Chapitre 8

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Un bruit vient me caresser les oreilles. Le son me titille les tympans. On croirait au gémissement lointain d'un animal. Un bien curieux gémissement alors...

Les sirènes me parviennent, de plus en plus claires. Mon cerveau hurle que ce peut être la police. Je l'ignore. Je me désintéresse de ce son lointain qui ne fait que raviver le souvenir douloureux du moment où l'agent de police est venu interroger mes geôliers avant de repartir sans savoir que je me trouvais à tout juste une vingtaine de mètres de lui.

La sonnerie se rapproche manifestement. J'ai beau mettre tout en œuvre, la force de ma volonté n'est plus assez puissante pour contenir l'espoir qui me submerge. Un véritable raz-de-marée d'espérance me noie. Je me lève d'un bond et, me ruant vers la porte de la cave, je me mets à tambouriner à coups de poing contre le bois massif.

Je perçois les crissements de pneus sur les graviers devant la maison de campagne. Mon cœur fait un bond de bonheur.

Je suis sauvé !

Quelle naïveté ! Dire qu'un instant j'ai cru que mes geôliers se laisseraient arrêter sans résister et me permettraient de sortir sans se poser de questions... Comme je peux être stupide par moment ! Le bruit d'une clé qui s'insère dans la serrure retentit. Sans attendre, je me recule pour ne pas recevoir la porte dans la figure. La porte, justement, s'ouvre à la volée deux secondes plus tard. Dans l'encoignure de la porte j'entrevois la silhouette de la vieille gargouille. Comme toujours, je n'y vois rien, ébloui.

Pendant les quelques interminables secondes qui suivent, je ne contrôle plus rien. Surpris par la vitesse des évènements, je ne fais que subir la situation sans la vivre réellement. Je sens la main de la vieille femme se refermer sur mon bras et me planter ses ongles dans la peau. Je me débats, en vain. La gargouille me hurle quelques mots que la douleur et l'ébahissement m'empêchent de comprendre. Son ton ne laisse pas de place au doute. Aucune ambiguïté, elle est proprement paniquée. Le canon froid d'un révolver s'enfonce dans ma nuque – probablement la même arme que la dernière fois qu'elle m'a rendu visite-. Mon sang se glace de terreur. La vieille femme me pousse devant elle sans ménagement. Je titube, mais, conscient de la menace bien réelle qui pèse sur ma nuque, je parviens à retrouver mon équilibre.

En ces moments de confusion, mon esprit bouillonne de sentiments contradictoires. La raison de cette précipitation paniquée est simple : la police a retrouvé ma trace et vient pour me libérer. Cette seule idée me procure une joie et un soulagement indescriptibles. Enfin, le cauchemar est terminé ! Je vais pouvoir rentrer chez moi. Je vais revoir mes parents, mon frère, mes sœurs et Valentin. Une idée qui ne me serait pas venue à l'esprit trois jours plus tôt me traverse comme une étincelle. Il est curieux de penser à cela en cet instant indécis, mais j'en ressens néanmoins un grand plaisir.

Je vais pouvoir m'excuser auprès de Kylian !

Je serai bientôt libre ! Je suis comblé de bonheur. Chaque pas est une victoire.

Mais la menace du révolver appuyé dans mon dos à présent n'est que trop réelle. Tout mon corps frissonne de joie, mais la terreur me baigne. Le temps d'appuyer sur la gâchette et je ne serai plus. L'angoisse me serre les entrailles. Les larmes percent au coin de mes yeux creusés par la fatigue. Des larmes mêlées, de joie et d'effroi. Des larmes que je réprime péniblement. Je ne dois pas me transformer en madeleine, surtout pas maintenant. Ce n'est pas le moment ! Je dois rester digne. Je ne donnerai pas à mes deux enfoirés de ravisseurs le plaisir de me voir pleurer.

Mes yeux retiennent donc tant bien que mal la saumure qui approche. Les pupilles plissées mon regard affolé cherche à tout prix à s'habituer à la lumière. Après trois jours plongés dans l'obscurité parfaite de ma geôle, la seule lumière du soleil m'inflige douleur et aveuglement.

Séquestré !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant