a dans ton cœur...
Elle lui serrait les mains tout en disant ces mots. Malgré ses efforts pour les cacher et les retenir, Kader laissa couler quelques larmes. Ce moment extrêmement délicat fut interrompu par le gardien :
- Mesdames, Messieurs, ils vous restent 30 mn !




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⏰ Dernière mise à jour : Feb 28, 2016 ⏰

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