Chapitre 1

20 1 0
                                    

Ce matin là, elle se rendit seule à l'école du village, elle a convaincu ses parents qu'à 9 ans et en CM1 en plus, on pouvait s'y rendre tout seul !
La rentrée avait eu lieu il y a un mois déjà, l'air frais matinal de la campagne environnante et le silence du village encore endormi, bien qu'il soit déjà 8h15, étaient propice au vagabondage de ses pensées.
Ce jour-là elle portait un long manteau vert sapin avec un petit béret de la même couleur, ses longs cheveux auburn formaient une écharpe soyeuse qui tombait jusqu'au milieu de son dos.

C'était la seule de sa classe à habiter de ce côté-ci du village, mais qu'importe elle les rejoindrait dans pas longtemps !
Sautillant, sur le mince trottoir, Elise pensait à ce garçon de CM2 qui lui avait souri la veille à la sortie de l'école.
Et ses pensées, son insouciance, étaient par moment perturbées par ses parents qui étaient sur le point de divorcer, d'ailleurs sa mère avait quitté depuis longtemps le domicile ; elle ne la voyait plus que pendant les week-ends.
Les voitures étaient garées sur le côté droit, sa route était une longue ligne droite, avec en tout et pour tout deux rues à traverser, avant d'arriver à l'école communale, sur la place de l'église. Plus elle s'en approchait, plus elle appréciait, car comme par magie, des pavés faisaient suite au bitume, ils couvraient le mince trottoir en mouchoir de poche, et les rues de ce côté-ci, constituaient un excellent terrain de jeu !

Elle s'amusait à sauter de l'un à l'autre à cloche pied, tout en s'arrêtant par ci, par là. Les corps de ferme qui composaient ce village l'ont toujours intriguée : si à l'intérieur ils ouvraient sur de large cours, du côté du trottoir il y avait des petites fenêtres aux rideaux fleuris à moins d'un mètre à peine du sol, par lesquelles elle aimait jeter un coup d'œil.
Elise savait que Madame Duprin était secrètement chargée par ses parents de veiller sur elle, quand elle traversait la première route et surtout la deuxième qui avait couté la vie à un de ses camarades il y a deux ans.
Comme convenu, elle la vit installée à sa fenêtre, impassible telle un bouda. Elle aimait tant l'entendre parler avec ce drôle d'accent qui caractérise les gens de la région.

Roulant les R et utilisant des mots que l'on ne trouve guère dans les dictionnaires ; avec une voix grave mais empruntée de douceur, elle portait ce tablier qui laissait apparaitre ses pâles et fortes épaules, elle portait toujours un tablier !
Son fils, travaillait à la boulangerie, place de l'église c'est à lui qu'elle devait de bon et savoureux goûters !
Une boulangerie avec des produits du terroir uniquement, c'est peut-être cela qui donnait un goût si particulier à tous ces pains et croissants !
- Bonjour Madame Duprin !
- Bonjour Elise ! traverse au passage piéton ma fille, tiens pour ton goûter !
Elle lui tendit un petit sac en papier à l'intérieur duquel se trouvait un pain au raisin encore tout chaud, puis reprit :
- N'as-tu pas vu Michka ?
La petite, heureuse, contemplait avec gourmandise le contenu du sac
- Oh ! merci Madame Duprin comme c'est gentil comme il sent bon, merci beaucoup ... pardon, non je n'ai pas vu Michka !
- Vas ma petite ! car tu vas ben être en retard ! Mais ne court pas et regarde bien des deux côtés de la rue avant de traverser !
- Mais oui Madame Duprin, je suis grande maintenant, à tout à l'heure !
L'enfant s'amusait de son accent, mais se retenait de rire pour ne pas vexer cet ange gardien si adorable et si charmant !

Et elle continua son chemin vers l'école sautillant ici et là, heureuse d'avoir eu un si bon goûter, triste aussi en repensant à ses parents et à toutes ses questions en suspens sur l'avenir de sa famille, excitée à l'idée de connaître le nom de ce grand du CM2 aux cheveux blonds et aux yeux bleus pour lequel elle avait pris soin de s'habiller avec élégance : de mettre ses collants blancs et ses souliers neufs à boucle avec un léger talon qui la faisait paraître plus grande, le tout surmonté par un soupçon de parfum offert par sa mère ...
La première rue ? Elle la traversa sans problème ! Par contre un dilemme se posait pour la seconde : il fallait traverser sur le passage piéton, mais une fourgonnette avec une échelle sur son toit y était garée et l'empêchait de traverser à cet endroit.

Sixième chanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant