Chapitre 4

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Dehors, le soleil était éclatant. Partout, l'herbe était haute et grasse. L'air était bon sans être sec. Il faisait beau et chaud, un temps de rêve. En plein été ça n'avait rien de très étonnant.

Cette après-midi, j'étais à la maison, gagné par l'ennui. L'ennui, un compagnon que je ne connaissais que trop bien... Bien souvent, pendant les vacances, je me retrouvais à ne pas savoir que faire. Mais ce jour-là, le téléphone sonna et, comme je décrochais, je reconnus la voix de mon meilleur ami. Bien entendu, c'était à moi qu'il désirait parler. Il m'avoua qu'il était surpris que ce soit moi qui réponde. Dans un sens, ça pouvait se comprendre : en général je laissais toujours quelqu'un décrocher à ma place. Pourquoi alors, avais-je répondu cette fois-ci. Aucune idée. Peut-être en avais-je envie tout simplement... Mon copain me fit une proposition qui m'aurait enchanté, s'il ne m'avait pas fallu demander auparavant l'autorisation des parents.

Mon père arriva derrière alors même que je venais de reposer le combiné. Je me tournai vers lui.

Pourvu qu'il accepte !

Je savais que les chances qu'il me donne son aval étaient minces, mais il me fallait tout de même essayer. Peut-être, après tout, était-il de bonne humeur...

Je me décidai donc à essayer.

— Papa ?

— Oui ? Qu'est-ce que tu as mon chéri ?

— Valentin vient d'appeler il..., commençais-je

— Valentin... c'est ton copain du judo c'est ça ?

Il me coupait déjà la parole, pas de très bon augure... J'acquiesçais néanmoins en réponse à sa question.

— C'est le petit gros à lunettes qui te sert de punching-ball pendant les cours c'est ça ?

J'oubliai de le préciser : mon père est on ne peut plus fier de mes résultats au judo... Il n'en avait pas raison pour autant. En effet, Valentin était justement le seul du groupe de judo qui parvenait à m'égaler voire à me dominer.

— C'est pas un petit gros, papa ! Fis-je remarquer d'un air réprobateur.

Valentin avait approximativement la même morphologie que moi. Même poids, il devait mesurer trois ou quatre centimètres de moins que moi. Presque rien...

Mon père ignora ma remarque.

— Donc il a appelé, et alors ?

Enfin, j'allais pouvoir lui demander...

— Il m'a proposé de...

— Attends ! Valentin c'est pas aussi avec lui que tu rentres tout les mercredis et vendredi après le judo ? C'est pas sa mère qui te ramène ?

À se demander s'il vit avec nous. Pas croyable... Il comptait m'interrompre combien de fois comme ça ? Parce qu'à ce rythme-là je n'aurai jamais fini...

— Oui c'est lui, c'est bon je peux parler ?

Il hocha la tête pour me faire signe d'y aller.

— Il m'a proposé d'aller chez lui cette après-midi. Comme vous n'êtes pas libres, je peux y aller en vélo... Il habite à un kilomètre à peine.

— Hors de question !

Tout ça pour ça... En trois mots il a mis fin au suspens !

— Mais papa ! Juste pour trois heures..., je serais de retour pour le goûter !

— Il n'y a pas à discuter Hugo ! Dit-il en haussant le ton. Tu n'iras pas chez ton copain. Tu es trop jeune pour te balader tout seul en vélo.

— J'ai dix ans quand même, j'suis plus un bébé ! Et puis je sais faire du vélo. Je te promets que je mettrai bien le bras avant de tourner, et puis je prendrai mon casque.

— Non Hugo. Quand j'ai dit non, c'est non ! Tu sais parfaitement qu'il y a des enfants qui se font enlever tous les jours et c'est pour ça que je ne veux pas que tu te balades seul en ville. Des cadavres d'enfants enlevés j'en vois toutes les semaines tu sais. C'est justement parce que je suis policier que je suis conscient du nombre d'accidents de ce genre qui arrivent. Je préfère que tu m'en veuilles d'avoir dit non, plutôt que de risquer que tu te fasses enlever.

Je compris que toute discussion supplémentaire serait fortuite. Il n'y avait pas eu de miracle. C'était « non », comme toujours.

Pff, décidément ils ont vraiment peur pour un rien les parents !

L'après-midi chez Valentin, ce serait pour une prochaine fois... À condition que les parents acceptent de m'y conduire en voiture.

***

Je sortais du collège, comme tous les soirs. Il était donc aux alentours de dix-sept heures. Ma mère s'arrêta juste devant moi et déverrouilla la portière pour que je puisse monter. Elle m'accueillit par un sourire tandis que je m'installais. Elle glissa ses lèvres sur mon front et déposa un baiser avant de reprendre le volant. Un coup d'œil par la vitre me suffit à apercevoir mes amis qui regardaient dans ma direction en s'esclaffant. La barbe ! C'était le même cirque chaque jour. Tous deux rentraient chez eux en vélo, mais attendaient avec moi que ma mère arrive. Pour rien au monde ils ne manqueraient le spectacle du « petit bisou de la manman à son grand fils préféré ». Ces mots n'étaient pas de moi mais venaient de la bouche de mon copain Valentin.

Valentin, mon meilleur copain. Le seul véritable ami que j'avais en fait. Nous nous étions rencontrés le jour de notre premier cours de judo à tous les deux, vers l'âge de six ans. Depuis nous étions inséparables. Chaque semaine depuis six longues années, il était mon partenaire au judo. Il n'y avait rien de rebelle en lui, aucune violence, toute son agressivité était réservée au tatami. Il n'approuvait pas le traitement que je destinais à Kylian, mais comme il n'était pas dans le même collège, il ne pouvait rien y faire. Depuis toujours, il supportait mes frasques sans me condamner. Nous avions grandi ensemble et finalement, je voyais en lui mon unique confident. À Valentin je pouvais tout confier. Absolument tout ! Un jour, je lui avais confié mon ras-le-bol de voir mes copains, ou du moins ceux qui prétendaient l'être, se gausser de moi chaque après-midi. Il m'avait compris comme toujours, et je m'apprêtais à présent à suivre son conseil. En parler avec ma mère...

— Maman ? Ça serait possible qu'à partir de demain je rentre de l'école tout seul en vélo ?

J'avais beau poser la question, je me doutais de la réponse. Toujours la même hantise de l'enlèvement. Décidément, il n'était pas facile d'être un fils de flic !

Comme toujours j'avais vu juste, elle refusa immédiatement.

— Mais c'est pas loin, y en a pour à peine dix minutes. Que veux-tu qu'il m'arrive en dix minutes ? J'ai plus sept ans tout de même, je sais faire du vélo !

— Hey Hugo t'es méchant ! Moi j'ai sept ans et jsais faire du vélo ! Fit remarquer Hippolyte : chaque jour, ma mère passait d'abord chercher mes frangins avant de venir me chercher au collège.

Chose qui m'arrivait assez rarement, car je m'entendais on ne peut mieux avec le benjamin de la famille, j'ignorais purement et simplement son intervention.

— Qu'est ce que je risque ? Je vais pas avoir d'accident, et en plus il y a une piste cyclable. Et puis j'ai douze ans, je suis grand, vous pourriez enfin commencer à me faire confiance !

Là, je finissais vraiment à en avoir assez. Comme prévu elle allait me ressortir son histoire d'enlèvement. Ça commençait à bien faire !

— C'est pas la peine d'essayer de négocier. Ce sera non quoi que tu dises. Tu sais bien que ton père et moi ne voulons prendre aucun risque, et sûrement pas celui que tu te fasses enlever !

Bingo !

— Mais vous allez arrêter d'être paranos ! Y a un moment où faut se détendre. Vous voyez du danger partout. Des enfants de douze ans qui rentrent du collège à vélo, il y en a des millions, c'est pas parce que parfois un d'entre eux se fait enlever qu'il faut m'interdire de faire un mètre seul dans la rue ! Franchement faut vous faire soigner !

Lamain de ma mère partit toute seule et je sentis sur ma joue la douleur cuisantede la gifle qu'elle venait de me donner. La douleur était ténue et passagère,elle ne tarda pas à disparaître. Mais ce n'était pas tant la douleur quiimportait, mais l'humiliation. Vexé, je fixai mon regard sur la vitre à magauche et commençai à me morfondre.

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