Chapitre 14 : Rencontre marquée

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Je savais que de trouver une façon de convaincre Nao de retourner dans ma réalité serait très compliqué. Nous étions ici depuis trois jours, et je commençais à la craindre, je n'avais pas réellement dormi depuis notre arrivée. Les actes qu'elle avait face à moi n'étaient pas réconfortants. J'aidais Leakan avec les tâches du domicile, je l'aidais également à nettoyer la grange et nourrir les vaches. J'avais remarqué, à plusieurs reprises, Nao au loin qui me fixait, elle penchait souvent la tête sur le côté, le gris de ses yeux plus intense que jamais. Elle se tenait en ce moment même dans l'entrée de la grange, elle portait une robe en coton et de vieux souliers en cuir, ses mains étaient croisées devant elle. Je n'étais pas habitué de la voir dans de tels vêtements. Je laissais mes yeux descendre sur ce que je portais. J'étais vêtu comme Leakan, un pantalon en coton et un chandail de lin, et des bottes en cuirs trop grandes pour moi. Je reportais mon attention sur le foin devant moi, j'enfonçais la fourche dedans et j'en donnais aux vaches les plus près. Il s'approchait de moi et chuchotait près de mon oreille. « Nao n'entre jamais dans la grange, les vaches réagissent trop fort face à elle. Elle en a déjà attaqué une. » Je le regardais surpris, ne sachant pas si je devais rire, ou la craindre encore plus. Ses lèvres étaient tremblantes, il retenait clairement son envie de rire. « Elle m'a donnée comme raison que c'était de l'autodéfense. » Je laissais finalement échapper un fou rire. Je relevais la tête vers elle, elle se tenait droite comme une barre, ses cheveux raides qui descendaient jusqu'à sa taille. Le soleil, qui plombait sur sa tête, les rendait encore plus blancs qu'à la normale. 

Je m'appuyais sur le manche de ma fourche, pendant qu'un nœud se formait dans le creux de mon estomac. Elle semblait sereine, et douce, placée de cette façon, mais je savais très bien que c'était seulement une illusion. Je réalisais, à ce moment, à quel point la Zinnaora que je connaissais me manquait. Je m'ennuyais de son sourire, de son rire, de l'éclat familier dans ses yeux. Je ne croyais pas ça possible, mais je m'ennuyais de son envie de toucher à tout ce qu'elle voyait. Je m'ennuyais également de la façon qu'elle avait de déposer sa main sur ma joue, un geste qu'elle trouvait réconfortant. Sa chaleur manquait à ma vie en ce moment. Je soupirais bruyamment. Je pouvais voir Leakan du coin de l'œil qui me regardait, je tournais la tête vers lui, ses traits étaient sérieux. « Est-ce que je te dérange Vincent? » Je relevais le sourcil, confus. « Ça fait au moins cinq minutes que je te dis que c'est bon et qu'on peut quitter la grange. »

« Oh, désolé, j'étais dans la lune. » 

« Je n'ai aucune idée de ce que signifie cette phrase. » Il haussait les épaules. « Allez, viens! » Je déposais la fourche à l'endroit désigné à cet effet, et je le suivais vers la sortie. Nao se déplaçait pour nous laissé passer. Je tournais la tête pour l'observer lorsque je passais et j'eus juste le temps de voir ses yeux flasher une noirceur avant qu'ils ne retrouvent leur teinte. Un long frisson me parcourait le corps et l'impression de suffocation s'emparait de moi. Cette sensation, je l'avais déjà vécue à quelques reprises, mais je n'avais jamais pensé que ça venait d'elle. Je tapais sur l'épaule de Leakan, incapable de parler. J'appuyais mes mains sur mes cuisses et me penchais vers l'avant à la recherche d'air. « NAO! »  J'inspirais bruyamment lorsque la pression sur mes poumons disparaissait. Je me redressais et prenais appui sur la porte de la grange. Je reportais mon attention sur elle, elle avait la tête penchée sur le côté. Je n'aimais pas ça lorsqu'elle prenait cette position, ça lui donnait un air malsain. 

Elle pointait ma tête, les yeux rivés dans les miens. « Il s'en produit des choses; ici. » Elle redressait la tête et s'éloignait vers le champ qui s'étendait à perte de vue. 

« Mais qu'est-ce qui se passe avec elle pour qu'elle t'attaque constamment? » Il éclatait de rire, avant de poursuivre. « Finalement, elle ne doit pas t'apprécier tant que ça! » Je roulais les yeux avant de poursuivre la marche vers la maison. L'odeur de la grange était imprégnée dans mes vêtements. Est-ce que ça pouvait être vrai, est-ce que Nao pouvait réellement ressentir une haine face à moi? Leakan parlait souvent de moyens pour faire disparaître l'envahisseur et elle ne l'attaquait pas. J'étais la cible. Je chassais ces idées de mon esprit pendant que je m'installais sur une chaise sur le balcon devant la maison. Leakan était parti à la cuisine chercher de la limonade, il ressortait poussant la porte-moustiquaire à son maximum. Il me tendait un verre et il prenait la place à ma gauche. D'où nous étions installés, nous pouvions voir Nao, elle était assise sur le gazon la tête relevée vers le soleil. 

ZinnaoraWhere stories live. Discover now